Sayfadaki görseller
PDF
ePub

L'ADMINISTRATION DES PORTS

La réorganisation administrative du port de Londres, les projets de M. Millerand et les vœux réitérés des Chambres de commerce françaises en faveur de l'autonomie des ports nous invitent à compléter la série des monographies relatives à la fonction économique des ports par une vue d'ensemble des systèmes d'administration en vigueur dans les principaux pays. Les avantages de la position géographique ou les facilités d'accès ne suffisent pas, en effet, pour assurer la prospérité des centres commerciaux et maritimes; partout, l'œuvre de la nature doit être corrigée, améliorée, complétée et l'ampleur de ces travaux, leur prompt achèvement, leur utilisation dépendent dans une très large mesure du régime qui préside à l'administration et à l'exploitation des ports.

En France, leur centralisation aux mains de l'État date du premier Empire et de la Restauration. Pendant environ soixante ans, jusqu'au vote de la loi du 14 décembre 1875, ce fut lui qui s'engageait à ordonner et à exécuter scul tous les travaux publics maritimes. Mais quand, par suite du développement de la marine à vapeur et de l'augmentation du tonnage des navires, s'imposa la construction et l'agrandissement des chenaux d'accès, des bassins, des quais et des cales sèches, le budget se trouva incapable de supporter cet accroissement de charges nouvelles trop nombreux étaient

les ports où des travaux coûteux étaient réclamés. Aussi la collaboration financière des « intéressés », villes et Chambres de commerce, sous forme d'avances remboursables, fut-elle acceptée. Inauguré en 1875, ce système fut dès 1879 abandonné pour celui des subventions: c'était la conséquence de l'adoption du plan Freycinet qui entraînait un demi-milliard de dépenses dans les ports. Depuis cette date, les travaux exécutés par l'État sont payés en partie à l'aide de fonds de concours fournis par les départements, les villes et les Chambres de commerce, qui pour se couvrir de ces dépenses, lèvent avec son autorisation diverses taxes de péage sur les navires fréquentant le port. Il est passé en usage que les intéressés paient au minimum la moitié (1) des sommes prévues dans les devis et qu'ils prennent à leur charge tous les dépassements de crédit; c'est donc généralement 60 ou même 70% de la dépense qui leur incombe. L'État qui n'en supporte plus que la petite moitié ou le tiers continue cependant à garder seul l'administration des ports (2).

Ce sont les Chambres de commerce qui établissent l'outillage public, grues, hangars et entrepôts, et qui

(1) Ainsi, par exemple, dans la construction du canal de Marseille au Rhône, l'intervention de l'État atteint juste la moitié de la dépense; l'autre moitié, soit 35500 000 fr., sera versée au Trésor par la Chambre de commerce de Marseille (22 166 668 fr.), le département des Bouches-du-Rhône (6 666 666 fr.) et la ville de Marseille (6666 666 fr.). En 1890, la Chambre de commerce de Dunkerque assume la presque totalité (4 500 000 sur 4 900 000 fr.) des frais d'élargissement du chenal. En 1903, la même Chambre, avec le concours de la ville de Dunkerque, vote une participation de plus de 8 millions aux dépenses prévues pour l'agrandissement du port; défalcation faite des millions absorbés par les travaux militaires du déplacement des fortifications, cette contribution locale atteint les 68 % du total.

(2) Il n'existe en France que deux installations maritimes appartenant à des sociétés privées : les docks de la Joliette, propriété de la Société des docks et entrepôts de Marseille, et les appontements de Pauillac établis en eau profonde à 50 kilomètres en aval de Bordeaux et destinés à recevoir les navires que leur tirant d'eau empêche de remonter la Gironde.

l'exploitent sous le contrôle des ministres du Commerce et des Travaux publics (1).

Envisagée en elle-même, la collaboration financière des intéressés ou la diminution de la quote-part de l'État est loin d'être un mal. N'est-il pas juste que les départements et les localités, qui seront les premiers à profiter des travaux maritimes entrepris, assument dans les dépenses une part proportionnelle à leurs ressources présentes et aux avantages espérés ? Mais le vice du système réside dans son mode d'application, dans les conditions dont dépend le vote des crédits demandės. En vertu de la loi du 27 juillet 1879 « les grands travaux publics, bassins et docks entrepris par l'Etat ou par des compagnies particulières ne peuvent être autorisés que par une loi rendue après enquête administrative, et, en aucun cas, les travaux dont la dépense doit être supportée en tout ou en partie par le Trésor, ne peuvent être mis en exécution qu'en vertu de la loi qui crée les voies et moyens ou d'un crédit préalablement inscrit à un des chapitres du budget ». Légalement consacrée par cette prudente prescription du règlement budgétaire, la centralisation administrative ne peut que retarder l'examen et l'exécution des travaux, et même, par un retour aussi désastreux qu'imprévu, ne conduitelle pas à des augmentations considérables de dépenses? L'État, en effet, est trop loin pour prévoir et préparer les transformations et les agrandissements exigés par l'évolution des conditions de la concurrence. Il ne proposera l'amélioration d'un port que lorsque son insuffi

