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consacrées par les siècles, cette même mission n'était-elle pas bien plus indispensable pour les réformateurs qui abolissaient des sacrements et des articles de foi professés par toute l'Eglise chrétienne?

Voilà, mon cher ami, ce que j'avais à répondre à votre objection; et voici, en résumé, ce qui demeure prouvé par tout ce que nous avons dit: Le protestantisme est une Religion établie, il y a trois siècles, par des hommes qui n'avaient aucun titre, aucune mission pour établir une Religion nouvelle. Le Catholicisme, au contraire, est une Religion dont il faudra dire ou qu'elle n'a été fondée par personne, tandis qu'on peut nommer les fondateurs de toutes les autres Religions, ou qu'elle a été fondée par les Apôtres de Jésus-Christ.

Troisième Entretien.

Sur l'unité de la Foi.

Le Cath. Je renoue le fil de nos entretiens en vous adressant une question. Ne croyez-vous pas bonne et désirable la réunion fraternelle de tous les chrétiens dans la même Eglise, la même Religion, et la même Foi?

Le Prot. Je vais plus loin que vous. Il serait bon, désirable même, que non-seulement tous les chrétiens, mais tous les hommes en général eussent une seule et même foi, qu'ils professassent tous le Christianisme.

Le Cath. Assurément. Cependant, il est évident que Dieu qui, après avoir fait connaître la véritable Religion à nos premiers parents, n'a pas voulu, mais a permis que de fausses Religions envahissent le genre humain, n'a pas seulement permis, mais a voulu que la vraie Religion ne se rétablit que successivement parmi les hommes. Autrement il l'aurait révélée à tous à la fois, au lieu de ne la révéler d'abord qu'à un petit nombre de disciples choisis et chargés de la transmettre successivement à leurs semblables. Mille autres maux sont résultés de la chute du premier homme. Ces maux, la charité divine ne veut travailler à les réparer que de concert avec la charité humaine : il paraît devoir en être de même pour la restauration générale des premières vérités perdues. Mais, au lieu de vouloir pénétrer les conseils adorables de Dieu, nous ferons mieux de réfléchir sérieusement à ce qui peut contribuer à la propagation du Christianisme parmi ceux qui sont assis encore dans les ténèbres et les ombres de la mort. Et ne voyezvous pas combien y contribuerait l'unité de la foi rétablie parmi les chrétiens?

Le Prot. Je ne le vois pas clairement, je vous l'avoue.

Le Cath. Eh bien! réfléchissez avec moi: Si les nations infidèles que nous devons convertir voient paraître au milieu d'elles tantôt des prêtres catholiques, tantôt des ministres protestants, qui leur prêchent, au nom de Jésus-Christ, des doctrines divergentes et contradictoires, ne doivent-elles pas penser que les chrétiens veulent leur faire embrasser une Religion qu'ils ne comprennent pas bien eux-mêmes, et cette bizarrerie ne leur fournira-t-elle pas un prétexte plausible pour repousser ceux qui veulent les convertir?

Le Prot. Sans doute, il est à craindre que ces infidèles ne leur disent avec dédain Accordez-vous vous-mêmes sur ce qu'a enseigné votre maître, avant de nous proposer sa doctrine. Bien que notre Religion soit mauvaise, comme vous le prétendez, du moins savons-nous en quoi elle consiste.

Le Cath. Fort bien. D'ailleurs, ces infortunés qui ignorent encore le Christianisme, sont séparés de nous par de longues distances; la différence qui existe entre eux et les chrétiens ne frappe pas tous les jours péniblement nos regards, il ne peut en résulter pour nous des embarras et de fâcheuses collisions. Il en est tout autrement des catholiques et des protestants. Ils vivent souvent dans le même pays, dans la même ville, souvent même sous le même toit; mille fâcheux débats nous rappellent, à chaque instant, cette douloureuse vérité : que ce qui devrait nous unir plus étroitement est précisément ce qui nous divise. Les liens de famille en souffrent, quand le père et le fils, le frère et la sœur, l'époux et l'épouse doivent se séparer toutes les fois qu'ils veulent prier Dieu; les mariages mixtes alimentent surtout l'indifférence, et paralysent plus que toute autre chose l'éducation religieuse de la jeunesse. Car, si, par exemple, un enfant catholique voit son père protestant mépriser la Religion qu'on veut lui faire croire, aimer et respecter, comment parviendra-t-on à détruire l'impression fâcheuse que l'exemple d'un père doit faire dans son esprit ?

Le Prot. Et la même chose arrive, si le père catholique méprise la Religion de son fils protestant. La division des chrétiens est effectivement très-fâcheuse, et je reconnais la justesse de tout ce que vous venez de dire à ce sujet.

Le Cath. Je n'ai cependant pas encore dit ce qui doit surtout la faire paraître fâcheuse à ceux qui sont sincèrement attachés à Jésus-Christ; c'est qu'elle est diamétralement opposée aux intentions les plus positives du Sauveur et à ses désirs les plus ardents. Rappelez-vous que son Apôtre, parlant en son nom, recommande expressément aux chrétiens l'unité de la foi; que le divin Rédempteur lui-même, nous fait entendre dans l'ineffa

ble prière adressée par lui à son Père, la veille de sa mort, ces paroles si touchantes: Mon père, qu'ils soient un comme nous sommes un ; et demandez-vous ensuite si deux partis religieux, dont l'un méprise précisément ce qui fait l'objet de la plus grande vénération de l'autre, peuvent se dire un comme Jésus-Christ est un avec son Père !

