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Ceci est vrai. Mais il est non moins vrai (et c'est l'idée de M. Boule) que pour admettre de semblables combinaisons de formes, il faut que nous y soyons forcés. Or, ce n'est pas le cas, ici. Provisoirement donc, pour ceux-là du moins qui ne peuvent travailler efficacement à défendre l'unité de l'Eoanthropus par des recherches et des observations précises, l'attitude raisonnable est de faire primer la vraisemblance morphologique intrinsèque sur la vraisemblance extrinsèque des conditions de gisement.

Sans oublier la possibilité, ou même une certaine probabilité, de l'hypothèse contraire, nous devons raisonner jusqu'à nouvel ordre comme si le crane de Piltdown et la mandibule appartenaient à deux sujets différents.

Dans cette hypothèse minimiste, mais très sûre, que reste-t-il des découvertes de Piltdown?

Deux faits qui sont importants. D'abord au Pleistocène (ou du moins au Pliocène, si la mandibule est un fossile remanié) nous voyons qu'il y avait des Chimpanzés en Europe occidentale; pour les Paléontologistes, c'est une constatation inattendue et intéressante. Mais surtout il est désormais prouvé qu'à cette même époque il existait, déjà constituée dans notre ligne humaine actuelle, une race d'Hommes, très différents de ceux qui devaient être l'Homme de Néanderthal, et très différents aussi probablement de ceux qui étaient alors l'Homme de Mauer. Grâce à la découverte de M. Dawson, la race humaine nous apparait encore plus distinctement, dans ces temps reculés, comme formée de faisceaux fortement différenciés et déjà éloignés de leur point de divergence. Pour quiconque a une idée des réalités paléontologiques, cette lueur, si ténue qu'elle paraisse, éclaire de bien grandes profondeurs.

Une conclusion, d'un tout autre ordre, peut être avantageusement tirée de l'histoire de l'Homme de Piltdown. Certaines gens regardent encore l'Anthropologie comme un domaine où il est loisible à chacun de dire ce qu'il veut, pourvu que soient illustrées les idées d'un certain transformisme en cours. La critique serrée qui a accueilli l'Eoanthropus Dawsoni sera, j'espère, pour ces esprits soupçonneux. une preuve que la Paléontologie humaine est aujourd'hui une véritable science, où s'exerce un contrôle. immédiat et sans merci. Si donc, sur un certain nombre de points, les Paléontologistes se déclarent actuellement d'accord, c'est, on doit en être sûr, qu'ils se jugent loyalement et invinciblement en face de la vérité.

P. TEILHARD DE CHARDIN.

III

L'organisation scientifique du travail en Agriculture

UNE EXPÉRIENCE FAITE, UN ESSAI A TENTER

Les principes d'organisation scientifique du travail ne sont pas nouveaux et ont déjà reçu de nombreuses applications dans l'industrie.

En agriculture cependant, à notre connaissance, ces méthodes modernes d'organisation n'ont guère été appliquées, si ce n'est à une exploitation de culture de canne à sucre, aux iles Philippines.

C'est ce qui rend d'autant plus intéressante la tentative qu'ont faite en 1917 des officiers de l'armée belge pour appliquer ces principes, dans la mesure des moyens dont ils disposaient, à la culture des pommes de terre et des légumes.

Comme le but pratique d'une organisation bien comprise du travail est de rendre celui-ci plus productif et plus rémunérateur pour une même dépense d'énergie, sinon pour une dépense moindre, on saisit le grand intérêt que présente par ces temps de crise l'éventualité de réaliser dans le domaine de l'agriculture les transformations efficaces obtenues dans celui de l'industrie. Dans cet ordre d'idées, l'essai fait en France au potager militaire de Criel-sur-Mer (département de la Seine-inférieure), au centre d'instruction des mitrailleurs belges, a donné d'encourageants résultats, malgré sa trop courte durée et en dépit de son caractère rudimentaire.

