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prêtre, me pria de me tenir en dehors de la porte, pour interdire l'accès de la salle aux personnes étrangères; un autre député reçut la même in= vitation, et comme moi s'y conforma avec plaisir. Au nombre des singularités qui marquèrent cette journée, une des moindres n'était pas sans doute de voir un curé transformé en factionnaire; personne, au reste, ne parut y faire attention; les esprits étaient trop émus: des intérêts d'un ordre trop élevé allaient s'agiter, pour qu'on s'arrêtât à une circonstance que, dans un moment moins solennel, des Français n'auraient point laissé passer sans en faire le sujet de quelque plaisan= terie. On sait que nous restâmes peu de temps à notre poste: des militaires vinrent d'eux-mêmes demander à nous remplacer et à faire le service auprès de l'Assemblée pendant la séance.

Lorsque j'entrai dans la salle, Bailly était oc= cupé à calmer l'effervescence des députés; un instant après fut prêté ce serment, qui devint pour ainsi dire le signal de la révolution. Monté sur une table,seul meuble de cette galerie nue et sans ornements, mais qui semblait être devenue en un instant le temple du patriotisme, Bailly pro= nonça à haute voix la promesse solennelle par laquelle nous nous engagions à ne pas nous sé

parer jusqu'à ce que nous eussions jeté les bases du pacte social des Français. Nous promîmes d'être en tous lieux, partout où nous pourrions nous réunir, les représentants de la nation qui nous avait choisis, et de remplir notre mandat au péril de nos jours. Les regards tournés sur notre président, les bras tendus vers lui, nous prononçâmes par acclamation ce serment qui, répété au dehors par la foule immense, témoin de notre réunion, se répandit de proche en proche et retentit dans la France entière. L'histoire dira que nous ne fûmes point parjures; nous ne nous sommes séparés qu'après avoir détruit les abus et les préjugés accumulés pendant vingt siècles. Pourquoi faut-il que nos travaux ne se soient pas bornés là ! Pourquoi, lorsque les institutions vicieuses ou despotiques tombaient sous nos coups, n'avons-nous pas épargné des hommes qui n'eurent d'autres torts que de ne point avoir devancé leur siècle? Mais trop de sujets de regret se présenteront sous notre plume pour qu'il nous soit permis d'obscurcir par de pénibles réflexions, le tableau de la brillante aurore d'une révolution qui parut d'abord de= voir donner à la France un bonheur qu'aucun sacrifice ne devait racheter.

CHAPITRE VI.

L'Assemblée Nationale à l'église Saint-Louis.

tiers-état.

Réunion du clergé au

Le marquis de Dreux Brézé et Mirabeau. Les

baïonnettes. Demande du renvoi des troupes.

Des moyens insignifiants avaient été pris pour préparer la dissolution des États-Généraux et prévenir la réunion du tiers; ils avaient tourné à la confusion du pouvoir. Des moyens à peu près semblables furent employés, après la séance du Jeu de Paume, pour enlever ce local aux députés, et leur résultat fut le même. On intimida alors le propriétaire pour le porter à refuser l'entrée de la salle. Force fut donc de se rassembler dans un autre lieu. L'église de la paroisse SaintLouis fut choisie, et nous nous y rendîmes. Les

ennemis du nouvel ordre de choses avaient déjà oublié sans doute notre serment ou pensaient que nous l'avions oublié nous-mêmes. Nous étions l'Assemblée nationale, les vrais délégués de la France, et tout lieu capable de nous conte= nir, une place publique même, devait désor= mais suffire à nos réunions et à l'acquit de notre mandat.

La nef de l'église fut donc le second asile où les petites contrariétés du pouvoir nous contraignirent de porter notre patriotisme et notre ferme résolution d'être dignes de la confiance de nos concitoyens. Quelques députés qui n'a= vaient pu assister à la séance du jeu de paume, vinrent demander avec empressement à prêter le serment qui avait marqué ce jour mémorable, et à s'inscrire au bas de la délibération que nous avions prise; ce fut également dans cette séance, que le clergé en corps, précédé par l'archevêque de Vienne, vint se réunir à nous. Je fus enchanté de faire enfin cause commune avec la majorité des représentants de l'église de France; mais j'avoue que dans ce moment je n'étais pas fâché d'avoir pris avec quelques-uns de mes collègues, une initiative qui était une preuve évidente de mon patriotisme et de mon dévouement.

que

Comme je ne veux rapporter dans ces Mémoires les faits de la révolution auxquels j'ai pris part, que j'ai vus de près, et sur lesquels je puis donner quelques détails inaperçus, omis ou dénaturés par les historiens, je ne redirai ici ni le discours du président du clergé, ni la réponse de Bailly. Le même motif me fera supprimer les détails que je pourrais donner sur la séance royale du 23. On sait qu'elle avait été motivée par l'espoir de terminer les discussions qui commençaient à inquiéter sérieusement la cour, parce qu'elles avaient été constamment désavantageuses à la noblesse, d'arrêter les prétentions du tiers, au moyen de quelques concessions, et de préparer enfin la clôture des états-généraux. Le roi la termina par ces mots : « Je vous ordonne, Messieurs, de vous sé» parer de suite, et de vous rendre demain >> matin chacun dans les chambres affectées à >> votre ordre, pour y prendre vos séances. J'or>> donne en conséquence au grand-maître des » cérémonies d'en faire préparer les salles.

Malgré cet ordre et l'abandon de la salle par la noblesse et une partie du clergé, nous demeurâmes à nos places, fidèles à l'engagement que nous avions pris la veille, de continuer nos dé

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