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les protestants ne peuvent s'appuyer ni sur l'autorité de leur Église qu'ils déclarent pouvoir errer, ni sur l'enseignement de leurs pasteurs, dont l'opinion, en contradiction avec celle des autres, n'a jamais qu'une valeur individuelle, ni sur l'inspiration du Saint-Esprit, qui se manifesterait par des résultats uniformes en tous ceux qui prétendent le posséder, ni enfin sur leur propre jugement, car un homme de sens ne peut se flatter d'avoir, dans l'interprétation de l'Écriture, une infaillibilité qu'il refuse à son Église et à tous ceux qui diffèrent de son avis. (1)

Vous ne voulez pas d'intermédiaire qui vous unisse à la vérité? Mais la vérité, c'est ce qui est de son être propre, objectivement, réellement, et non pas sous le bon plaisir et du chef de l'arbitraire. L'instinct intellectuel dont l'homme est doué, s'applique à tout; il atteint aussi bien les êtres que les phénomènes; mais qui est-ce qui assure à l'esprit, si souvent détourné de ses fonctions par l'incessante nécessité de satisfaire aux besoins de la vie inférieure, que la parole de Dieu soit la sienne? Quel motif avez-vous de le croire? La critique historique et l'illumination, c'est-à-dire, la vue immédiate? Ne nous proposez pas de recherches historiques, car il serait trop ridicule de nous renvoyer à la tradition de peur de la religion catholique. Quant à l'illumination ou vue immédiate, on connaît les extravagances du mysticisme, ses conséquences réelles et possibles. Direz-vous que c'est la raison qui, pourvue du moyen

(1) » Quoi! écrivait Bossuet au ministre Claude, un particulier, une femme, quelque ignorante qu'elle soit, pourrait et devrait croire qu'il entend mieux le sens de l'Écriture que tous les autres chrétiens ensemble et que toutes les assemblées, fussent-elles composées de ce qu'il y a de plus saint et de plus éclairé dans l'univers! « etc.

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de connaître le vrai, le bien, le beau partout où il est, le connaît dans les Saintes-Écritures, comme elle le connaît dans la nature, dans la conscience et dans l'âme? Mais, si nous cherchons à comprendre par la raison ce que nous croyons par la foi, (1) parce que la foi est fondée en raison, en d'autres termes, parce que l'examen implique deux choses, un moyen de l'effectuer, lequel ne peut être que la raison, et un résultat qui ne peut non plus être que l'adhésion à ce que la raison a jugé vrai, (2) le christianisme n'est pas un système de philosophie, c'est-à-dire un développement de l'esprit humain. L'un des meilleurs chapitres de la philosophie moderne est celui où elle fait la part exacte à la raison et à la foi, où elle indique leur usage relatif et leurs bornes distinctes.

Direz-vous enfin que chaque lecteur peut voir le sens de la Bible? Supposons que cette hypothèse soit une certitude, la Bible ne s'explique point par elle-même. Qui l'expliquera donc? Ceux qui savent lire? Mais si, pour comprendre l'Écriture-Sainte, il suffisait de la lire, d'où viennent, en ce cas, tant d'interprétations différentes? Le oui et le non sont-ils vrais en même temps? Et si chacun de vous prétend que son interprétation soit la véritable, comment le prouverait-il? Tous les autres n'en diraient-ils pas autant? Et où serait la règle pour les accorder, en cas de conflit? Que si l'on osait soutenir qu'ils ne différassent pas entre eux sur des points essentiels, je demanderais d'après quels principes ils distinguent ce qui est ou non essentiel. Je demanderais si le baptême, la présence réelle, la divinité de Jésus

(1) » La foi est fondée sur des motifs de crédibilité et sur la grâce interne qui y détermine l'esprit immédiatement.« Nouveaux essais de Leibnitz.

(2) Voyez ma Défense de la philosophie et du christianisme.

Christ, ne sont pas des points essentiels. Je demanderais enfin ce qu'on entend par christianisme?

S'il n'y avait pas une autorité qui fixât le sens des Écritures, il y aurait autant de sectes que d'hommes. Et si ceux qui ont une raison très exercée et très développée, se jettent, en interprétant les Saintes-Écritures, dans les contradictions les plus étranges, que feront donc ceux qui savent à peine qu'ils existent, qui n'ont pas appris à réfléchir sur ce qu'ils aperçoivent, qui sont distraits par un labeur pénible et des besoins multipliés? Ne sont-ils pas appelés, comme les savants, à la participation de la vérité? La nécessité de la connaître est universelle; il faut donc que le moyen de la connaître le soit aussi.

