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teur du ciel, avait certes conscience d'avoir fait plus que de fournir un adjuvant à la mémoire de ses contemporains, lorsqu'il leur disait que « connaître la vérité, c'est repenser les pensées du Créateur », et qu'il célébrait en ces termes émus la découverte de sa troisième loi «Apprenez, ô mortels, que j'ai ravi les vases d'or des Égyptiens; parvenu dans la terre promise, je les offrirai à mon Dieu, pour s'en faire un glorieux tabernacle ». Et encore: « Grâces à Vous, Maître des choses créées, pour le bonheur que Vous m'avez accordé ; j'ai enfin achevé ma tâche en y consacrant toutes les puissances de mon âme. Dans les limites de ma faiblesse, je me suis efforcé de manifester Votre gloire... J'ai proclamé devant les hommes toute la grandeur de la création et j'ai cherché à m'élever jusqu'à la vérité » (1).

Notre siècle frondeur et blasé peut sourire de ce lyrisme exubérant, mais il est bien obligé de reconnaître que, derrière ces mots enflammés, se cache une conviction profonde, que nous devons respecter sous peine de faire du grand astronome du XVII° siècle un illuminé, si ce n'est un halluciné.

Tous les maîtres de la science avaient alors foi dans les œuvres de leur génie; ils n'admettaient pas que leurs sublimes conceptions ne répondissent qu'à des apparences; ils étaient convaincus qu'elles atteignaient les véritables causes et la raison même des choses. « Vere scire, scire per causas » avait dit Bacon; Vicaire s'en est référé à Galilée, Newton et Ampère; mais il était en droit d'évoquer l'opinion de Descartes, Huygens, Leibniz, celle même de l'encyclopédiste Diderot, celles encore de Fresnel, Linné, Biot, Cauchy, Dumas, Kelvin, Cornu, de Lapparent, etc. Descartes avait proclamé qu'il possédait une certitude morale

(1) Képler, Harmonices mundi, introduction au 5o livre.

que toutes les choses de ce monde étaient telles qu'il les avait démontrées, et il ajoutait qu'il en avait une certitude « plus que morale » (1). Linné s'écriait : « Je vois Dieu » et il remerciait le Créateur de lui avoir permis de jeter un coup d'oeil dans sa chambre du conseil ».

Je ne multiplierai pas ces citations, mais voici un dernier trait, qui est significatif.

Sarrau se plaisait à raconter une anecdote qu'il tenait du P. Gratry, cet ancien polytechnicien devenu le pieux oratorien que l'on sait. Le religieux se promenait avec Cauchy dans les allées du jardin du Luxembourg et ils devisaient ensemble de la vie future et du bonheur qu'auront les élus à connaitre enfin, sans restriction et sans voile, des vérités laborieusement poursuivies au cours de leur pèlerinage terrestre. Gratry dépeignait à son illustre interlocuteur la joie ineffable qu'il éprouverait à pénétrer le secret de la nature de la lumière, objet de ses recherches et de ses constantes méditations. Mais celui-ci de se récrier et de dire, avec animation, qu'il lui était impossible de rien apprendre de plus que ce qu'il savait actuellement (2), attendu que l'intelligence ne pouvait se représenter autrement le mécanisme de la lumière qu'il ne l'avait exposé (3). Le vertueux Cauchy n'était certes pas un orgueilleux; c'était un convaincu. Un convaincu par illusion, dira-t-on : la preuve en est qu'il se trompait. Mais Hertz ne se trompait et ne s'illusionnait pas, quand il proclamait, au Congrès de Heidelberg, en 1889, que « humainement parlant, la théo

(1) Descartes, Principes de la philosophie.

(2) L'expérience de Foucault venait de mettre hors de toute discussion la théorie des ondes lumineuses, en 1850.

