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Mais la Cloche est aussi par sa forme une véritable merveille dans l'art, aussi remarquable par la pureté de ses lignes et la juste mesure de ses proportions que par la précision de ses notes et la justesse de ses accords. Depuis la petite clochette qu'agite la main de l'enfant au pied de l'autel, jusqu'au bourdon de Notre-Dame de Paris, quelle inépuisable variété de dimensions ne peut-on pas admirer dans les cloches! quelle différence dans les conditions du métal! quelle diversité dans les reliefs dont on sait si bien les embellir!... Mais dans toutes, la forme demeure invariablement la même, tant il est vrai que c'est en elle seule que consiste tout le merveilleux de cet instrument. Que pouvaient être auprès de nos grandes cloches les instruments d'airain chez les anciens? Le mot lui-même par lequel on désignait, dans la langue des Romains, le plus considérable d'entre eux qui était le Tintinnabulum, nous dit assez par sa naturelle étymologie que ce n'était encore qu'un instrument léger et dont l'éclat n'avait rien de retentissant ni de solennel. Que si quelqu'un s'imaginait avoir trouvé la cause de cette différence de retentissement, en disant qu'il ne tenait qu'aux anciens d'ajouter à la force du son en augmentant le volume de l'instrument, nous le prierions de considérer que toutes les formes indistinctement ne sont point susceptibles de développements semblables qui ne feraient le plus souvent que compromettre de plus en plus la pureté et la délicatesse des sons.

Prenons en effet pour exemple la forme sphérique, Représentonsnous un instrument d'airain, d'ailleurs peu développé, dont l'intérieur reproduirait à peu près cette figure, l'une des plus parfaites cependant de la géométrie. Nous croyons pouvoir avancer sans témérité que le son qu'on parviendrait à obtenir par la percussion des parois d'un instrument de cette forme serait déjà d'un effet assez discordant. Mais si, tout en conservant cette même forme, on donnait à l'instrument des proportions considérables, et qu'après cela on essayât encore un coup de lui faire rendre des sons, il est à croire que les oreilles les moins difficiles manifesteraient peu d'enthousiasme pour ce nouvel essai d'harmonie. C'est qu'en effet il né sert à rien d'augmenter la force du vase quand on n'a point

découvert la véritable forme. Celle-ci était ignorée des anciens, et voilà la raison pour laquelle leurs instruments de publicité demeurèrent toujours dans un état d'enfance. Il était réservé à un âge plus heureux, nous dirons mieux, au génie chrétien de créer une forme parfaite qui transformât sur ce point toutes les vieilles notions de l'art et qui assurât au nouveau'signal que devait adopter l'Église la double condition de l'harmonie et de la puissance. C'est pourquoi, le jour où il dotait le christianisme de cette nouvelle forme, le premier inventeur de la Cloche imposait par là même un éternel silence à tous les instruments de publicité du monde païen, et assurait à son œuvre pour les siècles à venir une riche succession de gloire.

Mais tandis qu'une gloire immortelle s'attachait à cette sublime création de l'art, le nom de son auteur se dérobait entièrement à la connaissance et aux hommages des générations futures: car à peine si on peut aujourd'hui nommer le siècle où se fit cette merveilleuse invention. Il est vrai que plusieurs écrivains, tels que Polydore, Onuphrius et Ciaconius, ont cru devoir attribuer l'invention des Cloches au pape Sabinius qui succéda à saint Grégoire le Grand. Mais comme Anastase le Bibliothécaire, ainsi que plusieurs autres qui ont écrit, avec le plus grand soin, la vie de ce pape, ne font nulle mention de cette circonstance qui eût été pourtant si glorieuse à un pontife romain; le témoignage d'auteurs beaucoup plus récents ne saurait être recevable, quand surtout ils avancent un fait de cette importance, sans l'appuyer de l'autorité de quelque ancien monument.

Une seconde opinion plus généralement répandue dans les livres d'un grand nombre d'écrivains ecclésiastiques et qui n'est ceþendant pas plus admissible que la première, consiste à faire de saint Paulin, évêque de Nole, le véritable inventeur de la Cloche. Mais, ainsi que l'observe très-judicieusement le cardinal Bona, aucun des anciens qui nous ont transmis, avec une si religieuse fidélité, jusqu'aux moindres actions de ce saint évêque, ne lui attribue la gloire d'une telle invention. Enfin saint Paulin lui-même, dans la description qu'il nous a laissée de sa chère basilique de Nole, à

l'édification de laquelle il avait apporté des soins infin's, ne fait aucune mention de la cloche, pas même d'une tour quelconque où se trouvât naturellement la place d'un instrument de publicité. Il ne pouvait néanmoins omettre de mentionner une chose si capitale, quand nous le voyons s'étendre avec tant de complaisance sur chacune des parties de ce religieux monument.

Ce qui a pu donner lieu à une erreur qui se trouve reproduite si généralement dans les écrivains de la fin du moyen âge, c'est le passage de Walafrid Strabon où cet auteur si justement estimé avance, comme un fait indubitable, que la Cloche nous est venue de Nole, ville de la Campanie d'où lui demeure encore dans la langue ecclésiastique son nom primitif de Nola ou Campana. Par un défaut de critique, il arriva qu'à un fait si raisonnablement accrédité quelques écrivains ajoutèrent d'eux-mêmes un nouveau détail, bien qu'il n'eût aucun fondement dans la tradition catholique. Considérant que saint Paulin avait été l'évêque le plus illustre de Nole, ils se laissèrent persuader que c'était à lui que devait revenir de droit l'honneur de l'invention de la Cloche, tandis qu'ils eussent dû conclure du passage de Walafrid Strabon que longtemps après saint Paulin, ce fut peut-être dans sa basilique, l'une des plus riches de l'Italie, que se fit entendre le son de la première Cloche.

