Sayfadaki görseller
PDF
ePub

cises et inéluctables, ne sont pas immuables; qu'aucune construction de l'Espace n'échappe au pouvoir du Temps; que le Temps aura raison de tous les systèmes ; qu'il verra l'évolution, puis la destruction de tous les mondes, jusqu'au jour fatidique où il sera lui-même congédié, comme un serviteur désormais inutile.

L'abondance des énigmes est un des charmes de la Géologie, une des raisons de l'attrait incontestable qu'elle exerce sur les jeunes esprits. Parmi ces énigmes, il en est qui, de toute évidence, ne seront jamais résolues, sphinx dont le front et les yeux se cachent dans la brume, à une hauteur inaccessible. D'autres sont moins hautaines, moins fermées, plus accueillantes, presque humaines; on peut espérer les résoudre, tôt ou tard; tout au moins est-il possible d'en approcher, d'explorer et d'éclairer leurs abords: et rien n'est plus passionnant que d'affronter ainsi de difficiles problèmes, qui ne paraissent pas nécessairement insolubles et dont la solution se dérobe toujours au moment où nous croyons la saisir. Telles sont, par exemple, l'énigme des Plissements de la surface, l'énigme du Feu ou des Volcans, l'énigme du Sel, l'énigme des Effondrements, l'énigme du Métamorphisme. Et voici, tout à côté, deux énigmes bien autrement redoutables, deux sphinx au visage de ténèbres, l'énigme de la Vie et l'énigme de la Durée. Voulez-vous que nous fassions le tour de ces sept monstres? J'aurais pu facilement vous en présenter davantage, car notre cheptel est une multitude. Mais la contemplation des sept que j'ai choisis suffira certainement pour vous donner une haute idée des problèmes au milieu desquels nous vivons, nous, les géologues; et peut-être, si je ne suis point inférieur à mon rôle, laissera-t-elle en vous quelque impression.

Commençons, si vous le voulez bien, par l'énigme des Plissements de la surface. C'est un fait, connu de

tout le monde, que le visage de la Terre se déforme continuellement. Le changement est imperceptible, pour nous, d'un jour au jour suivant, d'une année à l'année suivante; il est réel pourtant, et, pendant que je vous parle, la face terrestre se modifie. D'une période géologique à une autre, ses divers traits se sont transformés, parfois totalement. Un homme qui aurait vécu pendant l'ère primaire, ou pendant l'ère secondaire, et qui, après un sommeil fabuleusement prolongé, se réveillerait maintenant et regarderait la planète, ne reconnaitrait plus rien de son ancienne géographie: les mers sont différentes et aussi les montagnes. Cette incessante déformation procède de quatre causes : l'érosion, qui use les reliefs; la sédimentation, qui comble les creux; les mouvements verticaux, qui soulèvent momentanément un continent ou un fond de mer, et qui, par contre, au même instant, abaissent les régions voisines; enfin, les plissements, qui sont la manifestation extérieure des déplacements horizontaux ou tangentiels. Des quatre causes que je viens d'énumérer, deux seulement, les deux dernières, sont énigmatiques. Nous constatons leurs effets; mais nous ignorons et la raison de leur existence et la vitesse, assurément variable, de leur action. Pourquoi cette portion de la surface s'abaisse-t-elle, et pourquoi cette autre portion s'élève-t-elle ? Pourquoi se forme-t-il, ici, tout un système de plis parallèles, comme si un fuseau du sphéroïde s'écrasait par le rapprochement de ses deux bords? Ces mouvements ont-ils été lents ou rapides, par rapport à la durée énorme des intervalles de temps qu'on appelle les périodes géologiques? Questions auxquelles nous ne pouvons pas répondre.

L'importance de la quatrième cause saute aux yeux. Les déplacements horizontaux, ou tangentiels, de la surface sont le trait le plus caractéristique de la déformation terrestre. Chacune de nos chaines de montagnes

