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QUATORZIÈME CONFÉRENCE

DE LA CERTITUDE RATIONNELLE

PRODUITE DANS L'ESPRIT PAR LA DOCTRINE CATHOLIQUE

En reprenant, après une interruption de sept années, ses conférences de Notre-Dame, Lacordaire, qui aussi bien ne déviera jamais d'une ligne de son plan primitif, continua de demander à l'expérience les preuves de la doctrine catholique. La première conférence, qui fut, au jugement de l'orateur, assez faible, n'a pas été recueillie dans ses œuvres. Les sept conférences qui nous sont restées, vont à montrer l'influence de la doctrine de l'Église sur l'homme: la certitude rationnelle qu'elle produit dans l'esprit humain, la répulsion qu'elle inspire, la passion naturelle des hommes d'État contre cette doctrine, la certitude supra-rationnelle ou mystique qui s'y rattache, les causes de la certitude supra-rationnelle ou mystique, la clarté, la profondeur et l'étendue de la connaissance dont nous sommes redevables à l'Église, les rapports enfin qui relient et subordonnent la raison humaine à la raison catholique, en sont successivement l'objet. Cette station commencée le 3 décembre 1843,

ne se termine que le 21 janvier 1844; Lacordaire s'y distingua au fort des luttes pour la liberté d'enseignement, par la modération comme par la fermeté de sa parole, et la station réussit au delà de toute attente.

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

La doctrine est la science de la vie. La vie, selon la définition de saint Thomas d'Aquin, est un mouve ment spontané. Tout mouvement emporte dans son essence même l'idée d'un point de départ, d'un point d'arrivée et d'un effort pour aller de l'un à l'autre ; et, par conséquent, la science de la vie, c'est la science. du point de départ de l'homme, de son terme d'arrivée, et de la route ou des moyens par où il doit passer.

Or la doctrine catholique nous apprend que Dieu est le point de départ de l'homme, que Dieu est le terme d'arrivée de l'homme, et que Dieu fait homme est la voie, le moyen qui le conduit à sa fin: Je suis l'alpha et l'oméga, le principe et la fin. Il n'y a qu'un Dieu, et qu'un médiateur de Dieu et des hommes, l'homme Christ Jésus 2. Et, par conséquent, avant toute

1. Mr Affre, archevêque de Paris.

2. Apocalypse, chap. 1, vers. 8. Saint Paul, 1 Épître à Timothée, chap. 11, vers. 5.

discussion, la doctrine catholique est la plus élevée de toutes les doctrines; car, quoi que fasse l'esprit humain, il lui est impossible de concevoir un point de départ plus élevé que Dieu, un terme d'arrivée plus élevé que Dieu, un médiateur plus élevé qu'un Dieu fait homme. Donc, métaphysiquement, et par la nature des choses, la doctrine catholique occupe le sommet. le plus haut où l'esprit humain puisse atteindre, et toute doctrine, quelle qu'elle soit, qui vient après elle, ou à côté d'elle, est forcée de se ranger en des degrés qui lui sont inférieurs. Nous sommes placés là au sommet par la force des idées elles-mêmes, et je devrais, ce semble, tout de suite jeter mes regards sur cette hauteur; je devrais regarder la doctrine catholique dans sa face et dans ses entrailles, et, comme Moïse, faire redescendre ma parole de cette contemplation, et vous éblouir par ces rayons pris au lieu où repose, avec l'essence divine, notre doctrine elle

même.

Je ne le ferai pourtant pas encore; car toute doctrine étant un principe de vie, bon ou mauvais, agit nécessairement sur la vie de l'homme, de la nature et de la société, et peut, par conséquent, être considérée sous le rapport des effets qu'elle produit dans cette triple région. Or il est plus naturel d'étudier ainsi une doctrine tout proche de nous, que d'aller d'abord en poursuivre les mystères jusque dans leur nature métaphysique. Je me propose donc, Messieurs, après vous avoir autrefois montré la nécessité de l'Église catholique, sa constitution, son autorité, les sources de sa doctrine, je me propose, continuant toujours la même œuvre sur le même plan, de vous exposer les effets de cette doctrine sur l'homme, la nature et la société,

afin que, plus tard, nous soyons préparés à la suivre, d'un vol humble et hardi, jusqu'au trône de Dieu.

