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de l'éloquence populaire, chapitre xu: «Oh! c'est là que les orateurs sacrés pour la plupart sément les fleurs de tout genre et font parade de leur éloquence. Cependant le but du panégyrique c'est de conduire les auditeurs par de tels exemples à la pratique des vertus; mais combien peu s'occupent de ce résultat! O bon Dieu! que d'exagérations déréglées! que de réflexions étranges! que de folie souvent dans un seul mot! >

XXXIX. Et en vérité quel profit retirer des panégyriques composés par des érudits qui les remplissent de fleurs, de pointes, de pensées ingénieuses, de descriptions, de paroles redondantes, de périodes tirées, le tout si éloigné de la commune intelligence, que pour le comprendre il faut que le savant même prête toute son attention, chose qui convient à peine pour les discours académiques, où l'orateur n'a d'autre but que d'acquérir de la réputation. Quelle manière, grand Dieu! disait un homme que j'ai connu, que de voir un ministre de Jésus Christ perdre beaucoup de temps pour arrondir des périodes et entasser ornements sur ornements! Et que résulte-t-il de là? Y a-t-il profit pour l'orateur ou pour les auditeurs? Pour le premier, un peu de fumée; pour les autres, rien ou à peu près rien, parce qu'ils ne comprennent pas, ou que s'ils comprennent, ils perdent le temps à s'entretenir de ce vain murmure de mots qu'ils ont entendu, de ces pensées qui les ont frappés en passant. Cet homme dont je viens de parler avait besoin lui-même de six mois pour composer un panégyrique. Des personnes dignes de foi m'ont assuré que lorsqu'il sentit sa mort prochaine, il donna l'ordre de jeter au feu tous ses écrits. On m'a assuré de plus que se sentant louer un jour pour ses divers panégyriques, il ne put retenir cette exclamation: «< Hélas! ce sont ces panégyriques qui me feront condamner! » Muratori s'exprime ainsi dans un autre ouvrage intitulé De la Charité chrétienne (tom. II. chap. xxv.): « Eh! pourquoi tant de panégyriques qui n'aboutissent d'ordinaire qu'à un vain étalage d'esprit et de subtilités

sorties d'un cerveau creux, que personne n'entend?..... Si l'on veut que le panégyrique soit profitable, qu'on le fasse avec cette éloquence populaire et intelligible qui instruit et touche les savants, et qui plus d'une fois n'est pas assez connue de tel qui se figure être plus savant que les autres. Ah! plût au Ciel qu'on abolît à jamais dans l'Église les panégyriques pleins de vent, pour y substituer des discours dans le genre simple et familier, comme dit cet auteur qui ne fut pas moins recommandable par sa piété que par son érudition. »

XL. Avant de finir, il faut que je réponde à l'opinion de votre révérence, qui pense qu'une des principales parties de l'art consiste à plaire; et que, parconséquent, là où des hommes instruits peuvent assister au sermon, il convient que le sermon soit écrit correctement, afin que les auditeurs de cette classe soient satisfaits. Mais ce ne sera point moi, mon père, qui vous répondrai; ce sera saint François de Sales, de qui j'emprunterai les paroles sans y rien changer. Je les trouve dans sa première lettre à un ecclésiastique sur la manière de prêcher. « Les longues périodes, les paroles choisies, les gestes affectés et d'autres choses de ce genre sont la peste des sermons; le plus beau de tous les artifices c'est de n'user d'aucun artifice. Il faut seulement que nos paroles, inspirées par l'amour intérieur, sortent du cœur plutôt que de la bouche. Le cœur parle au cœur, la langue ne parle qu'à l'oreille. La contexture doit être naturelle sans vains ornements, sans paroles affectées. Nos pères et tous ceux qui ont écrit ou prêché avec succès se sont abstenus d'un langage trop poli et d'ornements mondains, parce qu'ils parlent aux cœurs avec leur coeur, comme un bon père parle à ses enfants. Le prédicateur doit tendre à un but, c'est de convertir les pécheurs et de perfectionner les justes; lorsqu'il monte en chaire, il faut qu'il dise en son cœur: « Ego veni «ut isti vitam habeant et abundantius habeant... » Je sais que bien des gens disent que le prédicateur doit plaire; pour moi, je distingue et je dis qu'il y a un plaisir qui tient

à la doctrine même qu'on prêche et à l'émotion des auditeurs. Quelle est en effet l'âme assez insensée pour ne pas avoir un plaisir extrême à ce qu'on lui montre le moyen de marcher vers le ciel, de gagner le paradis, ou qui ne comprenne l'amour que Dieu a pour elle ? Pour plaire de cette manière il ne faut rien négliger de ce qui peut instruire et toucher. Mais il est une autre espèce de plaisir, c'est une espèce de chatouillement produit à l'oreille par une certaine élégance profane, une combinaison artificielle des mots. Et quant à cette sorte de plaisir, je dis nettement qu'un prédicateur ne doit pas y prétendre, et qu'il doit le laisser aux oraleurs mondains, aux charlatans et aux courtisans ; j'ajoute que ceux qui prêchent ainsi ne prêchent point Jésus crucifié, mais qu'ils se prêchent eux-mêmes. Saint Paul déteste les prédicateurs prurientes auribus, c'est-à-dire ceux qui veulent plaire à ceux qui les entendent. Et il est à remarquer que les documents empruntés à ce saint ont été reçus par la sainte Église, qui nous fait demander que par la pratique de ces documents nous arrivions à la vie éternelle : « Con« cede propitius ut, ejus dirigentibus monitis, æterna gaudia consequamur. Ce sont les termes de l'office du saint. >> XLI. Le savant théologien Habert, parlant de la manière suivant laquelle doivent prêcher les ministres de l'Évangile, s'exprime de la sorte: «Evangelii minister delectabit, si sit << sermonis apti, facilis ac perspicui. » (Tom. VII. c. Iv. v. 10.) Le plaisir que peut donner le prédicateur, c'est d'offrir des raisonnements clairs, faciles et proportionnés à l'intelligence de ses auditeurs. C'est alors que ceux-ci peuvent véritablement jouir, comme le dit saint François, en entendant les vérités éternelles et les maximes de l'Évangile, ou en apprenant ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils doivent éviter pour se sauver; ils jouiront en se voyant contrits de leurs péchés, pleins de confiance en la miséricorde divine, et le cœur brûlant d'amour. Saint Augustin dit (Tract. 26. in Jo) que, si les plaisirs des sens procurent des jouissances, on doit en trouver bien davantage dans la connais

