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VARIÉTÉS

I

A PROPOS

DU LAMARCKISME DE M. LE DANTEC

Lors de la dernière assemblée générale de la Société scientifique de Bruxelles «ante bellum » en avril 1914, nous avons appelé l'attention de la troisième Section sur les généralisations trop hàtives des observations de certains naturalistes contemporains, qui, comme Hugo de Vries, admettent les variations brusques des espèces dans le germe ou l'embryon; théorie qu'lsidore Geoffroy Saint-Hilaire avait déjà très nettement formulée, il y a près d'un siècle, en discutant les idées de Lamarck et de Georges Cuvier.

Nous avons également insisté sur les curieuses applications de la loi de Mendel aux variations des caractères morphologiques de l'homme et des animaux, ainsi que sur les races dominantes et dominées, bien connues aujourd'hui des zootechniciens et des physiologistes.

Ces faits et ces lois ont remis un instant à la mode les œuvres de Lamarck, dont M. Félix Le Dantec, chargé de cours à la Sorbonne, publiait peu avant la guerre une apologie dithyrambique dans la REVUE SCIENTIFIQUE (1).

Cet article, inspiré par un esprit sectaire étroit, comme toutes les publications agressives de ce professeur d'athéisme soidisant scientifique, ne mérite pas une réfutation en règle ; mais il faut au moins y relever les contradictions, les aveux, les réticences et les conclusions tranchantes.

Constatons d'abord que l'auteur commet une erreur grossière lorsqu'il affirme que Lamarck a fait preuve d'un génie prodi

(1) 14 juin 1913, pp. 740 et seq.

gieux en inaugurant le système transformiste, en trouvant, du premier coup, les lois fondamentales de l'évolution des êtres vivants, les deux principes qui résument toute la biologie du développement des organes par l'habitude et de la transmission par l'hérédité des caractères acquis.

Cette affirmation dénote une ignorance étonnante de l'histoire des sciences et de la philosophie.

Il y a longtemps que nous avons signalé l'existence des deux principes de l'évolutionnisme dans la doctrine d'Aristote, de ses prédécesseurs et de ses continuateurs, tels que Roger Bacon, Albert le Grand et Saint Thomas (1).

Plus tard Buffon, qui ne se contentait pas d'observer et de décrire les mœurs des animaux, institua de nombreuses expériences dans son jardin zoologique du château de Montbard en Bourgogne, afin d'étudier l'hérédité, le croisement et la sélection artificielle des animaux, ce dont Lamarck et Darwin se sont évidemment inspirés (2).

Dans ses Éléments de physiologie, le philosophe Diderot a formulé très nettement les deux aphorismes de Lamarck, quand il écrivait :

« L'organisation détermine les fonctions et les besoins, et quelquefois les besoins refluent sur l'organisation et cette influence peut aller même jusqu'à produire des organes, toujours jusqu'à les transformer. »

Lamarck a paraphrasé plus ou moins habilement ces textes, parfois d'une façon puérile, notamment quand il prétendait expliquer l'allongement du cou de la girafe par l'habitude de brouter les grands mimosas.

Lamarck, affirme M. Le Dantec, n'était rien moins que chimiste, mais était par contre physicien, très supérieur aux naturalistes à courte vue qui n'aiment pas la méthode déductive.

Cette affirmation est intéressante à enregistrer en fait Lamarck n'était pas plus physicien que chimiste! Car les connais

(1) Un dogme matérialiste ou la doctrine de l'Évolution. REVUE CATHOLIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN, 1878 (tome X). L'étude de la nature dans l'antiquité. IBID. tome XIV, 1875, et au moyen âge. IBID., tome IX. 1872. Darwin et les progrès de la Zoologie. ANNALES DE LA SOCIÉTÉ SCIENTIFIQUE DE BRUXELLES, 1882

(2) La zoologie expérimentale du XIIIe siècle jusqu'au début du siècle actuel, par Gustave Loisel (Expériences de Buffon sur la sélection des races de pigeons et le croisement de diverses espèces de mammifères sauvages et domestiques). REVUE DU MOIS, tome X, juillet 1910.

sances de Lamarck en physique étaient au moins aussi rudimentaires qu'en chimie. Le caractère déductif et généralisateur de son esprit prouve uniquement qu'il s'inspirait de la philosophie. des Grees, voire même de leur métaphysique, dont M. Le Dantec fait si bon marché.

