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saient de fécondité; et au moment de la récolte, les propriétaires déposaient sur le front des dieux champêtres des couronnes de reconnaissance. Maintenant, la vogue est au platane, dont l'ombre est épaisse, mais stérile. Et moi, pauvre noyer, planté au bord du chemin, je me vois traité en malfaiteur. On me lapide; les coups de gaule pleuvent dru sur ma ramée. Quel est donc mon crime? Je m'obstine à porter des noix. »

On l'aura remarqué, dans la société antique, la peur de l'enfant n'est liée à aucun danger de surpopulation : l'Italie se dérobe aux charges de la famille, alors qu'elle constate chez elle une forte baisse de la population. Les influences contraires à la natalité résident dans les spéculations politiques de théoriciens philosophes, dans la tyrannie oppressive des maîtres, et dans la paresse égoïste de citoyens démoralisés.

Les barbares qui se ruent sur l'empire romain ignorent, dans leur vigoureuse rudesse, les raffinements et les vices des sociétés décrépites. Ils sont trop jeunes pour ne pas aimer à répandre la vie; et par leurs incursions, les batailles qu'ils livrent, la résistance qu'ils rendent nécessaire, ils obligent les provinces qu'ils envahissent à se préparer des guerriers en multipliant les enfants.

Au moyen âge, deux ennemis de la vie humaine, la guerre et la peste, ravagent l'Europe et lui font redouter le vide bien plus que le trop plein. La seule peste noire, qui sévit de 1346 à 1353, retrancha 23 millions d'hommes à l'Asie, et mit à peine trois ans pour enlever à l'Europe 25 millions d'habitants plus d'un siècle fut nécessaire pour combler pareil déficit.

On observe, d'ailleurs, au cours du moyen âge et de l'époque moderne, de grandes fluctuations dans le peuplement des mèmes contrées. Ainsi l'Allemagne d'avant la Réforme possédait quelque vingt millions d'habi

tants (1) la guerre de trente ans et les luttes du XVIe siècle lui en ravirent la moitié.

Et même sans tenir compte de pareilles vicissitudes, si l'on songe, qu'à la fin du xvIII° siècle, l'Angleterre, avec le pays de Galles et l'Écosse (sans l'Irlande, qui avait alors 6 800 000 âmes) comptait, en chiffres ronds, 10 500 000 habitants (2); l'Italie, 19 000 000 (3); l'Allemagne, 24 500 000 (4); la France, 25 ou 26 millions (5); les États-Unis d'Amérique, 5 500 000 (6); la Belgique, 3 800 000 (7), l'on conclura sans peine que, jusqu'à l'aurore du XIXe siècle, la surpopulation n'avait donné ni aux hommes de science, ni aux hommes de loi, aucun sujet sérieux d'inquiétude actuelle ou prochaine.

Bien au contraire, pressés d'avoir des soldats pour leurs armées et des ouvriers pour leurs manufactures, les Gouvernements cherchent à accélérer le peuplement. Ils veulent des enfants, légitimes ou non; ils veulent des mariages précoces. Louis XIV exemptait d'impôts quiconque se mariait avant vingt ans et élevait dix enfants. C'était une maxime de Frédéric II, que « le nombre des peuples fait la richesse des États » (8) ; et tandis que, sur la proposition de Pitt, le Parlement anglais votait un bill en faveur des familles nombreuses, Napoléon I promettait à tout père de famille ayant sept fils, d'en élever un aux frais de l'État; le septième fils recevait un cadeau à son baptême, comme maintenant

(1) H. Pesch. Lehrbuch der national Oekonomie, t. II, n. 128, p. 548. (2) Recensement officiel décennal, reproduit notamment dans le WHITACKER'S ALMANACII FOR 1909.

(3) Galanti. Geografia, 1816, p. 212 ss.

(4) Conrad. Handwörterbuch der Staatswissenschaften, Bevölkerungswesen, p. 763.

(5) L'Abbé Espilly, chez Feller, I, p. 147 note, donne 20-25 millions. L'ANNUAIRE DU BUREAU DES LONGITUDES donne, entre 1800 et 1810, une popula-` tion moyenne de 28 900 000.

(6) Recensements officiels parus notamment dans le WORLD.

(7) Delplace. La Belgique sous la domination française, I, p. 147, note 1. (8) Euvres de Frédéric le Grand, IV, 4. Mémoires de 1763-1775, VI, 82.

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encore, en Belgique, il a l'honneur d'avoir le Roi pour parrain. Nous trouvons donc, sans étonnement, dans le traité politique qu'un conseiller du roi de Prusse, H. Beausobre, écrivait au début du XVIe siècle, jusqu'à vingt recettes pour augmenter la population (1). Seuls, des politiciens philosophes, n'ayant pas à régenter des nations militaires, tel un Machiavel (14691527), regrettent un peuplement de la terre qu'ils s'imaginent déjà excessif. Il faut leur joindre les énergumènes de la Révolution française. Selon Collot d'Herbois, << la transpiration politique devait être assez abondante, pour ne s'arrêter qu'après la destruction de 12 à 15 millions de Français ». On trouve cette note dans le journal de Guffroy, LE ROUGIFF: « Que la guillotine soit en permanence dans toute la république. La France aura assez de cinq millions d'habitants (2). »

Dans le courant du XIXe siècle, les accroissements de la population semblent tenir du prodige. L'Angleterre, le pays de Galles et l'Écosse passent de 10500000 à 33 millions d'habitants; l'Italie, de 19 à 32 millions et demi; la France, de 25 à 38 millions. Les 20 millions de l'Allemagne deviennent 60 millions; les 3 800 000 de la Belgique se changent en 7 millions; et, par un bond formidable, la population des Etats-Unis saute de 5 308 484, au début du siècle, à 76 303 387 habitants en 1900.