En voici l'origine.

Au début de 1917, Monsieur de Broqueville, alors Ministre de la guerre, s'était inquiété des difficultés du ravitaillement, en légumes frais et en pommes de terre, des troupes campées en France. Il avait donc prescrit aux centres d'instruction de créer des jardins potagers et de mettre en culture les terrains vacants au voisinage des camps.

Déjà existait à Criel un potager créé de toutes pièces par l'initiative du centre de remonte des mitrailleurs que commandait le lieutenant Schmit. Ce potager avait donné des résultats extrè

mement intéressants et avait permis de réaliser une économie de près de 4000 francs pour la nourriture des hommes du camp.

Le problème qui se posait était d'étendre à de plus vastes surfaces l'effort amorcé dans cet embryon de culture. Il fallait pour cela trouver des terrains, des outils, des travailleurs, des chevaux, de l'argent. Le temps lui-même faisait défaut, car on était arrivé à la fin de février. Il fallait donc se mettre à l'oeuvre immédiatement.

Comme terrains, on disposait des plaines incultes où avaient été installés les polygones de tir à longue distance. Un propriétaire de la région offrit quelques parcelles abandonnées: au total on eut ainsi 52 hectares.

Les instruments furent empruntés aux cultivateurs des environs; ils étaient variés, fortement usagés, partiellement hors de service.

Les travailleurs et les chevaux furent pris dans le centre de remonte. Les hommes étaient de toutes professions; les chevaux n'étaient pas dressés à l'attelage.

Restait la question importante de la première mise de fonds. En attendant une avance du département de la guerre, des ressources immédiates furent obtenues en exploitant le jardin du cantonnement, transformé en pépinière de plantes potagères. On comprendra par ces détails de quelles difficultés furent semés les débuts.

Et cependant, quinze jours après l'arrivée des ordres du Ministre, une charrue simple ouvrait le premier sillon. Trois semaines plus tard, les 42 hectares des polygones étaient plantés de pommes de terre et les 10 hectares du plateau d'Yauville. transformés en un potager monstre, percé d'avenues comme un parc et dont l'aspect allait émerveiller les passants et attirer les

curieux.

Toutes ces cultures avaient été créées dans des terrains en friche, infestés de chiendent, semés de cailloux et très peu estimés de la population indigène, qui prédisait d'ailleurs l'échec complet de l'entreprise.

Malgré ces conditions défavorables, la récolte fut des plus satisfaisantes. Elle s'éleva à plus de 600 000 kilos de pommes de terre, soit une moyenne de 15000 kilos par hectare et environ 100 000 kilos de légumes de toute espèce: choux blancs, choux verts, choux de Bruxelles, radis, laitues, oseille, épinards, oignons, carottes et navets.

Le bilan se clôtura par un excédent de 36 482 francs. Le salaire des travailleurs était, signalons-le, de 10 centimes par

heure; par contre la production était cédée au département de la guerre au prix uniforme de 10 centimes le kilogramme.

L'entreprise ne fut pas une formule complète et définitive. d'organisation scientifique du travail agricole; par le fait des circonstances elle resta fort imparfaite et présenta bien des lacunes. Toutefois, telle qu'elle a été réalisée, elle mérite de retenir l'attention.

On débutait en mars, les études préparatoires manquaient, la saison était avancée; il fallait improviser et agir vite. De plus, les efforts faits en vue d'organiser rationnellement le travail rencontrèrent les difficultés inhérentes à toute innovation. Parce qu'ils sortaient de la tradition et, disons le mot, de la routine, ils furent considérés par la majorité comme des aberrations, et la liberté d'action du directeur fut, de par ce fait, souvent contrariée. Enfin, l'essai ne put être prolongé suffisamment, car après dix mois d'activité on dut l'interrompre. Néanmoins, si court qu'il ait été, il a démontré aux esprits soucieux de progrès que ses principes étaient des germes féconds et non des formules stériles.

