Sayfadaki görseller
PDF
ePub

Peut-être croira-t-on devoir objecter que nous apportons, en preuve d'une plus haute antiquité à donner à la Cloche, des textes où il n'est question que d'un signal en général, ce qu'on est en droit d'entendre d'un instrument quelconque de publicité, soit en bois, soit en airain. Mais on va voir que l'objection repose sur cette fausse supposition que le terme latin Signum puisse convenir à d'autres instruments que la Cloche. Jamais, en effet, l'antiquité chrétienne n'a désigné sous une telle dénommation ni les instruments de publicité connus chez les païens, ni ceux qu'employa l'Église elle-même avant l'invention de la Cloche; tandis qu'il est constant, par les monuments les plus authentiques et les plus anciens, que l'instrument qui a été désigné depuis sous le nom de Cloche ne fut longtemps connu de nos pères que sous celui de Signal.

On peut citer, à l'appui d'une telle assertion, d'abord le Pontifical romain, et ensuite celui de plusieurs églises particulières, où la cérémonie de la bénédiction de la Cloche est précédée de ce titre : De benedictione signi vel campanæ. Il est même un grand nombre de missels manuscrits, auxquels la critique la plus difficile accorde une existence de plus de mille ans, et l'ancien Ordre romain luimême, où le nom de cloche ne figure pas dans le titre, mais uniquement celui de signal. Ainsi, on lit dans ces anciens monuments, en tête de la bénédiction de la Cloche: Ordo ad benedicendum ecclesiæ signum. C'est ce signal dont parle saint Grégoire de Tours, à la fin du ve siècle, dans le passage que nous avons cité de lui, et dans un autre endroit de ses œuvres où, parlant de saint Grégoire, évêque de Langres, dont il a écrit la vie, il remarque qu'aussitôt que s'agittait le Signal, le serviteur de Dieu se levait en grande hâte pour assister aux divins offices: commoto Signo, Sanctus Dei ad officium Dominicum consurgebat 1. C'est ce même signal que mentionne la Règle de saint Benoît, au commencement du vie siècle. Ajoutons enfin, puisque la chose est indubitable, qu'au commencement du viie siècle, c'était encore sous ce même nom, que l'auteur primitif des Actes de saint Loup avait dû parler de la fameuse

In Vit. S. Greg. Lingon.

Cloche de Sens, et que ce n'est qu'à cause du peu de respect qu'a montré depuis l'historien Laurent Surius pour le langage des anciens manuscrits qui lui ont servi à composer son Histoire, que nous trouvons aujourd'hui le nom de Cloche, dans des monuments où l'on ne devait rencontrer que celui de Signal. C'est la judicieuse remarque du cardinal Bona, dont les sentiments, en matière de critique historique sur les objets de la liturgie, méritent à si juste titre d'être reçus comme des décisions presque souveraines.

Mais puisque nous sommes entrés dans l'explication qui précède par rapport à la dénomination primitive qu'on donnait anciennement à la Cloche, nous toucherons une dernière question qui s'y rattache, en indiquant, avec le même cardinal Bona, et l'époque la plus probable où l'on a commencé de donner le nom de Cloche au Signal de l'Église, et l'auteur où se rencontre pour la première fois le mot latin Campana, pour désigner ce même Signal ou ce que nous appelons aujourd'hui la Cloche.

Il suit des détails qui précèdent que ce mot était encore inconnu ou du moins qu'il était peu usité dans les premières 'années du VIIe siècle. Toutefois ce siècle n'était pas entièrement écoulé, que Bède, le célèbre historien de l'Église d'Angleterre, ayant à raconter, au quatrième livre de son Histoire, lés circonstances de la mort de l'abbesse Hilda, fait intervenir dans son récit, et comme particularité très-accessoire, le son bien connu de la Cloche qui était le signal de la prière publique ou des assemblées saintes : Notum campana sonum, quo ad orationes excitari vel convocari solebant.

On est en droit de conclure d'un pareil texte, qui est au reste d'une incontestable authenticité, que ce fut dans le cours de ce même siècle, que le mot Campana, employé enfin pour désigner la Cloche, s'introduisit dans la langue de l'Église, soit d'une manière insensible, soit par suite d'un fait quelconque demeuré inconnu aux âges suivants.

A partir de cette époque, on ne rencontre presque plus d'autre terme pour désigner la Cloche dans les écrivains du VIII° et du Ixe siècles qui traitent des matières ecclésiastiques. Ainsi, dans la Vie qu'il a écrite du pape Léon iv, Anastase raconte que ce

au

pontife, qui vivait vers le milieu du 1xe siècle, fit ajouter à une basilique de Rome dédiée à saint André un superbe clocher, faîte duquel fut ensujte placée par son ordre une cloche, mais si somptueuse sous tous les rapports, que même le battant en était d'un airain très-pur et enrichi d'une croix dorée : Fecit in ecclesia S. Andrea campanile, et posuit campanam cum malleo æreo et cruce exaurato'. La littérature chrétienne de cette époque est pleine de détails semblables; et partout on retrouve les mots Campana, Campanile, Campanarium qui sont désormais fixés par l'usage universel pour tout ce qui a rapport aux cloches et aux clochers des églises.

