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de Troie, cette image de la désolation du monde, le Macédonien se dresse devant nous; il nous prie debout, car il est pressé: Passe, nous dit-il, passe et viens à nous. Et si la crainte du dévouement nous retient, si les labeurs, les voyages, la faim, la soif, les supplices nous effraient, Dieu nous dit comme à saint Paul, dans un autre songe, dans le songe de Corinthe: N'aie pas peur, parle et ne te tais pas, car j'ai un grand peuple à moi dans cette ville'. Comment nous tairions-nous? Comment la main de l'homme fermeraitelle nos lèvres? Dieu nous pousse toujours, un grand peuple nous attend toujours. Vous en avez ici, Messieurs, le spectacle et la preuve et encore cette assemblée, si vaste et profonde qu'elle soit, ce n'est pas tout mon auditoire : mon auditoire, c'est l'humanité. Ma parole, dite à vous, rejaillit sur lui comme ces cailloux lancés sur la surface des mers qui, de bonds en bonds et portés par les flots, vont atteindre au loin leur but.

4. Actes des Apôtres, chap. xvIII, vers. 9 et 10.

VINGT-CINQUIÈME CONFÉRENCE

DE LA CHARITÉ DE FRATERNITÉ PRODUITE DANS L'AME

PAR LA DOCTRINE CATHOLIQUE

MONSEIGNEUR,

MESSIEURS,

La doctrine catholique est la seule qui ait produit et qui produise la charité de l'apostolat ; je l'ai prouvé dans ma dernière Conférence. J'ajoute qu'elle seule produit la charité de la fraternité. La fraternité est le partage réciproque du cœur, du travail et des biens; et il semble, Messieurs, que cette vertu devrait couler en nous par une source aussi simple et aussi naturelle que notre vie. Car, enfin, qu'est-ce que nous sommes ? Ne sommes-nous pas les membres d'une même famille, les enfants d'un même père et d'une seule maison? En vain nous voudrions détruire

les pages de notre généalogie; tous, sans exception, nous sortons du même lieu, et tandis que l'orgueil se fabrique en dehors du genre humain d'illustres et particulières antiquités, le sang d'Adam parle en nous plus haut que tous les titres, et nous couche par terre aux pieds du même patriarche comme aux pieds du même Dieu. Cependant, malgré cette évidente communauté d'origine et cette fraternité que la nature a mise en nous, quel spectacle nous présente l'histoire, si nous la considérons en dehors de la doctrine catholique Des races ennemies, des familles qui se séparent le plus qu'elles peuvent les unes des autres. par le rang; la puissance et la tradition; des hommes âpres à la curée de ce monde, et traitant la terre, non comme le patrimoine privilégié des plus forts, des plus habiles, et des plus heureux; partout la guerre, la jalousie, la convoitise, la spoliation, l'élévation d'un petit nombre et la misère de beaucoup.

Toutefois, Messieurs, il n'en est pas de la fraternité comme de l'humilité, de la chasteté et de l'apostolat. Le monde, qui repousse celles-ci, même après la révélation qui en a eu lieu, ne repousse pas également celle-là; un grand nombre l'apprécie aujourd'hui, même en dehors de la doctrine catholique, et s'il est un songe caressé par les âmes élevées, s'il est une idée qui remue l'opinion, qui inspire de belles pages et consacre de grands travaux, c'est assurément l'idée de la fraternité. Tandis que le monde insulte l'humilité comme une vertu qui l'importune, rejette la chasteté comme un intolérable fardeau, incrimine l'apostolat comme un envahissement de la vérité ou de ce qui se donne pour elle, la fraternité a dans son sein des amis chauds et généreux, qui exa

gèrent même ses droits, se trompent sur les moyens de l'établir, mais qui la proclament comme la fin dernière de toute l'histoire et de tout le mouvement de l'humanité. Le spectacle auquel nous vous convions n'en sera que plus instructif et que plus curieux. Il sera beau de voir le monde poursuivant la même pensée que nous, impuissant à la réaliser malgré ses efforts; et la doctrine catholique atteignant chaque jour son but fraternel par le simple épanchement de sa parole et de son ordinaire efficacité.

L'an 680 de Rome, sous le consulat de Marcus Terentius Varo Lucullus et de Caius Cassius Varus, au pied du mont Vésuve et en face de la mer de Naples, deux ou trois cents hommes étaient rassemblés. Ils portaient bien sur eux les traces de notre dignité commune, et cependant il n'était pas besoin. de les regarder longtemps pour découvrir aussi dans tout leur être des marques trop sensibles d'une cruelle dégradation. Au milieu du silence de tous, l'un d'eux se leva et leur adressa ce discours : « Chers et misérables compagnons d'infortune, avons-nous résolu de porter jusqu'au bout les injures du sort qui nous a été fait ? L'humanité n'existe pas pour nous; rebut du monde, saisis dès nos premiers jours par la main de fer de la destinée, nous n'avons servi jusqu'à présent qu'à récréer nos maîtres par des spectacles barbares, ou à nourrir par nos travaux leur faste, leur mollesse et leur volupté. Il est vrai, nous avons fui, nous sommes libres, mais vous comprenez bien que cette liberté n'est encore que la servitude; tout l'empire, toute la terre est contre nous n'avons pas d'amis, pas de patrie, pas d'asile. Mais avons-nous besoin d'autres amis, d'autre patrie,

nous

d'autre asile que nous-mêmes? Considérons qui nous sommes, et comptons-nous d'abord. Ne sommes-nous pas le plus grand nombre? Qu'est-ce que nos maîtres? Une poignée de patriciens dont nous peuplons les maisons, qui ne respirent que parce que nous n'avons pas le courage de poser la main sur leur poitrine pour les étouffer. Et si la chose est comme je le dis, si nous avons la force du plus grand nombre, si c'est l'humanité presque entière qui est esclave d'une horde jouissant de tout et abusant de tout, qui est-ce qui nous empêche de nous lever, d'étendre nos bras une fois en ce monde, et de demander aux dieux qu'ils décident entre nous et nos oppresseurs? Nous n'avons pas seulement le nombre, nous avons l'intelligence aussi; beaucoup d'entre nous ont enseigné à leurs maîtres ou enseignent à leurs enfants des lettres humaines; nous savons ce qu'ils savent, et ce qu'ils savent, ils le tiennent de nous; c'est nous qui sommes leurs grammairiens, leurs philosophes et qui leur avons appris cette éloquence qu'ils portent au forum, pour y opprimer tout l'univers. Enfin, nous avons plus que le nombre et l'intelligence, nous avons le droit car, qui nous a fait esclaves? qui a décidé que nous n'étions pas égaux? où est le titre de notre servitude et de leur souveraineté? Si c'est la guerre, faisons la guerre à notre tour; essayons une fois la destinée, et méritons par notre courage qu'elle se prononce sur nous. » Ayant dit cela, Spartacus étendit la main vers le ciel et vers la mer; son geste acheva sa parole; la foule qui l'avait écouté se leva, sentant qu'elle avait un capitaine, et, huit jours après. quarante mille esclaves rangés en bataille faisaient tourner le dos aux généraux romains, remuaient de

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