Le Prot. Je souscris de tout mon cœur, je vous le répète, à ce que vous dites sur le malheur de notre séparation religieuse. Mais à quoi bon ces plaintes, ces récriminations? Elle existe cette malheureuse séparation, c'est un fait accompli que nous ne pouvons changer.

Le Cath. Mais ce fait, pourquoi l'avons-nous à déplorer, sinon par suite de cette réforme que vous ne rougissez pas d'appeler bienheureuse. Si, au XVIe siècle, vos Luther et vos Calvin n'eussent pas entraîné dans le schisme tant de millions de catholiques, l'unité de la foi ne serait pas rompue.

Le Prot. On pourrait dire avec autant de raison, ce me semble, que la division ne provient pas de la réforme, mais du succès incomplet qui la suivit. Si tout le monde eût adopté la réforme, nous aurions tous la même foi, absolument comme si tout le monde fût resté catholique.

Le Cath. Raillerie que tout cela! Luther, Calvin et leurs partisans une fois séparés, l'unité de la foi se trouvait rompue. Et vous voudriez que le reste de l'univers chrétien se fût précipité à leur suite, hors de l'église catholique, pour rétablir l'unité de la foi en généralisant le schisme? Mais à supposer que tout le monde se fùt lancé dans ce parti monstrueux, comment pouvez-vous prétendre qu'en ce cas nous eussions conservé l'unité de la foi ?

Le Prot. C'est que, dans ce cas, nous serions tous protestants, et nous aurions, par conséquent, la même foi tout comme si nous étions tous catholiques.

Le Cath. Une chose bien certaine, c'est que si tous les catholiques avaient embrassé ou embrassaient le protestantisme, tous les chrétiens seraient aussi unis que le sont les protestants qui, très-probablement pour prouver leur merveilleuse unité, se sont divisés en luthériens, zwingliens, calvinistes, anglicans, presbytériens, anabaptistes, etc., etc., et en mille autres sectes, ignorées de vous peut-être, mais qui n'existent pas moins, et se multiplient chaque jour, surtout en Angleterre et dans les Etats-Unis. Toutefois, on ne saurait encore que très-imparfaitement combien peu l'unité de foi existe parmi les protestants, si on s'arrêtait à ces différences patentes, nées de cette grande diversité de sectes, ayant chacune leurs symboles, leurs principes, leurs cérémonies et leurs temples particuliers. Ceux qui sont membres de la même secte, qui vont

dans les mêmes temples, ne s'accordent pas entr'eux pour cela. Ceux qui s'occupent le plus de la Religion, les docteurs et les ministres, sont divisés sur tous les points. Les uns admettent, d'autres rejettent certaines parties de l'Ecriture sainte; les uns soutiennent qu'on doit croire tout ce qui est sorti de la bouche de Jésus-Christ et des Apôtres, les autres prétendent qu'il faut distinguer entre ce que Jésus-Christ a dit pour tous les temps et ce qu'il n'a dit que pour son siècle, et que les Apôtres n'étaient pas exempts d'erreurs et de préjugés. Les uns confessent, d'autres nient la divinité de Jésus-Christ. Les uns reconnaissent ses miracles, les autres les expliquent naturellement. Les uns disent que la foi sauve sans les œuvres, les autres que les œuvres sauvent sans la foi. Les uns croient la résurrection des corps, les autres n'admettent que l'immortalité des âmes. Les uns nous font espérer que nous retrouverons nos amis après la mort, les autres regardent cette espérance comme une chimère. Les uns enseignent des peines éternelles, les autres des peines purement temporaires et correctionnelles. Quelques-uns n'admettent pas même que nous conservions, après la mort, le souvenir de notre vie sur la terre, et croient la préexistence des âmes. Enfin, des protestants eux-mêmes sont allés jusqu'à dire qu'il est difficile de trouver deux ministres qui s'accordent sur tous les points.

Le Prot. Tout cela est vrai; mais nous n'en sommes pas moins unis par le protestantisme, par ce qui, d'après vous-même, le constitue essentiellement, par ce qui l'a fait naître, par ce que le nom même signifie, par la protestation. En effet, nous sommes encore tous d'accord pour protester contre le Catholicisme.

Le Cath. Pour cette unité-là, je suis loin de la contester. J'avoue même que c'est la plus grande unité qu'on puisse trouver; attendu qu'elle ne comprend pas seulement les protestants de toutes les dénominations, mais encore tous les juifs, tous les turcs, tous les païens et tous les athées, qui, à coup sûr, ne le cèdent à personne quant à la protestation contre le Catholicisme. Ce que je ne conçois pas, moi, c'est que s'accorder à ne pas croire tel ou tel point de doctrine puisse constituer l'unité de la foi. Je suis mieux fondé à croire, ce me semble, que c'est l'unité de la non-foi, de l'incrédulité. Pour les catholiques, leur unité est bien différente. Ils ne s'accordent pas seulement sur toutes les choses qu'ils rejettent, mais aussi sur toutes les choses qu'ils admettent. Ils sont tous d'accord, sans doute, pour rejeter le protestantisme, comme les protestants sont d'accord pour rejeter le Catholicisme; mais ils sont aussi d'accord sur tous les articles de foi qu'il faut croire, et sur tous les points de morale qu'il faut pratiquer. Il n'y a point parmi

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