sance de la vérité, car il n'est rien que l'âme désire autant que cette connaissance. « Quid enim fortius desiderat anima << quam veritatem? » Saint François de Sales, dans son Traité de l'amour de Dieu (liv. III. chap. 1x), s'exprime de la même manière : « La vérité est l'objet de l'entendement, et c'est pour cela que celui-ci trouve tant de plaisir à la connaître ; et plus cette vérité est sublime, plus le plaisir est grand. Les philosophes de l'antiquité abandonnèrent les richesses, les honneurs, les jouissances, pour rechercher les vérités de la nature; et, suivant Aristote, la félicité humaine consiste dans la sagesse, c'est-à-dire dans la connaissance de la vérité. » De là le saint conclut qu'une âme ne peut pas avoir de plus grande satisfaction que de connaître les vérités de la foi; d'autant que cette connaissance n'est pas seulement délectable, mais qu'elle est encore éminemment utile, puisque d'elle dépend notre félicité actuelle et éternelle. Le prédicateur doit donc chercher à plaire à son auditoire, dit saint Antonin, mais de quelle manière ? de manière que l'auditoire ému cherche à imiter les choses dont il vient d'être entretenu. « Ut sic moveat affectum ut «flectat, scilicet curando, ut quæ dicta sunt velit implere. » (Par. 3. trac. 18. c. 3. v. 2.) La ruine de l'Église, dit saint Jean Chrysostome, est dans l'empressement des orateurs sacrés, non pour remplir de componction leur auditoire, mais pour lui plaire par de beaux discours, comme si les auditeurs n'étaient venus que pour entendre un excellent chanteur chanter un beau motet du haut de la chaire : « Subvertit ecclesias, quod et vos non quæritis sermonem « qui compungere possit, sed qui oblectet quasi cantores <«< audientes. Et idem sit ac si pater videns puerum ægro<«<tum, illi, quæcumque oblectant, porrigat. Talem non « dixerim patrem. Hoc etiam nobis accidit, flosculos ver« borum sectamur ut oblectent, non ut compungamus, et << laudibus obtentis abeamus.» (Hom. 3. in Actor.) Ces paroles sont claires. Votre révérence entend bien le latin; elles n'ont donc pas besoin d'explication. Oui, mon père, il

y a beaucoup d'orateurs sacrés qui plaisent beaucoup avec leur diction élégante et harmonieuse, et qui attirent par là un grand concours; mais je voudrais bien qu'on me dit combien d'auditeurs, charmés de ces discours remplis de pointes et de fleurs, sont sortis de l'église avec la contrition de leurs péchés et la ferme volonté de changer de vie? Quand on parlait à saint François de Sales de prédicateurs qui avaient beaucoup de vogue, il répondait : « Dites-moi, de grâce, combien de personnes se sont converties avec leurs sermons ? »

XLII. D'autres, croyant mieux plaire, ornent, ou, pour mieux dire, salissent leurs discours de facéties et de contes ridicules, et ils vont jusqu'à dire que cela est nécessaire dans les instructions ou catéchismes qu'on donne au peuple pour l'attirer et le rendre attentif. Pour moi, ce que je sais, c'est que les Pères dans leurs instructions ne font point rire, mais qu'ils font pleurer. Quand saint François Regis prêchait ses sermons, qui n'étaient pas autre chose que des instructions, les assistants ne faisaient que pleurer, du commencement à la fin. Qu'on se permette quelque innocente plaisanterie qui naît du sujet même, je le veux bien; mais vouloir convertir l'instruction en scènes de comédie, comme le font quelques-uns qui sont toujours disposés à raconter quelque historiette, quelque conte amusant accompagnés de saillies et de gestes calculés pour faire rire l'auditoire, je ne sais en vérité comment cela peut .convenir à la sainteté du lieu où l'on se trouve, ni à la dignité de la chaire du haut de laquelle l'instructeur, faisant l'office d'envoyé de Jésus-Christ, explique la parole divine. Les auditeurs riront et ils conserveront même leur gaieté jusqu'à la fin; mais quand ils auront ri, ils resteront distraits, ou ils ne s'occuperont que de retourner dans leur mémoire le fait qu'on leur aura raconté, au lieu de suivre le gracieux instructeur dans ses explications sur la moralité de l'historiette; car, pour ne pas avoir l'air d'un charlatan en chaire, il voudra tirer à toute force de ce

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