est un faisceau de plis, à peu près parallèles, faisceau rectiligne sur de longs parcours et devenant, çà et là, sinueux, comme s'il se moulait sur le bord accidenté d'un obstacle résistant; dans chacune d'elles, le nombre des plis est énorme; beaucoup de ces plis sont déversés, et presque tous dans le même sens; le déversement va souvent jusqu'à les coucher les uns sur les autres, et l'on constate alors que certains de ces plis couchés ont cheminé sur leur substratum de plis, en se laminant, en s'étirant, en diminuant d'épaisseur, parfois en se tronçonnant; ailleurs, tout un paquet d'assises ou de roches apparait, venu de loin, posé sur le système plissé, sans que l'on puisse dire si ce paquet est un fragment de pli couché, ou un morceau transporté en surface, par simple translation et sans plissement préalable, du bord de la région soumise au resserrement et à l'écrasement; ailleurs encore, on croit voir un coin gigantesque, formé d'autres roches et d'autres assises, venu de loin lui aussi, mais souterrainement, et parce qu'il a été chassé violemment entre deux zones superposées de l'empilement des plis et des nappes. On peut, dans certains cas, évaluer l'amplitude du déplacement horizontal qui se traduit. par ces divers phénomènes : elle dépasse souvent cent kilomètres; elle peut aller à plus de deux cents kilomètres. Ni le processus des déplacements, ni leur amplitude, ne paraissent avoir sensiblement changé au cours des âges: les très vieilles chaînes de montagnes, aujourd'hui presque entièrement ruinées et dont nous exhumons péniblement la lointaine histoire, sont faites comme l'Himalaya, les Alpes, les Montagnes Rocheuses et les Andes; on y trouve les mêmes phénomènes de plis couchés et de charriages, et les transports de plis et de nappes n'y ont été, dans leur ensemble, ni plus grands, ni moindres. Il est donc bien vrai de dire que la surface terrestre se déforme en se plissant ou en se ridant.

Chose étrange: il n'en est pas de même de la surface lunaire. Et pourtant l'on ne peut pas douter que la Lune ne soit sortie de la Terre; ou que la Lune et la Terre ne soient toutes deux sorties d'une même nébuleuse originelle. La Lune ne manifeste, sur la portion de son visage que nous connaissons, aucune tendance au ridement vraiment caractérisée. Il n'y a, sur notre satellite, aucune chaine de montagnes véritable. Les inégalités de relief que l'on y observe sont ou bien des traces d'une ancienne division polygonale, qui semble usée et à demi effacée; ou bien de grandes fractures rectilignes; ou enfin des cratères, ronds ou ovales, qui paraissent être les cicatrices laissées par d'énormes bulles gazeuses crevant à la

surface.

On a d'abord dit : la Terre est formée d'une mince écorce solide, enveloppant un noyau liquide et soutenue par ce noyau. La chaleur du noyau se transmet à travers l'écorce et se dissipe dans l'espace. Le noyau se contracte et devient trop petit pour l'écorce, qui se plisse et se ride, dès lors, afin de maintenir le contact avec son support liquide. Aujourd'hui, étant donné ce que nous savons, par l'observation des séismes, sur l'élasticité du noyau terrestre, il faut parler un peu différemment. L'intérieur de la Terre est un gaz lourd, possédant une rigidité analogue à celle de l'acier; et la région liquide, la région fondue, ne peut être qu'une zone peu épaisse, dite pyrosphère, comprise entre l'écorce solide, ou lithosphère, et la barysphère gazeuse. Toujours est-il que la base de la lithosphère, correspondant à un changement d'état, doit être à une température à peu près constante. Sa surface extérieure, chauffée par le soleil, est également à une température presque invariable. Il y a donc transmission, à travers la lithosphère, de la chaleur interne, comme, à travers la tôle d'une chaudière, il y a

transmission à l'eau de la chaleur du foyer: de sorte que la conclusion persiste et que l'on peut, sans absurdité, attribuer à la contraction de la barysphère et de la pyrosphère le ridement et le plissement de l'écorce. Mais pourquoi, sur la Lune, n'observe-t-on rien de semblable? et pourquoi, même, y observe-t-on des phénomènes que l'on peut appeler contraires, des phénomènes qui suggèrent l'idée d'une écorce devenue. trop petite pour son noyau et éclatant comme la peau d'un fruit mûr?

Cette difficulté est un argument valable en faveur d'une autre théorie du plissement terrestre, la théorie isostatique. L'usure des reliefs continentaux par l'érosion, et le comblement graduel, par la sédimentation, des dépressions maritimes, ne peuvent pas se prolonger beaucoup sans détruire l'équilibre du globe terrestre, équilibre réalisé par une certaine distribution des matériaux denses et des matériaux légers dans la lithosphère. Périodiquement, donc, la lithosphère, suffisamment plastique dans son ensemble, se déformera d'elle-même pour chercher une nouvelle position d'équilibre. Cela se fera, presque toujours, par la formation d'une sorte de vague tendant à rejeter, sur un continent, les matériaux qui se sont accumulés dans la mer voisine parallèlement au rivage. Cette vague, c'est un faisceau de plis. Les chaînes de montagnes naîtront ainsi des grandes fosses de sédimentation et s'en iront déferler sur le bord continental de ces fosses. Rien de semblable ne peut, naturellement, apparaître sur la Lune, puisqu'il n'y a, sur notre satellite, ni eau, ni air, ni érosion, ni sédimentation.

Mais dès que l'on veut entrer dans le détail, la théorie de l'isostasie s'encombre d'inconnues et par conséquent d'hypothèses. A vrai dire, nous ne savons pas pourquoi la surface terrestre s'est ridée, dans les

« ÖncekiDevam »