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l'enjeu est l'honneur d'un grand homme, avec le souci d'apprécier les charges qui pèsent sur l'accusé. C'est de cet effort qu'est fait cet article. Il n'a pas la prétention d'apporter à l'attaque ou à la défense un secours dont elles n'ont que faire. Son but est de raconter les faits, d'analyser les pièces du procès et d'aider le lecteur à se former lui-même une opinion en lui épargnant le travail de classement et de contrôle que nous nous sommes imposé pour asseoir la nôtre. » Ce programme est rempli avec une conscience scrupuleuse, et l'exposé est un modèle de clarté. Ajoutons que le ton est d'un calme parfait, et aussi respectueux que possible envers l'illustre «< prévenu », ce qui était un mérite aussi, dans une atmosphère déjà un peu échauffée par

moments.

Quant au fond de la cause, le P. Thirion exonère Pascal de la plus grave des accusations portées contre lui, celle de s'être attribué frauduleusement, au détriment d'Auzoult, l'expérience du vide dans le vide. Mais il croit devoir concéder à M. Mathieu que Pascal a cherché par des moyens équivoques - et notamment en introduisant dans sa lettre à Périer, datée du 15 novembre 1647, le récit de cette expérience du vide dans le vide qu'il n'a pu imaginer et réaliser, selon toute vraisemblance, que l'année suivante « à grossir la part qui lui revient dans la preuve de la pression atmosphérique et de l'élasticité propre de l'air, et à amoindrir celle d'autrui ». La susceptibilité bien connue du grand écrivain, son orgueil maladif, l'apre jalousie avec laquelle il avait coutume de défendre ce qu'il considérait comme ses droits, et d'autre part sa santé chancelante, avec les contrecoups qu'elle avait sur sa volonté et son jugement; en un mot, pour parler comme M. E. Havet, « sa personnalité instable » ne permettent certes pas d'écarter a priori la flétrissure qui menace sa mémoire.

Après avoir résumé les arguments des deux parties,

le P. Thirion insiste sur deux d'entre eux avec une ampleur qui leur donne un poids nouveau. Le premier se tire de la disposition typographique du Récit. 11 présente des remaniements suspects qui ne trouvent leur explication que dans l'hypothèse du manque de sincérité de son auteur. L'autre, le principal, argue du fait que la force élastique des gaz était ignorée de Pascal en 1647, comme de tous ses contemporains, et que, dès lors, le principe aussi bien que l'exécution de l'expérience du vide dans le vide ne se conçoivent pas avant l'année 1648. C'est un point de vue nouveau pour les littérateurs qui jusqu'à ce moment avaient seuls mené la discussion.

Tous n'en ont pas immédiatement saisi l'importance. L'introduction écrite pour l'édition complète des Euvres de Pascal par M. L. Brunschvicg récapitule tout le débat et conclut en innocentant complètement Pascal. Parmi les nombreux documents insérés dans cette édition pour éclaircir tout ce qui touche à la vie et aux travaux du grand écrivain, on trouve quantité de pièces nouvelles, quelques-unes fort intéressantes. Telle la Narratio secunda de Roberval. C'est une lettre inédite d'où il résulte que l'expérience du vide dans le vide a été réalisée par ce savant au printemps de 1648, et expliquée correctement par la pression élastique de l'air. Extrêmement précieux pour l'histoire des sciences, ce manuscrit, s'il n'établit pas d'une manière décisive la priorité de Roberval sur Mariotte et Boyle quant à l'énoncé quantitatif de la loi des pressions des gaz, avance en tout cas considérablement l'époque où son contenu qualitatif a commencé d'être connu. Malheureusement, il est loin de confondre les accusateurs de Pascal Roberval n'y fait aucune allusion à l'expérience que Pascal aurait réalisée dès 1647, et, tout au contraire, revendique comme siennes les idées et les expériences nouvelles dont il fait part. M. Brunschvicg semble croire toutes les difficultés aplanies en remar

quant négligemment que « Roberval retrouve ainsi les résultats que Pascal avait montrés à Périer vers la fin d'octobre ou le commencement de novembre 1647 ». C'est postuler l'objet même du débat, comme le remarque le P. Thirion; car il résulte de l'examen de toutes les circonstances connues et notamment des textes mêmes de Pascal, qu'en 1647 il n'avait aucune idée de la pression des gaz. Sa préoccupation unique était de démontrer contre les péripatéticiens que le vide était possible. « Comment la doctrine et les expériences de Roberval ont-elles passé dans la lettre à Périer? » Tant que cette question primordiale n'aura pas reçu de réponse, le soupçon infamant pèsera sur la mémoire de Pascal.

Les arguments qui appuient l'hypothèse du remaniement du Récit, surtout ceux qui font état des manipulations manifestes qu'il a subies, ne sont pas pris plus au sérieux par M. Brunschvicg. Le P. Thirion n'a pas de peine à montrer qu'ils gardent toute leur force.

