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on distingue la raison de la raison humaine, que vous dites, sans distinction, être la lumière divine. Je ne cite pas d'autres autorités, la chose est assez claire par elle-même.

Et puis j'avoue que je ne vous comprends pas, quand vous dites que la raison humaine n'est pas de l'homme; quoi donc ? l'homme n'a pas de raison à soi qui lui soit propre, qui soit, sinon de lui, au moins à lui? Mais si sa raison n'est pas à lui, pourquoi lui faire un reproche quand elle le conduit mal, quand elle le trompe? Comment puis-je être responsable d'une chose qui, à la vérité, est dans moi, mais qui n'est pas de moi. Ici encore vous confondez la raison divine, qui n'est pas de l'homme, avec la raison humaine, qui est bien de l'homme. Oui, quand la société a instruit l'homme, quand il a été élevé par elle, quand il a participé aux lumières et aux instructions qui font l'homme social et raisonnable, oui, avec ces secours l'homme se forme une raison qui est à lui, c'est son âme même, raisonnant, voulant, niant, accédant avec liberté; c'est lui-même dans le fond et l'essence de son être. C'est ainsi que l'ont compris tous les philosophes et les théologiens, qui parlent sans cesse des défauts de la raison humaine, de la raison de l'homme, et vous ferez de vains efforts pour bannir cette expression du langage humain et philosophique.

Vous ne voulez pas que la raison humaine soit l'âme même, en tant que raisonnable, en tant que connaissant plus ou moins les vérités de Dieu. C'est cependant la doctrine de saint Thomas, qui ne veut pas que la raison et l'intellect soient des puissances diverses. C'est jusqu'à un certain point votre sentiment même, puisque vous dites que l'on donne le nom de raison à la VUE de la vérité divine; j'ai dit moi: à l'âme connaissant, voyant la vérité divine.

Il est vrai que vous changez de système tout de suite en ajoutant à la participation de cette vérité, à la vérité même. Certes, la vue de la vérité aux yeux de tous les philosophes, sera toujours une chose différente de la vérité même. Vous avez beau l'assurer, aucun philosophe n'a jamais confondu ces deux choses.

1 Respendeo dicendum quod ratio et intellectus in homine non possunt esse diversæ potentiæ. p. 1, q. 79, art. VIII.

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Un texte de saint Augustin cité incomplétement, et rétabli.

La doctrine que je viens d'émettre sur la nature et l'origine de la raison, m'est-elle personnelle? est-elle nouvelle dans l'Eglise? On peut assurer sans crainte qu'elle est l'enseignement méme des plus grands, des plus saints docteurs, des plus profonds théologiens. Il est triste, profondément triste, d'être obligé de rappeler un pareil fait à des écrivains catholiques. Parmi les textes si nombreux où les Pères et les théologiens célèbrent la raison comme une participation divine, je n'ai que l'embarras du choix. « Nous avons appris, dit saint Justin, dans sa » première apologie, que Jésus-Christ est le premier né de Dieu, » raison éternelle à laquelle tout le genre humain participe.» Selon Clément d'Alexandrie, Dieu, dans tous les tems, cultive le monde comme un champ, et fait pleuvoir son verbe dans les hommes. Il serait trop long de citer Tertullien, Origène, saint Basile, saint Athanase, Lactance. Je m'arrête à saint Augustin:

la

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Lorsque nous avons, dit-il, la perception de quelque vérité, ce n'est pas le maître extérieur qui nous instruit, mais l'esprit est éclairé intérieurement pur la vérité elle-même; la parole extérieure n'est qu'un simple avertissement. Celui que nous consultons, celui qui nous enseigne, le Christ qui habite en nous n'est autre que l'immuable vertu de Dieu, son éternelle sagesse. Toute âme raisonnable la consulte 1... L'onction divine nous enseigne. Le son de la parole frappe les oreilles, mais le maître est au-dedans. Ne croyez pas qu'un homme puisse rien apprendre d'un homme. Nous ne sommes que des moniteurs. S'il n'y a pas un maître intérieur, le bruit des paroles est vain. Celui qui illumine les cœurs a sa chaire dans le ciel.... Il n'y a qu'un maître, qui est le Christ 2. L'âme de l'homme, quoiqu'elle rende témoignage de la lumière, n'est cependant pas la lumière même; mais le Verbe de Dieu, Dieu même, est cette lumière qui éclaire tout homme venant au monde 3...............»

