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graphie, et que, prenant un compas, ils l'eussent ouvert à trois ou quatre cents lieues de rayon, ils eussent vu qu'ils étaient le centre d'une foule de peuples d'Europe, d'Asie et d'Afrique, de tous ceux dont les extrémités sont baignées par les flots de la Méditerranée. Mais, au lieu d'un compas, ils étendirent leur main de fer autour d'eux et commencèrent un empire qui devait avoir pour bornes l'Océan, le Rhin, l'Euphrate et l'Atlas. Et, au bout de sept cents ans, après avoir détruit la nationalité de tous leurs voisins, gorgés de sang, de dépouilles, de gloire et d'orgueil, ces brigands, devenus la première nation de l'univers, avaient déposé leur fière république entre les mains d'un seul maitre;... et ce maître vivait, quand saint Pierre délibérait en quel lieu du monde il irait fixer son siège apostolique. Le croiriez-vous, Messieurs, ce fut sous les yeux de ce Maitre, dont un regard faisait trembler la terre, ce fut dans sa ville, sur les marches de son trône, que saint Pierre alla poser sa chaire et chercher son indépendance. Mais quelle indépendance pourra-t-il obtenir en un semblable lieu, lui qui prétend à un domaine bien autrement vaste que celui des empereurs romains? Quelle indépendance? Il ne s'en occupe pas, Messieurs, il l'apporte avec lui; il apporte l'indépendance de qui ne craint pas de mourir pour la vérité, l'indépendance du martyre.

Des pontifes ses successeurs, il n'y en eut que deux, pendant trois siècles, qui moururent dans leur lit, encore parce que les ans, pour eux, se pressèrent un peu plus que les bourreaux. De sorte que la première couronne de la papauté fut la couronne du martyre; sa première indépendance, l'indépendance que donne

la mort à celui qui la méprise. Il convenait que la puissance de l'Église commençât par cette longue douleur. La vérité sans doute aurait bien le droit de pénétrer dans les empires sans payer à leurs douanes le tribut du sang; mais Dieu voulut montrer ce qu'il est utile à un homme de souffrir, lorsqu'il prétend apporter aux hommes la vérité. Il détermina donc la suite des affaires de cette façon que, pendant trois siècles, l'Église et son premier apôtre à sa tête donnèrent leur sang, afin de prouver qu'ils n'abusaient pas le monde en annonçant qu'ils étaient porteurs d'une parole d'en haut. Aujourd'hui, le premier enfant qui sort des écoles se croit le droit d'enseigner la vérité à l'humanité tout entière, et si un seul cheveu venait à tomber de sa tête de dix-huit ans, il estimerait tout perdu et n'aurait pas assez de cris contre la tyrannie. Pour nous, on nous a donné la mort, longtemps nous l'avons reçue, et nous ne nous sommes plaints qu'avec modération, jugeant heureux ceux qui mouraient ainsi pour rendre gloire à Dieu, et assurer par leur témoignage la foi de leurs frères.

Mais comment la suprématie spirituelle se développa-t-elle ? Par quels actes put-elle se manifester pendant que toute l'Église était asservie à la loi du martyre? Il semble qu'il y ait là un oubli de la Providence, une négligence des premières règles de la politique. Mais Dieu ne juge pas comme les hommes. C'était précisément parce que les souverains pontifes n'avaient aucuns moyens humains d'établir leur suprématie, qu'elle devait être plus authentique et plus immortelle. S'ils avaient eu la protection des Césars, on eût dit que l'Église de Rome était devenue la première parce qu'elle était assise dans la première ville

de l'empire, sous la pourpre impériale; mais saint Pierre venant, le bâton à la main, pour se faire crucifier dans Rome, lui et ses successeurs, pendant trois siècles, l'influence civile ne pouvait plus rien réclamer dans l'établissement du pontificat. Il fallait que le pauvre vieillard, enfermé dans ces tombeaux qui bordent les voies romaines, régnât sur le monde. Il fallait que, du sein de ces habitations plutôt de la mort que de la vie, son gouvernement fût obéi, qu'on lui rendit cet hommage, que son siège était le siège principal, qu'il était le prince des pasteurs, l'évêque des évêques, et c'est ce que les plus grands d'entre les Pères proclament à l'envi. Mais il était besoin aussi d'actes imposants qui ne puissent jamais tromper les yeux, afin de fournir aux générations futures des preuves inattaquables. A la fin du deuxième siècle, les Églises d'Asie s'obstinent à célébrer les fêtes de Pâques le quatorzième jour de la lune, comme les Juifs, tandis que les chrétiens d'Occident la solennisent le dimanche qui suit ce jour : le pape saint Victor I les excommunie'. Au troisième siècle, saint Cyprien, évêque de Carthage, avec un concile de soixante évêques d'Afrique, décide qu'on rebaptisera les enfants des hérétiques: saint Étienne Ier s'y oppose, menace de fulminer l'excommunication, et saint Cyprien, tout grand homme qu'il est, est obligé de plier 2. Saint Denys, patriarche d'Alexandrie, le premier des patriarches d'Orient, émet quelques propo