C'est, en effet, vers le commencement du IXe siècle que se doit placer un prodigieux événement raconté par le moine Sangal, dans son livre De la sollicitude de Charlemagne pour les églises de son royaume. Un habile fondeur de cloches, dit-il, en ayant obtenu une entre autres dont le merveilleux son devint un sujet d'admiration pour l'empereur lui-même, s'engagea auprès de ce dernier à en couler une seconde beaucoup plus parfaite encore, à la condition qu'on lui fournirait cent livres pesant d'argent qu'il pût mêler avec le plomb et les autres matières nécessaires. Un énorme lingot d'argent lui est aussitôt livré; mais au lieu de le faire entrer dans la composition d'où devait sortir ce nouveau signal de l'Église, objet d'une si royale munificence, cet homme inique n'employa que du plomb et d'autres matières communes, comptant bien que la beauté de la forme et la perfection des reliefs dont il saurait l'orner cacheraient parfaitement à tous les yeux la fraude accomplie sur la matière elle-même. En effet, l'empereur en fut d'abord ravi et tout à fait émerveillé. Impatient d'entendre l'harmonie de cette nouvelle cloche, il la fit aussitôt suspendre au haut de la tour à laquelle il la destinait; et c'est alors que pour l'éternelle leçon de la postérité, et afin de laisser à tous les siècles un effrayant exemple de la justice divine, Dieu lui-même, par un prodige inouï, voulut révé– ler la honteuse action et la sacrilége cupidité de cet ouvrier infidèle. Vainement le mansionnaire de l'Église et avec lui le reste

Anast., in Leon.

des clercs et des prêtres s'efforcèrent de faire rendre à la cloche un son quelconque, celle-ci demeura constamment muette sous les coups les plus violents du marteau dont elle était frappée, ce qui indigna si fort et remplit d'une si furieuse colère l'âme endurcie de cet homme avare, qu'il se prit à son tour à agiter de toutes ses forces le lourd battant qui pendait à l'intérieur de la cloche, et le secoua d'une façon si violente, qu'enfin il se détacha tout à coup du levier d'airain où il était fixé, et en tombant brisa la tête de ce misérable. Le lingot d'argent fut bientôt retrouvé, mais, à raison du crime et du châtiment dont il avait été l'occasion, l'empereur ne permit point qu'on le fit rentrer dans le trésor royal, mais il ordonna de le consacrer au soulagement des pauvres du mont Palatin.

Dans le récit que nous venons de faire, le texte original du moine Sangal désigne la Cloche sous le nom de Campana, et la tour, au haut de laquelle elle fut placée, sous celui de Campanarium. Cette manière de parler, avons-nous déjà dit, était définiti– vement consacrée dès la fin du vIIe siècle, et surtout à partir du commencement du vire. Mais, ajoute ici le Cardinal Bona, ce fut également vers ce temps que s'introduisit dans le langage des écrivains ecclésiastiques, comme aussi sans doute dans celui du peuple, le terme barbare Clocca, d'où est venu et a été formé depuis celui de Cloche: Sæculo item octavo barbara vox Clocca audiri cœpit 1.

Nous terminons ici le premier chapitre de cette étude liturgique, où nous croyons avoir traité les questions qui se rattachent à l'origine des Cloches, à l'aide de documents presque tous puisés aux meilleures sources de l'antiquité chrétienne. Il est vrai que nous avons adopté, sur deux ou trois points, des conclusions qui s'éloignent peut-être un peu des idées généralement reçues; mais nous ne l'avons fait, selon notre manière de voir et de juger, que dans l'intérêt de la vérité et des traditions catholiques. Nous traiterons dans le chapitre suivant de tout ce qui se rapporte à l'acte liturgique de la bénédiction des Cloches.

Rer. lit., lib. 1, cap. 22.

CHAPITRE II.

SYMBOLISME DES CÉRÉMONIES LITURGIQUES DE LA BÉNÉDICTION DE LA CLOCHE, AU POINT DE VUE GÉNÉRAL DES MERVEILLEUX PRIVILÉGES QUE LUI COMMUNIQUE L'Église.

Commençons d'abord par rechercher la vénérable et haute antiquité que ce rite consécrateur a droit de revendiquer dans l'histoire de la liturgie.

Le cardinal Baronius a cru devoir placer la première origine de cette bénédiction au xe siècle, et en faire honneur au pape Jean, treizième du nom, qui en l'an 968 consacra par de mystérieux rites la grande Cloche de l'Eglise de Latran, digne sous tous les rapports, et autant par son immense volume que par la richesse de son métal, de servir au culte divin dans le plus vénérable temple de l'univers. On sait qu'avant de la laisser monter au haut de la tour où tout était préparé pour la recevoir, le Souverain Pontife la sanctifia d'une manière très-solennelle, et au moyen des mêmes prières et des mêmes cérémonies mystiques qui ont toujours été observées depuis dans de semblables occasions. Il lui donna le nom de SaintJean-de-Latran, afin d'en faire en quelque sorte une vivante personnification de ce même saint qui présidait aux intérêts de la gloire de Dieu dans ce temple, et afin de signifier par là que désormais chaque ondulation de l'airain sacré serait comme une mystérieuse parole ou comme la prédication même du saint patron de cette

« ÖncekiDevam »