revenir sur une foule d'abus qui ne sont plus de ce siècle, réédifier, pour ainsi dire, le monument social; mais ces améliorations doivent être faites par le pouvoir, et considérées par le peuple comme des faveurs.

Vous supposez

GRÉGOIRE.

donc qu'il n'y a pas droit?

MAURY.

On est loin de nier ses droits, on les soutient même; mais lui, il ne doit pas les connaître. Craignez que ses prétentions ne s'accroissent par les concessions qu'il obtiendra. Vous avez vu les meurtres qui ont suivi la prise de la Bastille, les excès auxquels peut se porter le peuple lors= qu'il est déchaîné.

GRÉGOIRE.

Tout en déplorant comme vous la mort de quelques hommes, je suis loin de l'attribuer à la même cause; je n'en accuse que l'intempestive résistance de l'autorité; et d'ailleurs, est-ce le peuple qui a égorgé M. Delaunay, son major, M. de Flesselles, et quelques autres? Non, le véritable peuple a pris la Bastille sous les balles et la mitraille de la forteresse, et a tendu ensuite la main à ses défenseurs. Une poignée de misé

rables a plus tard souillé ce fait d'armes, en égorgeant quelques victimes que ce meurtre a désormais rendues sacrées, qu'il a désignées à l'intérêt, à la commisération du public, mais qui, sans doute, auraient été réservées au glaive de la justice, si elles n'étaient tombées sous le couteau des assassins.

ᎠᎬ ᏢᎡᎪᎠᎢ .

Je partage l'avis de Grégoire. D'ailleurs, je crois que les misérables dont il parle ne sont que les instruments d'un pouvoir occulte qui, ennemi de la révolution, cherche à la rendre odieuse par les crimes qu'il fait commettre, et dont il charge la cause du peuple. C'est le seul moyen peut-être de combattre la révolution avec succès, et de la faire abandonner par les hommes de bien.

L'ÉVÊQUE D'AUtun.

L'influence de ce pouvoir n'est pas douteuse pour moi; je crois aussi qu'il existe en effet, et qu'il cherche à donner une nouvelle im= pulsion à la révolution, non pour la rendre odieuse, mais pour en accélérer le mouvement, et la diriger vers un autre but. Si mes prévisions ne me trompent pas à cet égard, dans peu ce

pouvoir annoncera son action secrète par des événements d'une plus haute importance encore.

Ici les divers interlocuteurs pressèrent vivement l'évêque d'Autun pour qu'il nommât la puissance cachée dont il venait de parler; mais ce fut vainement. Il éluda, dit que le temps n'était pas venu de faire une révélation qui, au reste, pouvait ne reposer que sur une simple conjecture; nous pûmes nous apercevoir qu'il était fâché de s'être avancé à ce point; et en effet, bien qu'il n'eût rien dit que de très insignifiant et susceptible de plusieurs interprétations, je ne pense pas qu'il lui soit arrivé souvent dans la suite de se mettre dans le même cas.

On quitta ce sujet pour parler de l'esprit du jour, en général. Cette matière rendit la conversation trop vague pour que je puisse la retracer; mais je me suis rappelé plus d'une fois ce que je viens de rapporter, parce que chacun des interlocuteurs s'y montra, selon moi, en

peu de mots, ce qu'il a été dans la suite de la révolution: Maury, véritable constitutionnel; l'évêque d'Autun indifférent à tous les partis et toujours prêt à servir le pouvoir favorable à son ambition; Grégoire, de Pradt et Sieyes

ennemis des abus, amis du peuple, républicains

par instinct, et républicains de fait, jusqu'au moment où il ne fut plus permis de l'être sans crime.

CHAPITRE XI.

La Fédération. Les travailleurs et les travailleuses. — Fête

nationale.

NOURRI pendant ma jeunesse de la lecture des faits gigantesques de l'antiquité, il m'avait tou= jours semblé que les entreprises, les guerres, les. batailles des temps modernes n'étaient que des jeux d'enfants en comparaison de ces guerres et de ces batailles qui avaient décidé de l'empire et des destinées du monde; mais tout à coup peuple Français, d'un bout du royaume à l'autre, éleva la voix, secoua ses fers, et proclama son indépendance; jamais les fastes du monde n'avaient vu d'événement plus imposant par son

le