Il est facile, comme on voit, de réfuter l'opinion de ceux qui attribuent au pape Sabinien ou au saint évêque de Nole la gloire de cette merveilleuse invention. Mais il n'est pas si aisé, ou plutôt est-il entièrement impossible de parvenir à en connaître le véritable auteur. Essayons de fixer, du moins autant que les données de l'histoire le permettront, l'époque où la Cloche commença à prêter la solennité de sa voix d'airain aux pompes religieuses du christianisme. Et afin de répandre, s'il est possible, quelque lumière sur une telle question, disons avant toutes choses quels furent les moyens auxquels eut recours l'Église des premiers siècles pour convoquer les fidèles à ses saintes assemblées.

Que si nous remontons au temps des persécutions, nous nous trouvons embarrassés dès le premier pas pour déterminer avec quelque fondement le signe le plus ordinaire qui servit à faire con

naître aux chrétiens le lieu et l'heure des assemblées de religion. Il faut n'avoir guère lu les Actes des martyrs, pour n'y avoir pas remarqué que, dans l'ardeur des persécutions, les chrétiens étaient contraints de se sauver dans les bois et dans les déserts. Déjà, dès le temps de saint Paul, ils erraient, ainsi que lui-même l'assure, dans les solitudes, dans les montagnes désertes, dans les antres et les cavernes de la terre: In solitudinibus errantes, in montibus et speluncis et in cavernis terræ. En des jours moins difficiles, où l'on eût pu fixer à l'avance tout ce qui avait rapport à la prière et au sacrifice, le président de l'assemblée, avant de renvoyer les fidèles, n'aurait eu sans doute, ainsi que l'observe Walafrid Strabon, qu'à régler avec eux le jour, l'heure et le lieu de la prochaine réunion. Mais qui peut douter qu'il ne fallût changer souvent toutes les dispositions qui d'abord avaient été prises, afin d'éviter de tomber par là entre les mains des persécuteurs? Qu'en bien des circonstances on ait eu recours au zèle de chrétiens prudents et sûrs pour transmettre à leurs frères confondus parmi les païens les résolutions et les expédients auxquels s'arrêtaient l'évêque ou les pasteurs qui gouvernaient sous son autorité les diverses églises, c'est une chose qu'on peut affirmer sans crainte de se tromper. Ainsi, l'avons-nous vu se renouveler presque de nos jours, dans des circonstances analogues, au sein même de notre patrie.

Quand d'odieuses lois eurent interdit, dans une terre encore si chrétienne, toute cérémonie du culte et même toute manifestation publique ou privée de l'antique foi de nos pères, il se rencontra néanmoins grand nombre de prêtres catholiques qui continuèrent à y célébrer les divins mystères pour la consolation de leurs frères persécutés. Qui ne sait que les cloches demeuraient alors silencieuses, quand elles n'étaient point converties en instruments de mort, en projectiles homicides? Cependant les fidèles montraient bien, en se trouvant présents aux plus secrètes réunions du culte proscrit, qu'ils avaient d'autres signes que les cloches pour connaître, tant la nuit que le jour, le lieu et l'heure du sacrifice de nos autels.

• Hebr. XI.

Il en dut être sans doute de la sorte aux premiers siècles de l'E– glise, durant le feu des persécutions. Et, en effet, bien qu'on ne puisse déterminer, à l'aide de la tradition de ce premier âge, quels furent les divers signes par lesquels les chrétiens se reconnaissaient entre eux, comme membres d'une même société religieuse, et la manière dont ils se transmettaient surtout les avertissements qui avaient rapport à la prière publique ou à la synaxe, il est certain néanmoins, par la foi d'un ancien monument qu'a signalé le cardinal Bona dans les Actes de sainte Cécile, qu'un signe quelconque existait entre eux: Aliquam sane tesseram sive signum fuisse, quo Christiani et se mutuo agnoscerent, et loca scirent ac tempora synaxeos peragendæ certe fidei res est; sed quale hoc signum fuerit, ignoramus 1.

Ceci manifestement s'applique à l'état général des chrétiens du– rant la persécution en tant qu'ils étaient confondus avec les païens et que des circonstances particulières ne venaient pas les soustraire aux regards d'un public fanatique. Mais dans des temps plus calmes, c'est-à-dire lorsque la persécution avait cessé de sévir, et même aux époques les plus sanglantes, dans les lieux solitaires où ils n'avaient point à redouter la surprise des persécuteurs, les chrétiens ne se contentaient plus de recourir aux signes mystérieux qui faisaient, en toute autre rencontre, le sacré lien de leur société ; ils se servaient, au rapport d'Amalaire, d'instruments en bois quelque peu semblables à ceux qui sont encore en usage parmi nous, à la fin de la semaine sainte et c'est ainsi, selon le témoignage de cet ancien liturgiste qui remonte au commencement du Ixe siècle, que de tels instruments se firent souvent entendre dans l'intérieur des vastes cryptes, au sein des catacombes, où les fidèles accouraient en foule pour honorer les tombeaux des martyrs, et pour y célébrer loin des impies et des profanes les saints mystères de Jésus-Christ: Potest et in hoc (in ligneo sonitu) humilior usus Ecclesiæ romunæ assignari antiquis temporibus quam nunc sit, et præcipue tunc quando latitabat per cryptas propter persecutores 2.

1 Rer. litur. lib. 1, cap. 22.

2 Lib. IV, De offic. eccles., cap. 21.

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