D'ailleurs, les livres saints ont été écrits dans les langues étrangères et mortes. Voilà donc tous les hommes obligés d'apprendre le grec, le syriac, l'hébreu, c'est-à-dire réduits à ne pas croire. Direz-vous qu'il existe des traductions dans toutes les langues, et que plusieurs les lisent? Mais d'abord, que ferez-vous des natures dans lesquelles la pensée se fait à peine jour, et qui regardent comme de pures chimères tout ce qui échappe aux sens, tout ce qu'on ne peut mesurer, peser, ou qui ne relève pas du nombre? Puis, c'est reculer la difficulté sans la résoudre, car il faudra préalablement constater l'exactitude de ces versions, c'està-dire demander l'impossible. Veut-on dispenser le peuple de ce nouveau travail, et ne tenir compte que de l'intelligence de ceux qui s'appliquent aux Écritures, du moins avec ce degré d'intérêt et de zèle, qui naît de l'importance que la raison attache aux recherches, et de la foi à leurs résultats? Importe-t-il, oui ou non, que ces hommes capables soient compétents ou ne le soient

pas? Si l'on tient compte de la compétence des juges, ce n'est pas à une raison plus éclairée que vous vous soumettez, vous sacrifiez la supériorité intellectuelle à la supériorité numérique. Et si chaque protestant, sachant ce qu'il doit croire et ce qu'il croit, après s'être prosterné devant son opinion, en d'autres termes, après s'être donné lui-même pour preuve de la vérité qu'il affirme, c'est-à-dire subjectivé la vérité, prétend faire fléchir les autres devant son idole, il commet un acte de fanatisme. Veut-il imposer ses conceptions individuelles et personnelles à d'autres individus, à d'autres personnes, c'est le despotisme.

L'interprétation arbitraire est donc incomplète, en ce qu'elle fait abstraction de l'autorité; fausse, en ce qu'elle attribue à la culture la plus imparfaite un rôle qu'elle ne peut remplir. Consultez l'expérience: elle vous apprendra que les limites de l'intelligence, les travaux et l'érudition, nécessaires pour ces discussions, la brieveté de la vie, l'ignorance de la multitude, l'engourdissement d'esprit, en montrent les insurmontables obstacles. La plupart des hommes ne savent tout le reste que de la même manière qu'ils se savent eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils répètent les mêmes mots sans y joindre les mêmes idées. Or, comme la moindre méditation les fatigue, et qu'ils n'ont pas un savoir développé d'euxmêmes, quelle connaissance ont-ils du reste? Ils affirment ou ils nient, parce qu'ils sont contraints d'adopter tel ou tel jugement, n'ayant d'autres moyens de légitimer ce jugement que la nécessité où ils se sont trouvés de le porter. Et si l'interprétation individuelle était possible, qu'en suivrait-il? Qu'il n'y aurait plus de certitude, mais une autorité relative à soi-même, et par conséquent contingente. Il faut donc, en matière

de religion, partir d'un principe certain, incontestable, pour ne pas s'exposer à errer d'hypothèses en hypothèses. (1)

Dans l'interprétation facultative des Saintes-Écritures, que vous confondez avec la philosophie, c'est-àdire avec le développement nécessaire d'un besoin fondamental de la nature humaine, l'on ne trouve que le moi, la personne, la liberté, la volonté, en d'autres termes, une croyance constituée par soi-même. Aussi y a-t-il, dans le protestantisme, du XVI° siècle au XVII', du XVIIIe au XIX, de peuple à peuple, d'individus à individus, des différences manifestes, des altérations profondes. Les notions et les conceptions diffèrent à l'infini. Les statues de Luther et de Calvin restent seules debout sur des ruines.

L'histoire change cette induction en fait certain. Tous les sectaires ont appuyé leurs systèmes sur l'autorité de l'Écriture, en la détournant à des sens étrangers, (2) et en laissant tous les principes de la doctrine incertains et vagues. Une fois sorti de l'autorité de l'Église et de cette puissance de dialectique qui subjugue la conviction, on ne sait plus reconnaître aucune autorité; ce qui reste de la foi, ne sait plus à quelle forme se prendre et s'arrêter. A la place des principes, c'est-à-dire des vérités morales générales, éternelles, qui doivent être admises comme des lois pour les esprits élevés, et de ces traits lumineux qui portent une clarté subite dans la pensée, on établit des opinions, c'est-à-dire on ne croit rien effectivement. Un ver s'attache à la racine

(1) » Sola est auctoritas, quæ commovere possit. « S.-Augustinus lib. de utilit. credendi, c. 16, no 34, p. 67.

(2) » Omnes ex eisdem scripturis falsas atque fallaces opiniones suas conantur defendere (hæretici). « St-August. lib. 1 de Trinit. c. 3.

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