1. Il les menaça d'excommunication; mais les évèques des Gaules empêchèrent la rupture.

2. Assertion peu exacte: l'union se rétablit entre Rome et l'Afrique par le seul fait de la mort du pape saint Étienne 1, le

2 août 257.

sitions douteuses sur la Trinité plusieurs évêques effrayés s'adressent au Souverain Pontife, et saint Denys est obligé d'écrire au pape une lettre apologétique. C'est assez d'avoir cité ces trois grands faits; cette période de la vie de l'Église dura jusqu'au quatrième siècle : ici le Saint-Siège entre dans une nouvelle phase d'existence spirituelle et temporelle.

Le monde était chrétien; nous l'avions vaincu par la force du martyre et la grâce de Dieu. Un prince monte sur le trône des Césars, qui comprend le christianisme, non-seulement comme religion de la majorité, mais comme venu de Dieu pour le salut des hommes ; il le reconnaît. Il fait plus par un de ces conseils inexplicables selon le monde, il prend son trône, l'emporte aux extrémités de l'Europe, au bord du Pont-Euxin, afin de laisser à la majesté pontificale toute cette vieille Rome avec sa puissance naturelle et son indicible illustration; et, cela fait, jamais prince ne siégera plus à Rome. Lorsque Théodose partagera entre ses deux fils l'empire d'Orient et celui d'Occident, c'est à Milan que l'empereur d'Occident régnera, ce ne sera point à Rome. En vain les Hérules et les Ostrogoths voudront-ils établir un nouveau royaume d'Italie, c'est à Ravenne qu'ils en placeront la capitale. En vain les Lombards s'approcheront-ils de Rome, ce n'est point elle qui sera leur séjour, mais Pavie. Les rois et les empereurs ne passeront plus à Rome que comme des voyageurs.

Toutefois, il ne résultait pas encore de là pour la papauté une véritable souveraineté civile. Les papes ne possédaient à Rome, par le fait de la disparition des empereurs, qu'une souveraineté morale, dont ils usèrent avec honneur en se faisant les gardiens de

l'Occident contre les barbares. Rome, neuf fois prise d'assaut, fut neuf fois par eux relevée de ses ruines, et on les vit aussi, par l'ascendant de leurs prières et de leur visage, arrêter à ses portes le Fléau de Dieu. En même temps, la suprématie spirituelle se manifestait d'une manière non moins admirable. Une hérésie formidable était née; les évêques s'assemblent en Orient, dans cet Orient où le christianisme avait pris naissance, et où Jésus-Christ l'avait consommé par son sacrifice, dans cet Orient où était le centre des affaires humaines par la translation du siège impérial à Constantinople'. Eh bien! qui présidera ce premier concile œcuménique, où l'Église universelle se trouve représentée par des martyrs portant des cicatrices de leurs combats? Qui? le successeur de saint Pierre, non pas même par lui, mais par ses légats, par un évêque d'Espagne et deux simples prêtres 2. Est-ce assez? Non; le concile envoie ses actes au Saint-Siège pour en obtenir la confirmation, abaissant ainsi devant sa suprématie la première et la plus auguste assemblée chrétienne. Ainsi en sera-t-il à Éphèse3, à Chalcédoine, à Constantinople; on ne cessera de voir les hérésies naître en Orient, et l'Orient recourir au pontife de Rome pour les extirper. Constantinople, devenue la ville impériale, loin de prétendre à la première place, fera de vains efforts pour obtenir la seconde ; deux fois, dans le premier concile de Constantinople

1. Concile de Nicée en 325.

2. Hosius, évêque de Cordoue, et les deux prêtres romains Vit et Vincent.

3. En 431.

4. En 451.

5. En 553.

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