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prouvent au moins une très-mauvaise mémoire. D'après lui, c'est l'abbé d'Astros qui aurait été l'orateur du Chapitre; il n'articula pas un seul mot. D'après lui, Napoléon aurait répondu sans s'échauffer; Napoléon entra dans une fureur qui effraya l'assistance; et si l'abbé d'Astros n'en comprit pas alors toute la violence, la suite la lui révéla bien. Enfin, d'après lui, l'abbé d'Astros était beaucoup troublé, et Réal qui le vit en sortant de là, le trouvait assez semblable à lui-même pour le saluer avec gaieté; et un autre témoin oculaire qui le rencontra en même temps que Réal, nous dit dans sa relation « Personne n'eût soupçonné, à voir le front calme et serein de l'abbé d'Astros, qu'il venait de » subir un si rude choc, »

Si l'on a lu la mort du duc d'Enghien, on sait que l'abbé d'Astros n'était pas la première innocence contre qui Savary prêta son triste ministère. Au moins ne pas outrager ses victimes après les avoir frappées !

Quand, au terme de ce combat, nous nous retournons pour en repasser les détails, ce que nous y trouvons de plus admirable, ce n'est pas le courage qu'il suppose, mais l'acte d'humilité qui l'a couronné. Qui n'a remarqué, en effet, la narration sèche et nue dans laquelle l'abbé d'Astros burine ce souvenir héroïque. Ah! quand on essuya pour une noble cause les menaces du plus grand potentat de l'Univers, quand on a caché cet antécédent magnanime pendant trente ans comme l'orgueil cache une faiblesse, quand enfin on

4 M. le comte P.

va dire ce secret à la postérité chrétienne qui écoute, quoi de plus naturel que de prendre devant l'avenir un langage et une contenance quelque peu étudiés? De même que, dans un portrait, on se donne une solennelle attitude qui idéalise la ressemblance sans l'altérer, n'était-il pas aisé, dans ces scènes inconnues, de soigner sa pose et de ménager autour de soi de ces effets qui font paraître grand sans blesser la vérité? C'est là un artifice de l'amour-propre que l'abbé d'Astros a dédaigné. Il entend des inexactitudes souvent élogieuses sur son compte, à l'instant il disparaît à ses yeux, et ne voit plus dans cette question qu'une vérité à rétablir. L'heure étant venue, il jette cette vérité dans un manuscrit presque illisible qui n'a jamais été recopié. Là, sa postérité viendra la déchiffrer péniblement. Puis, quand son dévouement sera exhumé de cette poudre, il paraîtra ce que la Providence voudra, lui n'ajoute pas même l'ornement d'une phrase à son sacrifice pour le mettre en relief, et l'humilité du récit est si captieuse qu'elle tromperait sur la grandeur des choses, si une émotion secrète ne venait avertir que dans ce cadre si simple, les traits modestes qui apparaissent sont la noble figure d'un confesseur. Aurait-on dit, après la lutte dont nous avons conté l'histoire, que l'abbé d'Astros avait quelque chose de mieux à faire encore? Il en est ainsi cependant. A nos yeux, l'humilité du chrétien éclipse en lui la force du soldat; et la principale gloire de l'abbé d'Astros aujourd'hui n'est pas d'entrer à Vincennes, mais d'y entrer avec tant de simplicité.

CHAPITRE XII.

CONSÉQUENCES DE SON ARRESTATION.

Malheurs et désordres qui suivent son emprisonnement.

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-Napoléon parle de le faire fusiller. Exil de MM. Portalis, Guairard et de la Calprade.- Emprisonnement du P. Fontana; - du prélat de Grégorio; des cardinaux di Pietro, Gabrielli et Oppizoni. - Absurde jugement de Savary. Adresse extorquée au Chapitre de Paris. - Sous quel prétexte. - Imitations. - Schisme de trois ans. -Comment on y tomba. - Dernières réflexions sur le Gallicanisme.

Doctrina prudentium facilis.
Prov. XIV. 6.

