Sayfadaki görseller
PDF
ePub

LA

PHYSIQUE NÉOPLATONICIENNE

AU MOYEN AGE

AVANT-PROPOS

L'étude que, sous ce titre, nous venons soumettre au jugement des lecteurs de la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES n'est qu'un fragment; ce fragment, nous l'avons détaché pour eux d'une œuvre extrêmement étendue et encore inachevée.

De l'époque de Platon jusqu'aux temps modernes, suivre les progrès des doctrines relatives aux mouvements des astres, c'est l'objet du livre que nous préparons depuis de longues années et que nous voulons intituler: La formation du système de Copernic, si Dieu nous donne de l'achever.

Après avoir exposé les grandes théories cosmologiques de la Philosophie hellène, après avoir retracé les vicissitudes que ces théories ont éprouvées en la Science islamique, nous avons essayé d'écrire l'histoire de l'Astronomie chrétienne.

Cette histoire, on croit, en général, qu'elle commence au moment où d'actifs traducteurs empruntent aux Arabes, pour les faire connaître aux Latins, ce que les Arabes avaient conservé de la Science grecque et les commentaires dont ils l'avaient surchargée, trop

souvent sans l'enrichir. C'est méconnaître la spontanéité intellectuelle de la Chrétienté latine qui n'avait pas attendu les leçons de l'Islam pour s'intéresser à la Science astronomique.

En la savante Alexandrie, où Claude Ptolémée venait de mourir, Origène paraît au courant des découvertes toutes récentes de l'Astronomie; mais la plupart des Pères de l'Église n'ont guère que de la méfiance à l'égard de la Physique hellénique; le caractère divin que cette Physique attribue aux astres justifie, dans les écoles néo-platoniciennes, des superstitions astrologiques que l'Église condamne à bon droit; et, d'autre part, les exégètes croient reconnaître une irréductible contradiction en ce que dit la Genèse des eaux supérieures au firmament et ce qu'enseigne le Péripatétisme touchant la gravité ou la légèreté des éléments. Seul, saint Augustin détermine avec une admirable. perspicacité le parti qu'un chrétien doit tenir en ces apparents conflits de la Science et de la Révélation.

En dépit de la défiance des Pères de l'Église à l'égard des enseignements de la Science profane, la curiosité des chrétiens d'Occident s'éveille et demande à connaître ce que les anciens ont dit de l'univers, du ciel, des éléments. Le premier, saint Isidore de Séville regarde cette curiosité comme légitime; il s'efforce de lui donner satisfaction; il recueille tous les propos de la Physique antique qui sont venus jusqu'à lui, et il en compose ses Etymologies et son De Universo. Après lui, Bède le Vénérable et Raban Maur continuent son œuvre de compilateur; en leurs encyclopédies, les jeunes écoles chrétiennes puisent leurs toutes premières connaissances.

La Science des Isidore, des Bède, des Raban Maur est bien enfantine encore; elle répète ce qu'elle a lu sans y rien ajouter qui soit le fruit original de la méditation personnelle. Mais la pensée de la Chrétienté

latine ne va plus demeurer longtemps en cet état de puérilité; quelques médiocres ouvrages de la décadence vont lui révéler le Platonisme; les écrits attribués à Denys l'Areopagite vont, après ceux de saint Augustin, lui enseigner l'art de concilier cette philosophie avec le dogme chrétien; et tout à coup, allumé par cette étincelle échappée du génie hellène, le génie des peuples occidentaux va briller; en Jean Scot Ériugène nous reconnaissons, éblouis, son premier éclat.

I

DES ÉCRITS GRECS OU LATINS QUE CONNAISSAIT
JEAN SCOT ÉRIUGENE

Ce fut un événement d'une extrême importance en l'histoire de la pensée des chrétiens d'Occident, lorsque l'Empereur de Constantinople envoya à Louis le Débonnaire les écrits dont on confondait l'auteur avec Denys l'Areopagite, disciple immédiat de saint Paul; en ces écrits, le sentiment le plus affiné et le plus précis de l'orthodoxie catholique s'unissait à la plus élevée des philosophies platoniciennes ; aussi l'œuvre du Pseudo-Areopagite allait-elle exercer sur la Théologie des Latins une influence comparable à celle qui émanait des traités de saint Augustin.