(1) Ce contrôle et cette tutelle sont parfois très onéreux. A Dunkerque, la Chambre de commerce n'a pas été libre d'adopter un type de hangar simple et économique. Les môles, sur lesquels elle construisait, appartenaient à l'État qui lui concédait pour 50 ans l'emplacement nécessaire et se réservait le droit d'approuver les plans. Le service des Ponts et Chaussées fut chargé de ce soin et, grâce à son intervention, le hangar y revint à 50 et même à 70 fr. le mètre superficiel de terrain couvert, soit le double environ de ce qu'il a coûté à Anvers (Paul de Rousiers, Les grands ports de France).

sance sera déjà passée depuis longtemps à l'état de fait, et souvent, les plans élaborés ne tiendront pas compte des nécessités de l'avenir. Si en Belgique, où tout l'effort peut pour ainsi dire se concentrer sur un point, sur Anvers, on se ressent néanmoins des hésitations et des lenteurs administratives et de l'opposition politique, que sera-ce en France, où, à cause de l'étendue et de la situation géographique des côtes, on compte cinq ou six ports d'intérêt général, et où l'administration de ces ports relève de cinq ministères ?

Supposons l'État enfin décidé, sous la poussée des réclamations des intéressés, à entreprendre les travaux demandés ; il faudra dresser les plans, mener l'enquête administrative préalable exigée par la loi, soumettre à la discussion et au vote des deux Chambres le projet en question, si bien qu'avant leur complet achèvement, bassins, quais ou canaux sont déjà démodés. Plus de quinze mois s'écoulèrent entre le moment où fut terminée l'enquête relative au bassin de la Madrague à Marseille et celui où le projet de loi fut présenté au Parlement. Le bassin de la Pinède a été achevé en 1906, ou 11 ans après le premier coup de pioche et 17 ans après l'adoption des plans. Comme l'a rappelé M. Blondel dans la monographie du Havre, c'est 17 ans après que l'insuffisance de ce port fut dûment constatée et 13 ans après le dépôt du premier projet d'agrandissement, que les travaux furent commencés. N'a-t-il pas fallu 20 ans pour exécuter à Dunkerque le programme Freycinet qui cependant n'excédait pas

50 millions?

La cause de ces lenteurs réside aussi dans l'insuffisance des ressources. La tendance des démocraties à multiplier le nombre des fonctionnaires, à augmenter les attributions de l'État, à le faire participer aux assurances, aux secours mutuels, aux pensions ouvrières, amène presque fatalement d'énormes augmentations de

dépenses; pour rétablir l'équilibre du budget il est une victime toute désignée : les crédits affectés aux travaux publics (1). On les répartira sur un nombre considérable d'exercices budgétaires, et ainsi ils ne pourront être employés au fur et à mesure des progrès des travaux. Comme le Parlement peut à son gré modifier chaque année cette répartition lors de la discussion du budget, libre à lui de remettre ainsi en question ou de retarder des ouvrages en cours d'exécution. De là, suspensions et interruptions fréquentes des travaux, parce que la totalité des crédits accordés pour un an sont épuisés au bout de quelques mois seulement. Aussi l'entrepreneur, sachant qu'il doit compter avec les surprises du budget, soumissionne-t-il à des prix qui compensent la longue immobilisation de son matériel et les fluctuations toujours à craindre sur le marché des matériaux et de la main-d'oeuvre. Ce régime a même sa répercussion sur les budgets des Chambres de commerce. Grevés de lourds emprunts, ils sont atteints par l'ajournement des recettes et aussi par la diminution de la matière imposable, conséquence de l'éloignement des navires et des détournements de trafic au profit des ports concurrents sous la mainmise de l'État, en effet, les ports français parviennent à être à la fois ceux qu'on améliore le moins et ceux dont la fréquen

(1) Sur un budget de 4 milliards, écrit M. Maurice Schwob, nous n'inscrivons même plus 30 millions de travaux publics neufs, c'est-à-dire moins de 1%. Que vaudrait un industriel qui ne consacrerait pas 1 % de son chiffre d'affaires à son renouvellement d'outillage?

En 1901, la commission nommée par la Chambre pour examiner le projet Pierre Baudin avait majoré de 53 millions le programme des travaux élaboré par le Conseil Supérieur du Commerce et de l'Industrie. La Chambre ellemême l'accrut encore de 40 millions et vota, le 28 janvier 1902, un projet comportant 703 millions de dépenses. L'État se flattait d'obtenir 300 millions des intéressés. Néanmoins, 17 mois plus tard, le 23 juin 1903, le Sénat réduisit les dépenses à 292 millions (Louis Laffitte, L'expansion économique de la France).

(2) Rapport de M. Maurice Taconnet sur l'autonomie du Havre, et BULLETIN DE LA LIGUE MARITIME FRANÇAISE, juin 1904.

« ÖncekiDevam »