C'est en étudiant les animaux sans vertèbres et particulièrement les mollusques que, frappé de leurs variations morphologiques, Lamarck fut amené à conclure au transformisme général des ètres vivants dans la nature. Il se rangeait en cela à la suite d'Empedocle, d'Anaximandre, d'Héraclite, d'Aristote, d'Ovide, d'Epicure et de tant d'autres, qui tenaient la même doctrine.

Il y avait longtemps qu'on enseignait dans les écoles de philosophie, avant Blaise Pascal, que l'habitude est une seconde nature, que les organes se développent par l'exercice et que les races de plantes et d'animaux résultent de la fixation de caractères acquis et transmis par hérédité.

Cependant la doctrine de Lamarck ne devait pas régner sans conteste. Haeckel affirme qu'il est le plus souvent impossible d'expliquer la modification des formes par l'habitude, l'usage ou le défaut d'usage des organes dans les milieux changeants du Cosmos et il conclut à la supériorité de la doctrine de Darwin, de la sélection naturelle par la lutte pour l'existence. DuboisReymond était du même avis, quand il disait, dans un congrès des naturalistes allemands à Leipzig, qu'en nous tenant à la doctrine de la sélection naturelle qui exclut l'idée de la finalité, nous sommes comme le naufragé qui tout à l'heure se voyait perdu sans ressources et qui maintenant s'est cramponné à une planche et se laisse porter par elle sur les eaux.

Quand il n'y a pas à choisir entre la planche et le fond de l'eau, l'avantage est bien positivement du côté de la planche (1).

Le célèbre physiologiste allemand ne voyait donc pas dans la doctrine de Lamarck, qu'il connaissait parfaitement, une épave capable de porter au-dessus de l'abime la doctrine de l'évolution.

Or, voici que M. Le Dantec à son tour repousse la fameuse planche de salut de la sélection naturelle: «Après la publication du livre de Darwin, dit-il, on avait pu croire un instant que le transformisme allait s'imposer; mais les explications spécieuses du savant anglais ne pouvaient résister longtemps à la critique ». « Le succès du Darwinisme fut dangereux, car le jour où l'on aperçut l'inconsistance du système, on abandonna en bloc le

(1) Voir nos articles (1878) REVUE SCIENTIFIQUE DE BRUXELLES. Les naturalistes philosophes.

transformisme tout entier » (1). « J'ai montré aisément, ajoute M. Le Dantec (p. 743), que le fameux principe (?) de la sélection naturelle n'est qu'une vérité de La Palisse, une forme de langage commode pour raconter les faits, et ne fournit qu'une apparence d'explication.» Mais s'il faut donc en revenir à Lamarck, il importe, pour l'honneur de la science moderne, de présenter sa doctrine comme entièrement dégagée de tout mélange de créationnisme. C'est à quoi s'applique M. Le Dantec. Suivant lui, le transformisme de Lamarck rompait nettement avec le dogme de la création biblique, malgré toutes les précautions oratoires dont s'enveloppait sa brutale sincérité » (2). Or, que pensait de cela Lamarck lui-même, suivant son dernier éditeur, M. Landrieu, lequel, toujours d'après M. Le Dantec, a réuni ses œuvres avec une piété vraiment filiale et scrupuleuse ? Voici : « Dans l'introduction de l'histoire naturelle des animaux sans vertèbres, il prélude au grand mouvement moniste contemporain, mais il n'en reste pas moins un déiste indiscutable, quoique peu orthodoxe, qui le classe cependant parmi les dualistes. »

On a beau ajouter après coup que ce ne sont là que des concessions plus de forme que de fond »; tous ceux qui ont connu Lamarck au Muséum d'histoire naturelle ne doutaient pas de sa sincérité. Du reste, comment douter, quand nous trouvons sous la plume de Lamarck des affirmations comme celles-ci : « On a pensé que la Nature était Dieu mème. Chose étrange, on a confondu l'horloge avec l'horloger, l'ouvrage avec son auteur ». — «Rien n'existe que par la volonté du sublime auteur de toutes choses» (3).