Pour que cette influence de ces livres, écrits en langue grecque, pût se répandre pleine et libre, en la Chrétienté d'Occident, il fallait qu'ils fussent traduits en latin; Charles le Chauve le comprit; il confia la traduction des oeuvres de Denys l'Areopagite à son philosophe habituel; de ce philosophe, le génie nous est révélé par les écrits qu'il a composés; mais de sa vie, nous ne savons guère que ce que son nom nous

révèle; de race irlandaise, et venu d'Irlande ou d'Écosse en France, il était nommé Jean Scot Ériugène.

Jean Scot traduisit donc les divers traités du PseudoAréopagite et de son commentateur Maximus ; à son tour, il les commenta; mais il ne s'en tint pas à ces travaux et produisit des œuvres où s'affirmait sa propre pensée; parmi ces œuvres, il en est une qui les domine toutes, non seulement par l'étendue, mais aussi et surtout par l'originalité de la doctrine; c'est celle à laquelle l'auteur a donné ce titre : Tepi Púσews μεριoμоû, id est de divisione Naturæ libri quinque.

Pour exposer, en toute son ampleur, son système théologique et cosmologique, Jean Scot a suivi l'exemple lui traçaient les Pères de l'Eglise, dont les ouvrages que lui étaient extrêmement familiers; il a commenté l'œuvre des six jours de la Création, telle que la raconte le premier chapitre de la Genèse. Mais quelle audace en la pensée néo-platonicienne qui inspire tout ce commentaire, et quelle liberté en l'interprétation des textes de l'Écriture!

Cette audace et cette liberté extrêmes ne sont pas, d'ailleurs, sans péril pour le Philosophe de Charles le Chauve; afin de se garder de l'hérésie, il n'a pas la sûre perception du dogme catholique qui avait si bien servi le Pseudo-Aréopagite; aussi lui arrive-t-il souvent de s'égarer hors de l'orthodoxie; le Néo-platonisme de son Περὶ Φύσεως μερισμοῦ aboutit au Panthéisme, et son traité De Eucharistia fut, au dire de Vincent de Beauvais, censuré au concile de Verceil.

Mais ce n'est point des théories métaphysiques et théologiques de Scot Ériugène que nous avons affaire; ce qu'il a enseigné touchant les astres et les éléments doit seul nous occuper.

L'enseignement de Scot sur ces questions de Physique porte la marque des sources auxquelles il a puisé

et dont beaucoup n'étaient pas connues de ses prédécesseurs immédiats.

Si Denys l'Areopagite et son commentateur Maximus sont les principaux inspirateurs théologiques de Scot Eriugène, celui-ci ne dédaigne pas les autres Pères de l'Église; en particulier, il tient grand compte de ce qu'ils ont dit sur le Ciel et les éléments. Il cite très fréquemment les Homélies sur l'Hexameron de saint Basile; il cite également les écrits de saint Grégoire de Nysse qu'il croit être le même que saint Grégoire de Nazianze (1).

Comme le vénérable Bède, Jean Scot connaît et cite l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien (2). Mais il connaît et cite également (3) la Géographie de Ptolémée que ses prédécesseurs semblent avoir ignorée. Aux renseignements extraits de Pline et de Ptolémée, il joint ceux que lui fournit Martianus Capella (4). Ce dernier auteur, nouvellement révélé, sans doute, aux chrétiens d'Occident, semble avoir particulièrement intéressé Scot Eriugène, qui en a commenté certains écrits; ce commentaire a été partiellement publié par B. Hauréau (5).

La Géographie de Ptolémée, le Satyricon de Martianus Capella ne sont pas les seuls écrits anciens dont la mention apparaisse pour la première fois dans le Περὶ Φύσεως μερισμού.

Les Catégories d'Aristote sont souvent invoquées (6) en l'ouvrage du Philosophe de Charles le Chauve.

(1) Joannis Scoti De divisione naturæ liber tertius, 38 [Joannis Scoti Opera accurante Migne (Patrologiæ latina t. CXXII), col. 835).

(2) Jean Scot, Op. laud., lib. III, 33 et 37; loc. cit., col. 719 et col. 735. (3) Jean Scot, Op. laud., lib. III, 33; loc. cit., col. 719.

(4) Jean Scot, Op. laud., lib. III, 33; loc. cit., col. 719.

(5) B. Hauréau, Commentaire de Jean Scot Eriugène sur Martianus Capella (Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque Nationale et d'autres bibliothèques, t. XX, 2e partie, p. 1, 1865).

(6) Joannis Scoti De divisione naturæ liber primus, 22, 23, 24 (Joannis Scoti Opera accurante Migne (Patrologiæ latina t. CXXII), coll. 469-470].

« ÖncekiDevam »