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les argumens qu'il put rassembler. Il avança et conclut qu'il valait infiniment mieux permettre aux prêtres de se marier que de les exposer à se mal conduire.

Mais rien ne les oblige de se mal conduire, s'écria l'évêque de Rochester, qui ne put demeurer plus longtemps dans le silence. Tout au contraire, chacune des règles de la discipline et des canons de l'Église tend à conserver une pureté de mœurs parfaite. Ces règles semblent gênantes en effet, Monsieur, à ceux qui ne les ont embrassées que par des vues d'orgueil ou d'intérêt, et sans avoir reçu de Dieu les vertus nécessaires à un ministère si saint et si relevé. C'est pourquoi nous avons eu si souvent à gémir sur la conduite de plusieurs membres du clergé. Mais, si déjà on se plaint de leur ambition, que serait-ce donc si des enfans venaient accroître leurs besoins et leur prétendue avidité?... Le prêtre, monsieur, continua le saint évêque, pénétrant jusque dans l'ame étroite de Cranmer, vous n'avez donc jamais compris ce qu'il doit être? Le prêtre, c'est le père de tous les orphelins, le frère de tous les pauvres, le consolateur de tous les mourans, l'appui du criminel sur l'échafaud, le juge miséricordieux de l'assassin au fond du cachot. Dites! pensez-vous que cette famille du genre humain soit assez vaste, ses devoirs assez étendus, ses besoins assez pressans! Que pourrait-il donner encore quand il s'est donné chacun comme à tous? Non! le prêtre; c'est celui qui fait vœu de devenir un ange; s'il veut manquer, qu'il ne le prononce pas!...'

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O Rochester! dit Morus attendri, j'aime à vous entendre parler ainsi!

Et sir Thomas disait vrai: car, sans s'en apercevoir, Fisher venait de retracer fidèlement la conduite de sa vie tout entière; et celui qui l'aimait le reconnaissait sans peine à ce portrait.

Comme il disait ces mots, la porte s'ouvrit de nouveau. Tous se levèrent avec respect en voyant paraître le duc de Norfolk, ce vaillant capitaine auquel l'Angleterre devait la victoire remportée aux champs de Flodden sur les Écossais. Il était accompagné du plus jeune et du plus aimé de ses fils, le comte Henri Surrey. Dans un âge en÷ core si tendre on ne pouvait s'empêcher d'admirer en cet enfant la grâce et la simplicité bienveillante de ses manières; son imagination vive et brillante annonçait déjà le poète chéri de ses contemporains. Hélas! quelques an→ nées paisibles et sans alarmes peuvent encore s'écouler! Mais plus tard Norfolk, ce père si fier, si heureux de l'être, verra tomber sur l'échafaud la tête de ce noble fils. Le crime qu'Henri lui reprochera sera d'avoir joint à ses armes celles d'Édouard-le-Confesseur, dont le sang royal était mêlé à celui qui coulait dans ses veines. Sir Thomas s'avança vers le duc avec une grande déférence. L'évêque de Rochester voulut lui céder sa place; mais il s'en défendit, et s'assit au milieu d'eux.

Je ne savais pas, dit-il en se tournant gracieusement vers Fisher, trouver sir Thomas en si bonne compagnie. Je me félicite du retour de mylord de Rochester.

Il entendra sûrement avec un vif intérêt le récit que j'ai à vous faire: car vous saurez que je sors de Blackfriars, où le roi m'a mandé ce matin en grande hâte avec les pairs les plus considérables du royaume, pour assister à la comparution de la reine devant les cardinaux assemblés!...

A peine le duc eut-il prononcé ces mots, que l'étonnement parut sur toutes les figures. Morus n'en fut pas le moins affecté.

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La reine, s'écria-t-il, a comparu en personne! et si brusquement! On a donc fait exprès de le laisser ignorer?