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En un mot, d'après saint Augustin, nous voyons en Dieu les nombres, les figures, les vérités spéculatives, les vérités pratiques, les lois éternelles, les règles de la morale: In Deo conspicimus incommutabilem formam justicia, secundum quam hominem vivere (ici vous oubliez opportere) judicamus 4.

Si vous voulez connaître toute la suite de la tradition sur cet objet, si vous voulez connaître la doctrine de tous les Pères grecs et latins, celle de saint Anselme, de saint Bernard, de saint Thomas, de saint

1 De Magistro, cap. xi.

2 Tract. 8 in Epist. Johann.

3 Confess., VII, c. 9.

4 De Trin., . vIII, c. 9.

Bonaventure, prenez le livre IIIe du Traité de Dieu, par Thomassin. Pour moi, je n'ai pas le tems de rapporter tant de textes. Je finis par un passage de Bossuet et de Fénelon :

« L'homme juge droitement, dit le grand évêque de Meaux, lorsque, sentant ses jugemens variables de leur nature, il leur donne pour règle les vérités éternelles que tout entendement aperçoit toujours les mêmes, par lesquelles son entendement est réglé, et qui sont quelque chose de Dieu, ou plutôt qui sont Dieu même 1. »

Ecoutons Fénelon:

« Mes idées ne sont pas moi, et je ne suis pas mes idées..... Mes idées sont universelles, nécessaires et immuables... Quoi donc ! mes idées seront-elles Dieu ? Elles sont supérieures à mon esprit, puisqu'elles le redressent et le corrigent. Elles ont le caractère de la Divinité, car elles sont universelles et immuables comme Dieu. Elles subsistent très-réellement... Ce je ne sais quoi de si admirable, si inconnu, si familier, ne peut être que Dieu. C'est donc la vérité universelle et invisible qui me montre comme par morceaux, pour s'accommoder à ma portée, toutes les vérités que j'ai besoin d'apercevoir. Tout ce qui est vérité universelle et abstraite est une idée; tout ce qui est idée est Dieu même. Voilà la source des vrais universaux, des genres, des différences et des espèces, et voilà en même tems les modèles immuables des ouvrages de Dieu, qui sont les idées que nous consultons pour être raisonnables 2. »

Je ne citerai pas Malebranche et Leibnitz; leur enseignement est trop

connu.

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A toutes ces citations, qui constituent le système des idées innées de Platon et de Malebranche, je réponds d'abord par les paroles suivantes : « L'âme, au commencement, est une table rase sur laquelle il n'y a rien d'écrit. Il n'y a point dans l'âme d'idées innées, l'âme acquiert ses idées par la parole, l'âme est une terre, et les principes que lui donne l'instruction sont les germes qu'elle a la puissance de féconder. Les idées sont en dehors de l'âme. » Ce sont les paroles de saint Thomas, de Mgr Bouvier, de M. l'abbé Noget, de Mgr l'archevêque de Paris, de la théologie de Nancy. Ces théologiens connaissaient les textes que vous citez; il s'en suit, ou qu'ils ne signifient pas que les vérités soient innées dans l'hom-'

1 Connaissance de Dieu et de soi-même. Chap. iv, art. 5.-Nous devons faire remarquer que Bossuet, bien que Cartésien est loin de dire que « la raison humaine est la lumière divine, » il dit, en parlant des vérités éternelles : « nous les voyons être devant nous; » il dit aussi : « c'est en Dieu que je vois ces vérités, et les voir, c'est me tourner à lui, recevoir ses lumières. » Quant à la manière, c'est d'une certaine manière qui m'est incompréhensible. Ibid. Ceci diffère un peu de la théorie de M. Maret.

Exist.de Dieu, part. II, ch. 4.

me, ou s'ils le signifient, ces théologiens ont pu abandonner les opinions philosophiques de ces pères et docteurs. Voici en particulier comment répond Mgr du Mans au système développé par Fénelon :