Tel est, pour l'Amérique, l'effet principalement de l'immigration; telle est, pour l'ensemble de l'Europe, la merveille réalisée par deux sciences qui semblent opposées la médecine qui guérit et la guerre qui tue. Proposition paradoxale, mais qui se justifie aisément :

(1) Telle est la tendance générale, exceptionnellement contrariée par quelques mesures restrictives de la nuptialité dans certains États d'Allemagne, en Bavière, et même dans certains cantons suisses. Voy. Conrad. Handwörterbuch, pp. 737-741.

(2) Taine. Les origines de la France contemporaine. La Révolution. t. 3, Le Gouvernement révolutionnaire, pp. 393-394.

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plus la guerre s'annonce coûteuse et meurtrière, plus on la craint, plus on l'évite, plus on se hâte de la terminer.

Ces progrès de la population effraient-ils les vrais politiques? Nullement. Les lois restrictives de la nuptialité disparaissent partout. On répète couramment le mot de de Moltke: « Par sa meilleure 'natalité, l'Allemagne gagne chaque année une bataille aux dépens de la France. » Dans ce dernier pays, deux votes du Sénat, émis en vue d'alléger les impôts des familles ayant plus de trois enfants (1), montrent que la stérilité relative de la nation donne peur même aux téméraires qui aujourd'hui la conduisent.

L'alarme, la fatale alarme ne fut pas donnée par des hommes d'État, soucieux des destinées publiques auxquelles ils présidaient (2), mais presque exclusivement par des économistes; et elle a devancé le peuplement rapide de l'Europe et des États-Unis. La plupart des alarmistes (3) sont enfants du XVIIIe siècle, et on les rencontre un peu partout, mais moins en Allemagne et en France qu'en Italie et surtout qu'en Angleterre. Nommons, pour ce dernier pays, James Stewart (4); pour l'Italie, Giammaria Ortes (5), nettement pessimiste, et supposant déjà une « progression géométrique » dans

(1) Cfr. RÉFORME SOCIALE. Mémoire de J. Bertillon, t. 57 (1909), p. 102. (2) Il faut en excepter Benjamin Franklin, qui redoute les excès de la population. Mais il fut d'abord imprimeur et publiciste, avant de se lancer dans la politique; et lorsqu'il écrivit, en 1751, ses Observations concerning the increase of mankind and the peopling of countries, il ne songeait pas encore à fonder l'indépendance américaine.

(3) On cite Giovanni Botero, de la fin du XVIe siècle. Mais son ouvrage, Delle cause della grandezza e magnificenza delle citta, établit que l'accroissement de la population tend fatalement à se ralentir plutôt qu'il n'exhorte lui-même à en modérer l'allure par trop rapide. En Angleterre cependant, L. Elster, dans le Dictionnaire de Conrad, au mot Bevölkerungspolitik, peut citer Walter Raleigh (1552-1618), et. du XVIIe siècle, Matthew Hale et Josiah Child.

(4) Inquiry into the principles of political economy. London, 1767.

(5) Riflessione sulla popolazione delle nazioni per rapporto all' economia nazionale, 1790.

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l'accroissement de la population; pour la France, un surintendant des postes, Ch. Jacques Herbert (1); et pour l'Allemagne, celui que Roscher nomme le plus grand économiste allemand du XVIIIe siècle, Justus Moser (1710-1797), qui revêt d'une forme satirique des pensées aussi sérieuses (2).

Vint alors Malthus, qui formula la théorie en son célèbre Essai sur le principe de la population. La population, prétend-il dans cet écrit de 1798, tend à croître suivant une progression géométrique, qui la doublerait tous les vingt ou vingt-cinq ans (3), tandis que les subsistances ne peuvent tout au plus, dans leur marche ascendante, que suivre une progression arithmétique (4). A sauver l'équilibre et l'harmonie entre les bouches et les vivres, pourvoient en partie les rafles des pestes et des épidémies; la prévoyance humaine doit faire le reste, par le moral restraint, c'est-à-dire, par la pratique d'une sage continence. Malthus est honnête homme, et son ouvrage reçoit de de Maistre un éloge qui aujourd'hui provoque une certaine surprise (5). Malgré certains contradicteurs, l'Essai obtient une

(1) Essai sur la police générale des bleds. Londres, 1754.

(2) Patriotische Phantasien. 1774.

(3) Malthus hésitait entre 20 et 25 ans.

(4) « La race humaine, dit Malthus, croitrait comme les nombres 1. 2. 4. 8. 16. 32. 64. 128. 256, tandis que les subsistances croîtraient comme ceux-ci : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. et 9. ». Essai, p. 11, édit. Guillaumin.

(5) La préoccupation de gagner une bonne cause, celle du célibat ecclésiastique, explique en partie, croyons-nous, le ton dithyrambique de la louange. Une fois de plus, il appert, par cet exemple, qu'il faut se garder de tout emballement, que le véritable intérêt du bien est toujours d'être défendu par de bonnes raisons. Voici les paroles de de Maistre : « Je veux parler de Malthus, dont le profond ouvrage sur le Principe de la population est un de ces livres rares, après lesquels tout le monde est dispensé de traiter le même sujet. Personne avant lui n'avait, je pense, clairement et complètement prouvé cette grande loi temporelle de la Providence, « que non seulement >> tout homme n'est pas né pour se marier et se reproduire, mais que, >> tout État bien ordonné, il faut qu'il y ait une loi, un principe, une force » quelconque, qui s'oppose à la multiplication des mariages. » Du Pape, 1. 3, c. 3, § 3.

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