-Je ne sais, répliqua le duc, mais jamais je ne pourrai oublier cette scène imposante et triste. Quand nous sommes entrés, les cardinaux et les deux légats étaient assis sur une estrade toute recouverte d'étoffe amarante. Le roi a pris place à leur droite. Nous nous sommes rangés derrière son fauteuil dans le plus grand silence.

Bientôt nous vîmes entrer la reine, vêtue d'habits de deuil. Elle s'assit au côté gauche, en face du roi. Sur l'appellation qu'on lui adressa, le roi se leva et restá debout. Mais, lorsque la reine fut interpellée à son tour, elle se leva, et répondit avec dignité qu'elle protestait hautement contre ses juges pour trois raisons principales: d'abord parce qu'elle était étrangère; ensuite parce qu'ils possédaient dans le royaume des bénéfices qui leur avaient été donnés par son adversaire; que de plus elle avait des raisons majeures de penser qu'elle ne pouvait

obtenir justice d'un tribunal ainsi constitué. Elle ajouta qu'elle en appelait au pape, et qu'elle ne se soumettrait point à leur jugement. Après avoir dit ces mots, elle se tut. Mais, lorsqu'elle entendit le refus qu'ils firent d'admettre son appel, elle passa devant les cardinaux, et, traversant toute la longueur de la salle, elle vint se jeter aux pieds du roi.

Nous éprouvâmes tous une émotion, dit Norfolk, que je ne puis vous rendre.

- Sire, dit-elle avec une expression respectueuse, mais pleine de fermeté, je vous supplie de me regarder en pitié, comme femme, comme étrangère, sans amis dont je sois sûre, et sans conseiller désintéressé. Je prends Dieu à témoin, ajouta-t-elle en levant ses yeux expressifs vers le ciel, que je me suis toujours montrée envers vous femme fidèle et loyale, que je me suis fait un devoir constant de me conformer en tout à votre volonté ; que j'ai aimé tous ceux que vous aimiez, que j'en eusse raison ou non, qu'ils fussent mes amis ou mes ennemis. Je suis votre femme depuis nombre d'années; je vous ai donné plusieurs enfans. Dieu le sait, lorsque je vous épousai, j'étais vierge, et je m'en rapporte là-dessus à votre propre conscience. Si l'on peut me reprocher la moindre faute, je consens à partir avec honte ; sinon je vous prie de me rendre justice.

En l'entendant parler ainsi, nous laissâmes tous échapper un léger murmure d'approbation, qui fut suivi d'un long silence. Le roi pâlit visiblement. Il ne répondit

rien à la reine, qui se releva, et voulut se retirer. Alors le roi fit signe au duc de Suffolk, qui la suivit, et fit tous ses efforts pour la retenir; mais elle se retourną vers lui, et lui dit assez haut pour être entendue :

-Allez dire au roi, votre seigneur, que jusqu'ici je ne lui ai point désobéi, et que je suis fâchée d'être obligée de le faire en ce moment.

Aussitôt après avoir dit ces mots, elle sortit, suivie de toutes ses filles d'honneur.

Ce refus qu'elle fit de demeurer plus long-temps en présence de ses juges, la noble et simple éloquence du discours qu'elle venait de tenir, jetèrent beaucoup d'embarras et d'incertitude parmi le tribunal; les juges semblaient attendre que quelqu'un décidât pour eux. Alors le roi s'est levé tout à coup; et prenant la parole, il s'est tourné vers eux en les regardant fièrement.

Messieurs, dit-il, c'est avec assurance que je rendrai devant vous un éclatant témoignage à la vertu de la reine: sa personne, sa conduite, ne sauraient être atteintes par aucun reproche. Mais je ne puis continuer de vivre dans le trouble que me cause cette union!... Ma conscience se remplit d'alarmes en pensant que j'ai pour épouse celle qui le fut de mon propre frère. Je ne vous dissimulerai point, Messieurs, que je sais que plusieurs se sont laissés aller à croire que c'est le cardinal d'York qui m'a poussé à demander cette séparation. — En disant cela le roi nous a regardés. Je déclare, a-t-il dit, en votre présence, que c'est entièrement faux, et qu'au

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