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eût été laborieux pour tous, a dû l'être davantage pour nous, car un apôtre n'a point des aptitudes de bénédictin, et un missionnaire ne se transforme pas en historien sans beaucoup de risques et d'efforts. Il nous a été doux, néanmoins, de ne compter ni les uns ni les autres. Membre d'une communauté qui doit la vie à M d'Astros, c'était pour nous un besoin de lui rendre quelque chose en échange. Mes frères et moi nous nous sommes porté la main au cœur pour lui demander ce qu'il y avait à faire; il nous a répondu par la pensée de ce livre. S'il s'est trompé, l'erreur sera toujours respectable, puisqu'elle vient de lui.

Si naturelle que paraisse, de notre part, cette entreprise, nous serions inexcusable de l'avoir abordée sans appréhension, car elle n'a rien de modeste que l'apparence. Une biographie peut avoir, sur les mœurs publiques, une influence que de hautes spéculations n'exercent pas. Celles-ci font connaître la vertu; l'histoire des hommes qui la portèrent en eux, à un degré éminent, la fait goûter. La philosophie morale ne parle qu'aux esprits et à peu d'esprits; les exemples sont une langue universelle comme celle de la première Pentecôte, et une autorité populaire qui prend les multitudes par la raison et par le cœur. Ce fut toujours une leçon bienfaisante pour les chrétiens, que la contemplation de ces vies où ils trouvent les commande

ments de Dieu traduits en actes saisissants, et l'évangile perpétuellement fait homme à leurs yeux. Grâce à elles, les saints d'une génération deviennent les types de l'autre, et, passant des aïeux à leur postérité par transmission héréditaire, les vertus, comme le phénix, renaissent incessamment d'elles-mêmes ici-bas.

Les siècles primitifs avaient senti la gratitude due à ces ancêtres qui firent de leur mémoire un immortel enseignement ils créèrent pour eux des noms respectueux et doux qui exprimaient une sorte de religion inconnue. Les héros qui dotaient la famille chrétienne de grands souvenirs, en furent regardés comme les parents. On appela la vie des saints, la vie des pères; et quand ils s'éteignaient sur leur trône pontifical ou sur leur natte de la Thébaïde, c'étaient les illustrations de l'Eglise qui demandaient la parole pour raconter leurs vertus. Ainsi, entre deux persécutions, Athanase écrit les luttes d'Antoine, humble solitaire du désert. Saint Paul, ami centenaire du précédent, est ressuscité par les pages presque bibliques de Jérôme. Grégoire le Thaumatuge trouve son peintre dans Grégoire de Nysse, et la renommée des saints est traitée comme une relique, que des mains immaculées ont seules le droit de toucher.

Ces souvenirs élèvent notre mission, mais sont loin

de la rendre facile, surtout si l'on n'oublie pas que la biographie d'un grand Evêque, toujours importante au point de vue chrétien, l'est davantage quand elle parait pour la première fois. Que fut, en comparaison de cette tâche, celle de Plutarque agitant, dans ses vies parallèles, la puérile question de savoir si les Grecs l'emportaient sur les Romains? Notre but est autrement sérieux. Fixer les traits sous lesquels un Pontife confesseur doit recevoir l'hommage de la postérité chrétienne; marquer sa place dans les fastes pieux du monde, et déterminer la hauteur qui convient à son piédestal; définir la nuance particulière de sa mission dans l'église, et les limites de son action dans l'état; enfin, peser, avec l'impassibilité de la justice, une gloire que l'on aima, et, s'il le faut, d'une main tremblante de respect, lui retrancher, sans l'endommager, les ornements immérités dont l'enthousiasme la couronne, comme Guillaume Tell effleurant de son trait une tête chérie qu'il ne devait pas blesser: tout cela est une œuvre capitale et mal aisée. Le lecteur seul peut décider si elle a été aussi bien accomplie que comprise. En attendant son examen, quelques mots, seulement, pour l'initier à la pensée de l'auteur, et lui faire les honneurs de ce livre en l'y introduisant.

La Vie de Ms d'Astros a été divisée en deux grandes périodes. La première renferme l'histoire du saint Pré

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lat, depuis sa naissance jusqu'à son épiscopat; la seconde, depuis son épiscopat jusqu'à sa mort.

Dans le cadre embrassé par la première partie, souvent, en face de la modeste figure de l'abbé d'Astros, apparait la tête superbe et couronnée de Napoléon. Si le lecteur ne trouve pas toujours ici au grand homme les proportions gigantesques que l'histoire des batailles lui donne, il ne doit pas en accuser notre pinceau, mais notre sujet. La noblesse des traits que l'on crayonne dépend du moment où on les saisit: or, le drame religieux que nous allons exposer, représente Napoléon dans les actes les plus néfastes de sa vie.

La mémoire de l'illustre Empereur, comme la tête de Janus, a deux faces tout-à-fait opposées. La première exprime les traits du grand capitaine, du législateur de la France, de l'exterminateur de l'anarchie, et du bienfaiteur de la Religion; elle réunit, dans sa majesté fastique, la majesté d'Alexandre, d'Auguste, de Constantin et de Justinien: celle-là est sublime. La seconde exprime les traits du spoliateur de la papauté et de l'oppresseur de l'Eglise; elle porte au front la colère sacrilége des Empereurs Grecs et Ariens : celle-là est triste à voir. Si la première ne paraît guère dans cette histoire, c'est parce qu'elle y formerait un hors d'œuvre; si la seconde y paraît beaucoup, c'est parce

qu'elle constitue une grande partie du sujet. Ce ne sont point les opinions de l'auteur qui ont fait cela; c'est la nature des choses.

II y aurait donc calomnie à travestir les motifs de notre justice historique. Les points de vue de ce livre sont pris des hauteurs de l'Eglise, non de l'observatoire toujours borné des coteries ou des partis. Quand Tacite marquait de son fer chaud les hontes de la décadence romaine, il nous apprend qu'il montait sur son tribunal, sans haine et sans amour. Pour nous, bien plus petit et moins sévère, nous avons abordé la mémoire du monarque persécuteur, non pas avec l'engouement sans dignité de quelques contemporains, mais dans ce sentiment chrétien qui dit le bien avec joie et le mal avec peine. Rien de plus odieux, à nos yeux, que la monomanie de la détraction en histoire; d'autant plus que la détraction, toujours déloyale quand elle s'en prend aux morts, est presque un sacrilége quand elle s'en prend au génie. Les grands hommes de la patrie sont comme ces divinités domestiques, pour qui les anciens professaient une plus sympathique religion. Sans doute, il ne faut point les placer au-dessus de la justice; mais l'irrévérence à leur égard est un double attentat, car elle outrage la Providence qui en fit ses chefs-d'œuvre, et la nation qui les porta dans son sein.

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