M. Le Dantec continue : « Aggravant l'erreur darwinienne, des naturalistes célèbres ont récemment affirmé que les transformations d'espèces ne pouvaient avoir d'autres causes que les variations brusques qui font quelquefois apparaitre, par hasard, des différences très marquées entre deux individus issus du mème couple. Ainsi se trouvait rejetée l'explication lamarckienne de l'évolution par adaptations progressives. Ce système caduc jouit en ce moment d'une vogue incontestée, comme tout ce qui peut aider au renouveau du mysticisme en sapant l'édifice de Lamarck » (4).

Voici de nouveau le bout de l'oreille qui perce et qu'on laisse percer d'une façon bien maladroite, car les théories philosophi

(!) Revue scieNTIFIQUE, 14 juin 1913, p. 741.

(2) IBID.

(3) Histoire des animaux sans vertèbres.

(4) Loc. cit., p. 745.

ques n'ont rien à voir avec la théorie des modifications brusques, qu'on a d'ailleurs bien soin d'attribuer au hasard. L'apologiste de Lamarck n'en affirme pas moins que, pour la majorité compacte formée de gens médiocres, le mysticisme, le spiritualisme et le créationnisme sont des aliments plus faciles à digérer que le système lamarckien, qui domine la Biologie et qui est une science synthétique réservée à une élite.

D'où vient donc cette démangeaison de mêler les doctrines religieuses et philosophiques à des questions d'ordre purement scientifique? On cherche vraiment à accaparer la « Science moderne » au profit des thèses matérialistes et antireligieuses.

Depuis quelques années nous avons vu se répandre en Belgique, dans les milieux universitaires et populaires, sous le couvert d'institutions scientifiques, ce dogmatisme antireligieux.

Rappelons à ce sujet les discours prononcés à la Maison du Peuple par MM. Solvay et Anatole France, ainsi que par M. Le Dantec lui-même, à l'Université libre de Bruxelles.

La REVUE SCIENTIFIQUE, en rendant compte en 1913 de la manifestation Solvay, a reproduit un extrait du discours de l'honorable sénateur qui se fait, avec candeur, l'écho de ces théories prétentieuses, qui n'ont rien de commun avec les données positives et les glorieuses découvertes de la science moderne.

« Oui, s'écriait M. Solvay à la Maison du Peuple, oui, nous purifierons demain toutes nos sciences, en refoulant pour jamais les derniers restes occultes.

Oui, la matière et l'énergie nous apparaîtront bientôt dans leur toute simple et définitive réalité.

Qui, nous dévoilerons la constitution exacte de l'espace éthéré et le mécanisme précis de la genèse stellaire.

Oui, le roi des êtres vivants, infimes et grands, connaîtra la place qu'il occupe, avec ses inférieurs, au sein du Tout, du Tout qu'il connaîtra également.

Il créera l'être vivant rudimentaire et définira la pensée dans leur naïve simplicité. (!!?)

Il établira et suivra les formules de l'évolution nécessaire de ses groupements sociaux, dont il préviendra les grands heurts chaotiques.

Enfin il saura, il verra, il comprendra, il formulera; et il appliquera.

Et le jour approche rapidement où la Loi totale qui régira tout, radieuse, mais implacable, satisfera le Total idéal humain en le détruisant (1)! »

(1) REVUE SCIENTIFIQUE, 25 octobre 1913, p. 533.

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