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le trône d'Angleterre ; il renie son propre sang, et veut arracher à ses enfans jusqu'à leur légitimité. Oui! je vous le déclare, rien ne pourra m'ébranler. Forte de mon innocence et de la justice de ma cause, j'en appellerai à la terre entière ! à Dieu même!

Le cardinal, resté immobile, contemplait avec respect Catherine, dont une noble fierté animait tous les traits.

Il se sentit pénétré d'admiration par son courage et de compassion pour ses malheurs.

-Non, madame, répondit-il, je ne suis point votre juge. Je le sais, il n'est que trop vrai que vous êtes entourée d'ennemis. Mais au moins ne croyez pas en trouver en moi un de plus. Je m'estimerais heureux si mes conseils ou mes vœux pouvaient être utiles à votre et c'est du fond du cœur que je vous prie d'y

cause,

compter.

Catherine allait le remercier lorsque les battans des portes dorées s'ouvrirent avec fracas pour annoncer à haute voie le cardinal de Wolsey.

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Ciel! dit Catherine, cet homme odieux me poursuivra donc toujours! Elle baissa précipitamment son voile, et, se rangeant du côté gauche de la porte, passa derrière lui au moment où il entrait. Wolsey jeta un coup-d'œil sur cette femme, dont la présence éveilla dans son ame un soupçon; mais, forcé de répondre aux politesses du légat, il n'eut pas le temps de l'examiner et ne la reconnut point.

Wolsey aimait passionnément le faste et l'éclat. Les principaux emplois de sa maison étaient remplis par des barons, des chevaliers; et parmi ses serviteurs il comptait les fils des familles les plus distinguées, qui, par sa protection toute-puissante, aspiraient aux emplois civils ou militaires.

Dans cette occasion il avait cru nécessaire d'étaler un luxe inaccoutumé. Ce fut donc avec peine que la reine parvint à traverser la foule des prélats, des nobles et des jeunes gentilshommes qui attendaient dans les premiers appartemens l'honneur d'être présentés par le favori au cardinal légat.

Les cours étaient remplies de leurs brillans équipages, au milieu desquels on distinguait un grand nombre de mules richement caparaçonnées, qui portaient sur leur dos de grands coffres couverts de pièces de drap cramoisi garnies de franges et de broderies d'or.

Une foule oisive de valets se tenaient debout au dehors, sur les degrés du perron. La reine en passant au milieu d'eux excita leurs rires et leurs grossières plaisanteries, et elle entendit les insolentes conjectures qu'ils firent sur

sa personne.

- Qu'est-ce que c'est que cette femme? disait l'un: vois-tu comme elle est crottée! - Elle a l'air d'une mendiante vraiment, s'écrièrent d'autres en s'adressant aux nouveaux venus destinés à servir le légat. Votre maître reçoit de singulières visites; chez nous, nous ne faisons pas comme cela, nous mettons toujours ces petites gens

à la porte!

Ah! ah! vous n'en finirez pas, s'écria le

plus arrogant de la troupe, si vous recevez cette canaille de solliciteurs. Enhardi par ces conseils, un des portiers s'approcha de la reine, et, la poussant rudement, lui cria en jurant: Eh! la mère, qu'est-ce que vous venez faire ici? Sortez vite. Monseigneur a des écus, mais ce n'est pas pour vous qu'ils sont faits. Ces paroles excitèrent au plus haut degré l'hilarité de toute la bande, qui s'empressa, en battant des mains, d'applaudir à cette belle action. Catherine tremblait d'humiliation. - Voilà donc, se dit-elle en elle-même, comme le pauvre est accueilli chez les grands de la terre! et moi-même, peutêtre, ai-je, sans le savoir, laissé plus d'une fois gémir aux portes de mon palais une mère qui pleurait ses enfans, ou le vieillard qui réclamait un dernier secours!