Je commencerai par la considération des effets de la doctrine catholique sur l'esprit de l'homme.

Le premier vœu d'une doctrine, son premier effort, sa tendance inévitable, c'est de conquérir les esprits; il n'y a pas au monde de conquérant si impatient des limites de son territoire, et si à l'étroit dans les bornes de sa puissance, et qui sente plus remuer dans son cœur le désir de combattre et de subjuguer, qu'une doctrine: car une doctrine, c'est la vie, c'est le principe de toute vie; la doctrine, dans sa cause première, c'est Dieu lui-même, Dieu, la vérité souveraine, la vérité vivante, la vérité qui ne se regarde pas pour se voir, mais qui se voit sans ouvrir les yeux, parce qu'elle est à la fois son œil et sa lumière. Et si le soleil est tellement pressé de nous communiquer ses rayons, s'il les précipite dans nos yeux avec une si grande rapidité, que serace de la lumière infinie, que sera-ce de la doctrine catholique, que sera-ce de toute doctrine, qui, après tout, tire de Dieu sa source, même quand elle est erronée? Car, Messieurs, l'erreur absolue, les ténèbres parfaites n'existent pas; le néant ne peut pas exister; et toute fausse doctrine, alors même qu'elle nous trompe, tire encore sa puissance d'un reste de vérité; je ne dirai pas de l'essence divine, mais de quelque chose qui est parti de là, et qui fait passer les fantômes que nous aimons pour des astres lumineux et vivants.

La doctrine veut donc commander aux esprits, elle ne s'en cache pas, et moi, doctrine vivante, moi à qui il a été dit dans mes ancêtres: Va et enseigne toutes les nations', moi... et pourquoi voudriez-vous que je 1. Saint Matthieu, chap. xxvII, vers. 19.

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vous déguisasse mon ambition? Mon ambition n'a pas de limites; mon ambition, c'est plus que l'Océan; mon désir de domination sur toute créature capable d'entendre la parole divine, c'est, comme l'a dit saint Paul, de captiver toute intelligence, toute hauteur qui s'élève, par la force de la doctrine qui vient de Dieu. Ainsi, nous avons une grande ambition, et, si vous avez une doctrine, cette ambition est aussi la vôtre. Ne dissimulons pas; disons que nous sommes des hommes qui voulons tout conquérir, posséder les esprits, les gouverner. Pourquoi? Est-ce par un désir égoïste de prééminence? Non, Messieurs; c'est que la vérité est aussi charité; c'est que la lumière est aussi chaleur, et que cette chaleur ne peut pas exister sans échauffer, sans se répandre. Ainsi le désir de répandre la vérité se confond avec le désir de la charité. Quand nous voulons conquérir, c'est que nous voulons ouvrir nos entrailles, et y cacher, y retenir le genre humain tout entier. Ah! sans doute on nous le pardonnera!

Or, Messieurs, nulle doctrine ne conquiert les esprits qu'à la condition de leur donner la certitude de sa vérité; tant qu'une doctrine ne s'empare pas des esprits jusqu'à leur paraître certaine, elle n'est qu'une lueur plus ou moins séduisante, qui cherche l'adhésion, mais qui ne l'a point obtenue; qui est distincte encore de l'intelligence, qui est traitée par elle comme un hôte plus ou moins familier, mais non pas comme faisant partie nécessaire de la maison. La certitude établit entre l'intelligence et la doctrine une parfaite unité; elle est le point de rencontre et de jonction de

1. II Épître aux Corinthiens, chap. x, vers. 5.

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