Si donc la discussion reste sans conclusion sur le chef d'accusation principal, une tache n'en demeure pas moins sur le caractère moral d'un grand homme. En tout cas, la preuve définitive de sa droiture devra s'appuyer sur autre chose que sur ses propres affirmations. Comme le dit encore M. L. Havet, « pratiquement il reste acquis qu'en 1651 dans la lettre à de Ribeyre comme en 1647... dans la lettre à Périer,... la parole de Blaise Pascal ne compte pas ».

Est-il besoin d'ajouter que, bien que le P. Thirion se défende dans le passage de l'introduction cité plus haut de vouloir apporter à l'attaque ou à la défense un secours dont elles n'ont que faire, il arrive, par la force des choses, que dans une question où la critique interne des textes scientifiques joue un rôle de premier plan, sa compétence est indiscutablement au-dessus de celle de ses contradicteurs et lui assure une autorité exceptionnelle? A l'avenir, aucun travail sérieux sur

les droits de priorité de Pascal dans la démonstration de la pression atmosphérique ne pourra ignorer ses arguments.

Mais il est temps d'arrêter cette analyse. Nous donnons en appendice la liste aussi complète que possible des principaux travaux du P. Thirion. On remarquera qu'à part ses premiers essais et les Leçons d'arithmetique avec le Résumé et les Problèmes, ils ont tous été publiés dans la REVUE DES QUESTIONS SCIENTIFIQUES OU dans les ANNALES de la Société scientifique. A partir du jour où le fardeau du Secrétariat lui fut imposé, ce fut, en effet, sa préoccupation ininterrompue de travailler de toutes ses forces à l'oeuvre dont l'administration lui était confiée.

On se tromperait singulièrement d'ailleurs, en se figurant que sa collaboration s'arrêtât là. Tout d'abord, il est l'auteur d'un nombre considérable de Bulletins d'Astronomie ou de Physique, ou d'articles de variétés, d'une foule de comptes rendus bibliographiques, et de la plupart des articles parus en tête des livraisons de la REVUE depuis 1896 sous la signature de La Rédaction en diverses circonstances solennelles, telles que fêtes jubilaires, hommages publics, remises de distinctions. honorifiques, etc. A l'occasion des vingt-cinq premières années d'existence de la Société scientifique, il publia les Tables complètes de nos deux collections, la REVUE et les ANNALES. Tout cet ensemble, joint aux articles proprement dits, équivaut à une demi-douzaine au moins des volumes semestriels de la REVUE. Et que de fois n'a-t-il pas, sous le couvert plus ou moins transparent de l'anonyme ou du pseudonyme, comblé des lacunes ou suppléé à des défaillances! Les initiales N. N., par exemple, lettres terminales de ses nom et prénom, ont servi en bien des cas à cette œuvre de dévouement modeste. Que de fois aussi n'est-il pas discrètement venu en aide à des collaborateurs de bonne volonté, tout pleins

d'excellentes idées, mais peu experts dans l'art de les faire valoir! Que de temps surtout, que de travail obscur et d'humble patience représente la tâche fastidieuse de l'administration matérielle des publications de la Société scientifique! Que de correspondances, que de démarches personnelles pour s'assurer les concours indispensables et les avoir à sa disposition au temps voulu! Que d'efforts aussi pour recruter de nouveaux membres! Et ce zèle, n'omettons pas de le dire, ne resta point sans fruit. Son passage au Secrétariat fut signalé par un relèvement sensible du nombre de nos membres et de nos abonnés.

Sous le poids de cette besogne toujours renaissante, qui l'absorbait de plus en plus, sous le coup aussi des révoltes d'une santé chancelante contre une hygiène réglée beaucoup moins sur les axiomes de la Faculté que sur les besoins impérieux de la corvée quotidienne, il avait finalement renoncé à l'enseignement qu'il aimait, et ne vivait plus que pour la Société scientifique. Plus d'une fois, depuis lors, son état avait inquiété ses amis. La guerre lui porta un coup terrible. A partir de 1914, il ne fit vraiment plus que décliner. L'impossibilité de continuer les publications de la Société acheva de le désorienter en le jetant hors de toutes ses habitudes. En vain essaya-t-il de préparer des matériaux pour la renaissance de la REVUE après la tourmente. Sa veine était tarie et son ressort brisé. En janvier 1918, l'abattement de ses forces annonça manifestement une fin prochaine. Il reçut avec une foi profonde les derniers sacrements, et le 23 février il expirait.

Le R. P. Thirion fut un travailleur infatigable, et un travailleur d'une haute conscience. Comme professeur, comme Secrétaire de la Société scientifique, ses préoccupations allaient avant tout à son devoir professionnel. Les travaux auxquels l'inclinaient ses goûts personnels ne venaient qu'en seconde ligne et restaient III SÉRIE. T. XXVII.

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