La reine, tout entière à ces réflexions, à l'impression que lui avait faite la vénérable figure du légat, à l'apparition de Wolsey, aux piéges qu'on allait lui tendre, aux séductions dont on allait l'environner, suivait machinalement Léonora, à qui la crainte que sa maîtresse ne fût poursuivie semblait avoir donné des ailes.

– Léonora, s'écria enfin la reine, je sens que je n'en puis plus; arrêtons-nous un instant seulement : tu vas trop vite. Et elle s'assit, accablée de fatigue, sur une grosse pierre qui se trouvait au côté de la route.

Il n'y avait qu'un moment qu'elle s'y reposait, lorsqu'elle vit passer un carrosse magnifique. Les rideaux intérieurs en étaient ouverts, et la lueur des flambeaux

que portaient les coureurs qui l'environnaient en éclairait parfaitement le fond. L'on y voyait une jeune femme assise, brillante de tout l'éclat de la parure et de la beauté. Catherine n'eut pas plus tôt jeté les yeux sur elle, qu'elle reconnut Anne Boleyn, qui revenait d'une fête que le lord-maire lui avait donnée.

Elle passa comme l'éclair, et dans la rapidité de sa course le carrosse fit voler l'eau et la boue du chemin, qui vinrent couvrir de nouveau les vêtemens de la malheureuse reine.

Catherine ne put soutenir tant d'émotions différentes: il lui sembla qu'elle allait mourir.

Léonora, écoute, lui dit-elle d'une voix presque éteinte, viens près de moi, donne-moi ta main : je sens que je meurs. Tu porteras à ma fille ma dernière bénédiction.

Et sa main cherchait dans l'ombre celle de Léonora, car un voile épais venait de couvrir ses yeux. Elle cessa de parler, sa tête tomba sur son épaule, et la pauvre Léonora crut que la reine avait cessé de vivre. Elle la soutint d'abord dans ses bras; mais, bientôt accablée de fatigue, Léonora s'agenouilla sur la terre, où elle essayait vainement de la ranimer par son souffle qu'elle s'efforçait de lui communiquer. Mais voyant tous ses soins inutiles, dans sa terreur elle resta convaincue que Catherine était morte. elle en sanglotant et se tordant les bras, ma bonne maîtresse est morte! Que vais-je devenir? C'est ma faute :

Ma chère maîtresse, s'écriait

j'aurais dû l'empêcher de partir! Que je suis malheureuse! Et ses pleurs et ses cris redoublaient. Enfin elle entendit dans le lointain les pas de plusieurs personnes qui s'avançaient; bientôt elle distingua une litière portée par plusieurs hommes. -A mon secours! s'écria-telle, pleine d'espérance, aussitôt qu'ils furent assez près d'elles ; à mon secours ! voilà ma maîtresse qui se meurt. En voyant deux femmes, dont l'une, couchée sur la terre, était soutenue par une autre qui semblait devenue folle, un homme qui était dans la litière commanda qu'on s'arrêtât sur-le-champ et descendit lui-même avec vivacité. C'était le roi! Il était allé aussi à Londres pour voir le légat ; et, ne voulant pas qu'on s'aperçût de l'empressement qu'il y mettait, il s'y était rendu dans le plus grand secret. En le voyant, Léonora resta immobile de crainte et de frayeur. Le roi reconnut à l'instant la reine et la malheureuse Léonora. Il lui demanda d'un ton furieux ce qu'elle faisait là et d'où elle venait. Mais elle essaya vainement de répondre; sa langue demeurait attachée à son palais; elle ne pouvait proférer le moindre son. Hors de lui, et de ce silence, et de ce qu'il soupçonnait, il fit mettre aussitôt la reine dans la litière, et, faisant marcher lentement, il la suivit à pied jusqu'au palais.

On porta Catherine dans son appartement. Elle y recouvra bientôt l'usage de ses sens; mais en ouvrant les yeux elle chercha inutilement sa fidèle Léonora: elle lui fut enlevée sans qu'on ait jamais su quel sort lui avait

été réservé.

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