Le premier organisme créé fut le bureau de direction. Il comprenait, outre le lieutenant Schmit, qui dirigeait toute l'entreprise, un dessinateur, un comptable, un dactylographe et deux contremaîtres.

Le dessinateur, architecte de profession, fut aussitôt chargé de procéder au lever des terrains et d'en dresser les plans, que l'on établit en trois exemplaires. Le premier indiquait les parties ensemencées et la nature des ensemencements. Le deuxième, les parcelles où les plantes apparaissaient et dans quelles conditions elles s'annonçaient. Le troisième, enfin, montrait les phases successives de la récolte. Ces plans ornaient la salle de réunion et permettaient de saisir d'un coup d'œil l'état de l'exploitation. Outre ces travaux, le dessinateur établissait des croquis journaliers de tâche.

Le travail effectif commença par la mise en train de la grande culture. D'après l'estimation faite par les habitants de la région et par le contremaître, la préparation du sol demandait 23 jours au minimum. Cette donnée fut vérifiée comme suit :

On plaça sur le terrain, de 100 mètres en 100 mètres, des piquets blanchis, qui furent plantés à partir de cinq mètres de l'origine du sillon. On avait remarqué, en effet, que les chevaux n'étaient en pleine action qu'après trois foulées, c'est-à-dire après cinq mètres. Il fut dès lors facile de chronométrer le temps nécessaire au tracé hectométrique du sillon.

Ces chronométrages, examinés au bureau de direction, montrèrent que les évaluations des cultivateurs étaient sensiblement exactes, et aussi qu'il était impossible d'achever le labour entier dans les délais fixés par la saison. Il fallait done, ou réduire la surface à exploiter, ou gagner du temps en perfectionnant les procédés. Ce fut la seconde alternative que l'on adopta.

Un nouvel examen des chronométrages permit de relever de nombreuses pertes de temps. Elles provenaient du fonctionnement défectueux des instruments, de leur mauvais état d'entretien, de leur variété, de la composition des attelages, du genre de harnais, de la fatigue des conducteurs et des chevaux. Les instruments étaient vieux le directeur organisa de petites réparations sur place; il fixa la manière dont ils seraient mis au point par les contremaîtres et entretenus par les ouvriers.

Les attelages furent composés de façon à donner un rendement uniforme. Contrairement aux idées courantes, on pratiqua la traction à la bricole, qui se montra supérieure à la traction au collier. Les tournants et passages difficiles furent confiés à des ouvriers habiles. On aboutit ainsi à déterminer exactement le temps nécessaire à chaque genre de travail.

Dès lors, l'organisation et l'harmonisation furent aisées et on put voir travailler simultanément six charrues à trois chevaux, quatre herses, deux scarificateurs et deux râteaux.

Les observations indiquèrent également quelle devait être la division de la journée. Outre le repos de midi, on suspendait le travail pendant quinze minutes, toutes les deux heures. Les travailleurs s'étendaient à l'ombre d'une tente spécialement montée pour eux, et les chevaux, abreuvés, étaient mis en liberté dans un enclos de fortune.

Malgré les tâtonnements inévitables, grâce à ce système, le travail de labour fut terminé en 17 jours, soit un gain de 26 % sur le temps primitivement envisagé.

On passa ensuite à l'épandage de l'engrais chimique. Le fournisseur conseillait de le semer dans le sillon et de le recouvrir d'une mince couche de terre avant de placer la semence.

Le premier jour, les procédés courants furent employés et le rendement évalué. Deux semeurs, portant l'engrais dans un tablier, le déposaient par poignée dans le sillon; deux bineurs les suivaient et amenaient la couverture de terre. L'équipe atteignit difficilement la tàche d'un demi-hectare qui lui avait été imposée.

L'observation démontra qu'il fallait d'abord améliorer les conditions de travail du semeur. Au lieu du tablier fatigant et

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