1

« Descartes 1 et les célèbres défenseurs de sa doctrine, parmi >> lesquels Bossuet, Fénelon, d'Aguesseau, prétendent que l'âme >> humaine pense essentiellement; par pensée, ils entendent les >> sensations et les différentes opérations de l'âme, d'où ils con>> cluent qu'au moment même de sa création, elle a été douée de >> Dieu au moins de quelques idées, comme le sentiment de sa propre existence; l'idée de Dieu (de l'infini, dit M. Ma»ret), l'idée du juste et de l'injuste; ce sont ces idées qu'ils appel»lent innées, parce que, quoique endormies, nous les avons tou⚫jours enes, et quand l'occasion se présente nous les trouvons en »> nous. Pour confirmer leur sentence, ils entassent un grand » nombre d'argumens, qui ne nous paraissent point suffire pour une » véritable démonstration 2. » Voilà ce que dit Mgr du Mans; nous disons de même. Nous ajouterons une chose, c'est que l'on peut s'écarter de l'opinion des Pères, lorsque quelques-unes de leurs paroles pourraient fournir un appui à une erreur qui n'existait pas de leur tems, qu'ils ne prévoyaient pas, et contre laquelle ils n'ont pas eu à garder leur parole. Aussi peut-on dire: « Que l'autorité » de quelques, ou même de plusieurs pères, ne donne pas un ar⚫gument certain dans les questions philosophiques ou des scien» ces naturelles; elle prouve tout autant que la raison naturelle > le persuade. Il en est de même pour les questions théologiques » qui n'ont point rapport à la foi 3. Car s'ils avaient existé de no

A propos du sentiment de Descartes sur les idées innées, il est essentiel d'observer, avec M. l'abbé Noget, qu'il entendait seulement par-là la simple faculté de penser : « Je n'ai jamais écrit ou pensé que l'esprit eût besoin d'idées innées qui fussent quelque chose de différent de la faculté de penser. » Non enim unquam scripsi, vel judicavi mentem indigere ideis innatis quæ sint aliquid diversum ab ejus facultate cogitandi. Epist. 30, t. 11. in-8°, dans les notes sur le progr. de Henri Leroy, et dans la Philosophie de M. l'abbé Noget, t. 1, pag. 288.

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3 Patrum auctoritas sive paucorum sive plurium in quæstionibus philosophicis ant scientiarum naturalium, haud certum suppeditat argumentum ; sed tantùm probat, quantùm naturalis ratio persuadet. Principia theologica, auct. P. Kil

tre tems, il y a bien des choses qu'ils diraient et feraient d'une » manière différente 1. 1

Ce n'est pas moi qui donne ces règles, ce sont deux théologiens que vous connaissez bien, les pères Kilber et Canus.

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Nous disons, en second lieu, que la plupart des paroles des Pères peuvent fort bien s'expliquer; cat même dans notre opinion, et dans celle de ceux que nous venons de citer, c'est toujours en dernière analyse, Dieu seul, la vérité seule, qui est le maître, qui éclaire et vivifie. Saint Thomas a déjà répondu à la plupart des textes de saint Augustin que vous citez ici. Quant au dernier, vous l'avez dénaturé en oubliant le mot opportere. Suivant votre texte, saint Augustin aurait dit : « c'est en Dieu que nous voyons >> la forme immuable de justice, selon laquelle nous jugeons que l'homme vit; ⚫ c'est un axiôme philosophique; tandis qu'avec le mot que vous avez supprimé, saint Augustin dit : « se>>lon laquelle nous jugeons que l'homme doit vivre, c'est-à-dire, se conduire; c'est une règle de morale que j'adopte complétement. -Vous auriez pu au reste lire dans le même passage, que lorsque saint Augustin dit que nous voyons dans la vérité, ce n'est pas à proprement parler en nous, mais plutôt au-dessus de nous qu'il place cette vérité. « Or, que les ministres de Dieu doivent »vivre (se conduire) ainsi, nous ne le croyons pas pour l'avoir -entendu de quelques-uns, mais nous le voyons intérieurement au-dedans de nous (et pour corriger cette expression) ou plutôt x au-dessus de nous, dans la vérité même 2.

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Nous ne discutons pas les textes de saint Justin et de Clément d'Alexandrie, parce que vous n'avez pas indiqué où se trouvent ces passages, et nous n'avons pas le tems de les chercher.

ber, dans Cursus theol. t. 1, p. 500, de Migne, qui cite encore Dargone et Thomassin.

1 Atque etiam si nostra hâc ætate illi fuissent, quædam profectò aliter et facerent et loquerentur. Melch. Canus, De locis theologicis; ibid. p. 470.—Ailleurs le docte théologien consacre un chapitre à prouver combien il faut lire avec précaution et Aristote et Platon.

2 Vivendum tamen sic esse Dei ministris non de aliquibus auditum credimus, sed intùs apud nos, vel potiùs suprà nos, in ipsâ veritate conspicimus. De Trinit. 1. VIII. ch. 9, édit. Migne, t. v, p, 959.

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