L'ABBÉ D'ASTROS termine son mémoire sur les démêlés qu'il eut avec Napoléon, par cette réticence bien significative: << Tel fut l'état des choses jusqu'au 1er janvier 1811, et après... » Ici on comprend qu'un noble sentiment a suspendu son récit; c'était sa répugnance à dire les malheurs et les abus qui suivirent son incarcération. La franchise de ses réponses à Savary, en effet, fit des victimes; son éloignement des assemblées capitulaires devait occasionner des scandales. Aujourd'hui les victimes ne perdent rien à être connues; la révélation des scandales, sans aucun préjudice pour les hommes, peut être profitable aux doctrines, par conséquent l'histoire doit rendre à la vérité tous les lareins que lui fit la charité de l'abbé d'Astros; et ce qu'il s'était fait un devoir de taire, c'est pour nous un devoir de le raconter.

Le troisième bref, n'ayant pas été saisi dans ses mains, n'accusait pas une vraie complicité de sa part et ne pouvait guère lui être imputé. Le second, ayant fait son trajet clandestin de Savone à Paris, sans son concours, ne fournissait qu'un témoignage à charge négatif. Restait donc, pour toute prévention véritablement juridique contre lui, le délit d'avoir communiqué une copie du premier bref, et d'avoir consulté dans ses doutes, comme nous allons le voir, quelques Prélats romains qui se mêlaient de faire les Papes, suivant la soldatesque expression de Savary. En temps ordinaire, il n'y avait pas là de quoi compromettre la vie d'un prêtre vénéré par l'opinion publique. Mais ce n'était pas seulement un délit, c'était deux ans d'opposition que Napoléon voulait châtier dans l'abbé d'Astros. Et, comme tout cela pesait davantage dans la balance de son orgueil que dans celle de la justice, il s'exaltait, sur les griefs du Vicaire capitulaire, avec la violence naturelle aux droits équivoques qui cherchent à se prouver par des emportements.

Les obsessions de Réal et de Savary n'avaient donc obtenu que des découvertes peu importantes. Cependant, les dépositions ne manquaient pas à l'instruction qui se poursuivait. Plus de deux cents personnes, faisant leur visite du jour de l'an à l'abbé d'Astros, avaient été saisies à la porte, et interrogées par les subalternes de Savary.

Napoléon, comme dépité de ne pas trouver un complot pour mieux justifier sa vengeance, suppléait à ce qu'il ne savait pas, en exagérant l'importance de ce qu'il savait. Souvent, dans ses accès de colère, il y avait un moment de délire où le grand homme devenait trivial,

et descendait jusqu'à de grossiers procédés si les victimes étaient présentes, ou jusqu'à des menaces hyperboliques si elles ne l'étaient pas. Dans une de ces éclipses passagères, où la raison épouvantée fuyait son génie, il déclara qu'il ferait fusiller l'abbé d'Astros. Régnault de Saint-Jean d'Angely, qui était présent, lui fit observer que ce serait flétrir une gloire bien belle dans une querelle bien petite. L'argument caressait l'orgueil du monarque et eut son succès. Néanmoins, jusque dans cette concession, le courroux de celui-ci voulut avoir un dédommagement. «< Eh bien, s'écria-t-il, qu'on le jette en prison pour toute sa vie. » Si la peine n'eut pas cette durée, nous verrons plus tard que ce ne fut faute de l'Empereur offensé. Cependant, les sévices de Napoléon s'étendaient à tous ceux qui avaient eu dans l'affaire des brefs une ombre de participation, et l'abbé d'Astros eut la douleur d'être frappé dans plusieurs de ses amis les plus chers. C'est le grand malheur des hommes compromis de rendre suspects tous ceux qui les approchent, et de porter une sorte de fatalité dans leur affection. Les faits qui suivent nous diront à quel point le prisonnier de Vincennes dut éprouver ce sentiment.

pas la

La veille de Noël était un jour de réunion pour la famille Portalis. Le 24 décembre 1810, l'abbé d'Astros s'était rendu, comme de coutume, pour prendre part à cette fête tout-à-fait intime. L'abbé Guairard, chef de division à la direction générale de la librairie, était le seul convive qui ne tînt pas aux autres par quelque lien de parenté. Avant le diné, l'abbé d'Astros pria son

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