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est un minimum. Depuis la découverte des corps radioactifs, une nouvelle méthode de calcul a surgi, en effet, dont les résultats, assez concordants dans leur ensemble, conduisent à allonger beaucoup les périodes, jusqu'à attribuer à quelques-unes d'entre elles cent millions d'années; mais la méthode repose tout entière sur un postulatum invérifiable, qui est la constance absolue de la vitesse de désintégration de l'atome instable; de plus, les causes d'erreur, dans de tels calculs, sont nombreuses.

Je rappellerai le principe. Les corps radioactifs. forment deux séries aboutissant l'une et l'autre au plomb, l'une partant de l'uranium, l'autre du thorium. Dans chaque série, rien n'est stable, sauf le plomb, aboutissement final: tous les autres atomes se désintègrent, en dégageant de l'hélium, et tendent à passer à l'atome suivant. L'atome radium est un des stades intermédiaires de la série uranium-plomb. Plus on avance dans la série, et plus la vitesse de désintégration augmente. Si l'on appelle demi période le temps qu'il faut pour détruire la moitié d'un certain poids d'un élément radioactif, la demi-période du radium est de 1660 ans, tandis que celle de l'uranium est de six milliards d'années. Cela étant, on peut concevoir trois manières de faire le calcul d'àge.

Quelques minéraux uranifères ou thorifères, comme la pechblende et la thorianite, tiennent emprisonnées de grandes quantités d'hélium, alors que la plupart des autres minéraux ne renferment que des traces infimes de ce gaz. On sait que l'hélium sort de l'uranium et du thorium, et l'on a pu mesurer les vitesses de ce dégagement un gramme de thorium dégage un centimètre cube d'hélium en 30 millions d'années. Si un échantillon de thorianite, par exemple, renferme cent millions de fois plus d'hélium que le thorium contenu n'en peut dégager en un an, c'est que le dégagement d'hélium a

commencé, tout au moins, il y a cent millions d'années. Je dis tout au moins, car il est à croire qu'une partie importante de l'hélium, la moitié peut-être, s'est échappée du minéral. Les âges ainsi calculés seraient donc des minima. On trouve des nombres énormes : jusqu'à 700 millions d'années pour certains minéraux du Précambrien américain.

Un autre procédé, élégant et quelque peu étrange, utilise les auréoles polychroïques que l'on observe, dans le mica noir des roches massives, autour des inclusions microscopiques de zircon. Joly et Rutherford ont montré que ces auréoles sont dues au dégagement d'hélium, issu de l'uranium ou du thorium que contient le silicate de zircone; ils ont fait voir aussi que la couleur de l'auréole dépend de deux causes, la radioactivité du cristal microscopique excitateur et son âge, ces deux causes étant complémentaires. Comme on sait produire des auréoles artificielles, dans le même mica noir, avec des grains cristallins très radioactifs et un temps très court, on pourra, de la comparaison de deux auréoles de même couleur, l'une naturelle, l'autre artificielle, et de la mesure des radioactivités des cristaux excitateurs, déduire l'âge du minéral naturel. On a trouvé ainsi de 50 à 470 millions d'années pour l'âge des zircons de certains granites.

On peut enfin se servir du dosage du plomb et de l'uranium contenus dans un minéral radioactif, en admettant que le plomb soit, ici, tout entier d'origine radioactive. Dans un an, un gramme d'uranium fournit, par désintégration totale, une fraction de gramme de plomb représentée par 1,25 x 10": ce qui revient à dire qu'un gramme d'uranium fournit un gramme de plomb en 8 milliards d'années. Il n'y a qu'à multiplier par 8 milliards le rapport Pb U des teneurs actuelles en plomb et et en uranium

III• SÉRIE. T. XXVII.

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d'un minéral radioactif, pour avoir l'âge de ce minéral. En opérant sur des uraninites du Carbonifère américain, Barrell a trouvé 320 millions d'années; des uraninites du Précambrien de Norwège seraient, d'après le même auteur, vieilles de près d'un milliard d'années; on arriverait même à un milliard et demi d'années pour l'âge des minéraux de certains granites de Finlande, granites logés dans de très vieux gneiss archéens; mais peut-être ces dernières roches sont-elles antérieures à l'apparition de la Vie.