(3) Ce récit a été recueilli de la bouche de M. Sarrau par B. Brunhes, qui le rapporte dans sa Dégradation de l'Energie, p. 261 (Paris, Flammarion, 1909)

rie des ondes est certaine »; ni M. Langevin, demandant qu'on fasse passer les atomes au rang des principes et concluant que « l'existence des ions dans les gaz a cessé d'être une hypothèse » (1); ni M. Jean Perrin, affirmant que la réalité moléculaire possède « autant de certitude qu'en peuvent avoir les principes de la thermodynamique » (2); ni Madame Curie, prononçant ces mots significatifs : « Nous avons admis que les rayons corpusculaires des substances radio - actives. résultent de la fragmentation d'atomes; c'est là, non plus une hypothèse, mais un fait expérimentalement établi» (3). Voilà des déclarations formelles émanées de savants contemporains, dont il serait permis de faire état sans plus discuter. Mais on pourrait nous reprocher de donner à quelques paroles isolées du contexte la portée d'une protestation qui n'était peut-être point dans la pensée des maîtres auxquels nous les empruntons. Nous y reviendrons.

Ne retenons pour le moment que les professions de foi des savants du temps passé, que nous avons le droit de considérer comme l'expression de leur conviction. intime.

En rapprochant leur témoignage vibrant d'enthousiasme et d'émotion, animé d'une conviction profonde, des froides et réalistes déclarations pragmatistes, on sent l'opposition et le conflit de deux mentalités. L'une portée à la confiance, ne se méfiant pas assez de l'illusion; son antagoniste, défiante d'elle-même et de ses moyens d'action, mais sacrifiant à une critique sévère,

(1) Conférence faite à la Société Internationale des Électriciens, le 4 novembre 1905.

(2) Conférence faite en 1912, à la Société de Physique : Les preuves de la réalité moléculaire ; publiée dans les Idées modernes sur la constitution de la matière (Paris, Gauthier-Villars, 1913), p. 52.

(3) Même recueil; conférence Sur les rayonnements des corps radioactifs, p. 275.

quelquefois outrée, et ne se montrant catégorique que dans ses négations.

On serait disposé à dire que ce sont deux cultes de la science; pas n'est besoin d'un grand effort d'imagination pour se représenter leurs chapelles.

Après avoir mis en présence les formules dans lesquelles s'incarnaient les deux idées et les dogmes qui en sont l'expression, il ne sera pas sans profit pour notre étude de nous rendre compte de la manière dont les deux églises se sont fondées. Nous ferons argumenter ensuite contradictoirement entre eux leurs fidèles.

(A suivre)

A. WITZ, Correspondant de l'Institut.

La "THIENDE,, de Simon Stevin

A PROPOS D'UN EXEMPLAIRE DE L'ÉDITION ORIGINALE QUI A ÉCHAPPÉ A L'INCENDIE

DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN

I

La petite brochure, objet de ce travail, a échappé à l'incendie de la Bibliothèque de l'Université de Louvain par un pur hasard.

On fêtait, en 1914, le 300° anniversaire de la publication des tables de logarithmes de Neper. A cette occasion, le regretté P. Thirion m'avait prié de résumer en quelques pages l'oeuvre de Neper et d'en faire un article pour la REVUE, ce que j'avais accepté. Pour donner suite à ce projet, je m'étais rendu à Louvain, le 31 juillet 1914, et la Bibliothèque de l'Université m'avait prêté avec sa libéralité traditionnelle tout ce qu'elle possédait de Neper. Or, la Thiende de Stevin était reliée à la suite d'un des ouvrages du baron écossais. C'est à cette circonstance fortuite qu'elle doit d'avoir été sauvée.

La Thiende, la Disme, comme traduit Stevin, est une plaquette in-8° de 36 pages, qui parut, en 1585, dans la succursale que le grand imprimeur Christophe Plantin possédait à Leyde. Malgré sa chétive apparence, c'est ce livret » - je le baptise de ce diminutif après

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