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Vous voyez donc bien que tout a un sens dans ce palais mystique; que les révolutions peuvent détruire la monarchie de Louis XIV, mais non l'effacer; que, tant que Versailles sera debout et qu'il y aura un homme intelligent en France, on connaitra les secrets ressorts de la royauté absolue, et qu'enfin ce monument est un grand livre où ceux qui sauront lire ses caractères pourront voir encore, dans des milliers d'années, quelle fut la constitution de la société française au dix-septième siècle. Mais ce ne sont pas seulement les murailles de Versailles qui ont une voix; l'architecture n'a formé que les os de cet énorme animal de pierre. Examinons son épiderme, fouillons ses entrailles, interrogeons ses chairs et son sang; voyons si nous trouvons rien qui soit muet ou rien qui me contredise. Parlez! Qu'avez-vous vu encore à Versailles et quelles choses y avez-vous remarquées?

LE SECOND SÉNATEUR.

J'y ai admiré de très belles peintures, choisies avec un grand goût dans les diverses écoles que l'Italie a produites. Raphaël Titien, Paul Véronèse, les Carrache, le Guide couvrent les murailles. On formerait une admirable galerie avec toutes les pages qu'on a peine à distinguer dans les encadrements de marbre et d'or où elles sont placées.

LE DOGE.

Est-ce donc l'Italie que vous cherchiez dans le palais du roi de France? Ah! ne vous enorgueillissez point tant de l'y avoir

trouvée; elle pare les salons des moindres palais; elle semble, depuis deux siècles, n'avoir plus d'autre emploi que de fournir à l'ameublement des princes de l'Europe. Les arts ont fait d'elle la vassale et non pas la reine du monde, et la gloire qu'ils donnent ne lui a été accordée qu'au prix de sa grandeur politique. Mais n'avez-vous pas regardé les peintures que l'école française a attachées aux murs de Versailles?

LE SECOND SENATEUR.

Je ne pensais pas que vous eussiez pu prendre au sérieux cette prétention des Français de fonder une école de peinture. Leur ciel n'est point fait pour leur donner l'idée de la couleur ni celle du dessin; il n'est ni assez lumineux pour exciter leur imagination ni assez sombre pour la tourmenter; il est continuellement gris, tempéré et fade. Si par hasard il nait chez eux quelques artistes, ils ne peuvent se développer que sous le feu de notre soleil. Leur Poussin aurait-il fait de si admirables compositions s'il ne s'était profondément imprégné du génie de la nature italienne? J'ai une vieille tête enfumée de Georgion que je n'échangerais pas contre toutes les magnifiques toiles qui sont tendues au plafond de Versailles.

LE DOGE.

Ainsi, lorsque vous verrez une peinture, vous n'en estimerez jamais que la couleur ou le dessin? Votre œil s'arrêtera toujours à la forme extérieure des choses et ne saura percer l'enveloppe

pour voir si elle ne renferme pas quelque idée digne de considé ration? Les plafonds et les tableaux que Louis XIV a commandés

pour son palais ne vous ont-ils vraiment rien dit du haut de leurs cadres dorés? ne vous êtes-vous pas arrêtés dans les grands appartements pour voir comment Louis XIV s'est fait peindre, dans les frises, sous le costume de tous les grands hommes de l'antiquité!

Au plafond de la salle de Vénus sont représentés les amours les plus célèbres de l'histoire; Titus y est à côté de Bérénice, Marc-Antoine à côté de Cléopâtre, Jason avec Médée, Théséc avec Ariane; mais qui n'a aussitôt deviné Louis XIV sous le masque de ces quatre héros? Plus bas on a peint Nabuchodonosor qui fait élever les jardins de Babylone par amour pour Sémiramis; c'est Auguste qui donne aux Romains le plaisir des courses de chariots, c'est Alexandre qui s'éprend de passion pour Roxane dans un festin, c'est Cyrus qui fait passer ses troupes en revue devant une princesse à laquelle il voulait plaire; mais ne voyez-vous pas que c'est là l'histoire de Louis XIV, qui a fait båtir Versailles pour mademoiselle de La Vallière, qui a fait revivre pour elle les anciens carrousels, qui a ranimé le goût des fêtes et des spectacles? Si Houasse, qui a peint ces tableaux, est un artiste médiocre, faudra-t-il que vous ne remarquiez pas l'orgueil surhumain de ce roi qui contraint les autres rois de la terre, et les plus grands, à lui prêter leurs costumes pour se travestir, et qui ne les considère plus que comme des ombres de lui-même?

La salle de Vénus est l'image de la jeunesse du roi et de l'a

mour qui en occupa les années. A mesure qu'on avance d'une salle à l'autre, on fait un progrès dans la vie du roi. La salle de Diane qui vient après celle de Vénus, offre déjà des tableaux plus mâles; c'est César qui envoie des colonies à Carthage, c'est Cyrus qui attaque un sanglier, c'est Jason qui aborde à Colchos, où il doit ravir la toison d'or, c'est Alexandre qui chasse aux lions. Si Audran et Lafosse, qui ont fait ces compositions, ne sont pas de grands peintres, faudra-t-il ne pas s'apercevoir que, sous ces illustres noms, Louis XIV a fait représenter les sentiments qui l'avaient poussé des bras de ses maitresses sur les champs de bataille?

En effet, de la salle de Diane on entre dans celle de Mars, qui marque un nouveau pas dans la vie de Louis XIV. Ici César, Marc-Antoine, Alexandre Sévère, Constantin, Cyrus et Démétrius Poliorcète, représentent le roi à la tête de ses armées. Dans la salle de Mercure les sciences et les arts sont placés sous la protection d'Alexandre, de Ptolémée et d'Auguste; mais Philippe de Champagne a bien eu soin de donner à ces grands civilisateurs le visage de Louis XIV. Dans la dernière de ces salles, qui est consacrée à Apollon, le roi ne se contente plus de marcher sur la corniche avec le costume des héros; cette fois il s'envole au ciel et prend la figure du dieu de la lumière. Ainsi son apothéose complète et termine la série des transformations de sa vie.

Les salles de Vénus, de Diane, de Mars, de Mercure et d'Apollon forment un poëme. Le salon de la Guerre, qui vient après, la Grande Galerie et le salon de la Paix en forment un autre :

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