Il y a, entre les résultats fournis par les trois procédés de la méthode radioactive, un accord qui, sans être parfait, ne laisse pas d'être impressionnant. Barrell en a tiré, en 1917, un tableau de durées probables que je résumerai en ces trois lignes :

l'ensemble du Quaternaire et du Tertiaire aurait duré de 55 à 65 millions d'années;

le Mésozoïque, de 135 à 180 millions d'années; le Paléozoïque (sans remonter au delà du Cambrien), de 360 à 540 millions d'années.

Tout cela est vraisemblable, et cependant très incertain. Retenons simplement que les évaluations auxquelles on se tenait il y a vingt ans doivent être fortement majorées. Les temps géologiques comprennent probablement quelques centaines de millions d'années, et non pas seulement quelques dizaines de millions.

Quant aux temps qui ont précédé la Vie et que j'appelle les temps cosmiques, rien, absolument, ne nous donne la moindre idée de leur durée formidable.

Je m'arrête sur ce nouvel et dernier aveu d'ignorance. Lentement, comme les six autres, notre septième énigme, l'énigme de la Durée, s'enfonce dans la brume et se dérobe à nos regards. Il serait vain, nfiniment vain, de l'interroger davantage.

De cette promenade dans mon jardin étrange, et de ce colloque avec les sphinx qui le peuplent, je voudrais que quelque chose d'important restât à chacun de vous:

Tout d'abord, une estime plus grande, une estime extraordinaire pour la Géologie, qui est le berger de ces monstres et qui s'efforce de les apprivoiser, et d'arracher quelques secrets à leur effrayant mutisme; pour la Géologie, qui conduit l'homme si près de l'Inconnaissable, et donc si près de Dieu;

Ensuite, un goût plus vif pour tout ce qui est mystère, pour tout ce qui est science, pour tout ce qui est compréhension; pour tout ce qui est marche en avant, même au travers des ténèbres, vers la Lumière et la Vérité ;

Enfin, une conception plus haute de l'immense dignité de l'âme humaine; de l'âme capable de s'intéresser à de pareils problèmes, qui semblent, de prime abord, la dépasser infiniment; de l'âme, plus grande assurément que tous les mondes de l'Univers visible, puisqu'elle les embrasse d'un coup d'oeil, qu'elle a conscience de leur caducité et de leur brièveté, et qu'elle les plaint de n'être point éternels.

Si j'ai réussi à vous laisser, ce soir, quelques pensées de cet ordre et quelque durable impression bienfaisante, je n'aurai point été trop indigne de la confiance que m'a témoignée la Société scientifique de Bruxelles et de l'attention merveilleuse que vous avez bien voulu prêter à ma parole. De cette confiance et de cette attention, j'emporterai, quant à moi, un souvenir reconnaissant et ineffaçable.

PIERRE TERMIER Membre de l'Institut de France, Professeur à l'École des Mines de Paris.

LE CONFLIT

SUR LA VALEUR DES THÉORIES PHYSIQUES

bien

« Qu'est-ce qu'un courant électrique? » se demandait Joseph Bertrand, en 1887. — « << Nul ne le sait, et peu croient le savoir. » (1) La fine ironie qui perce entre chacun des mots de cette phrase lapidaire a encore réduit le petit nombre de ceux qui croyaient savoir ». Si Joseph Bertrand, l'illustre Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, qui professait depuis vingt-cinq ans un cours d'électricité au Collège de France et achevait de rédiger ses brillantes leçons sur la Théorie Mathématique de l'Électricité, publiées en 1889, ignorait même ce qu'est un courant, qui osera garder encore l'illusion de rien connaître de l'induction et des rayons X?

Le scepticisme de Bertrand ne se limitait point à ces branches de la physique, de plus récente venue, il s'étendait à toute cette science : écoutons-le, en effet, continuer son monologue. << Savons-nous mieux ce qui se passe dans tout autre phénomène physique ? Qu'est-ce que la chaleur ? Quel est le mécanisme de la pression des gaz? Notre ignorance est-elle moins complète ? » (2)

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(1) J. Bertrand, Thermodynamique (Paris, Gauthier-Villars, 1887), p. 274. (2) J. Bertrand, Leçons sur la Théorie Mathématique de l'Electricité (Paris, Gauthier-Villars, 1889), p. 144.

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