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sainte, à la prière du saint Pape, qui avait cette croisade si fort à cœur, qu'il comptait y aller en personne et finir ses jours en Palestine. Avec le roi Rodolphe, se croisèrent la reine, sa femine, et presque toute la noblesse qui était venue à la cour du Pape 1.

De Lausanne, le saint Pontife, retournant en Italie, passa par Sion en Valais, où il commit l'archevêque d'Embrun pour faire en Allemagne le recouvrement de la décime de six ans, destinée à la croisade. Ensuite, étant à Milan, il écrivit à l'évêque élu de Verdun, chargé du même recouvrement pour l'Angleterre, de faire délivrer au roi Édouard les décimes d'Angleterre, de Galles et d'Irlande, en cas que ce prince, qui avait pris la croix, fit le voyaye en personne 2. Le saint Pape arriva à Milan le 11me de novembre, et y fut reçu avec grand honneur et logé au monastère de Saint-Ambroise. Il s'y laissa voir à tout le monde avec bonté, et accorda plusieurs indulgences à ceux qui en demandèrent. Cependant, le 18 de novembre, jour de la dédicace de Saint-Pierre de Rome, où il est d'usage que les Papes lancent des censures contre les ennemis de l'Église, il renouvela dans la basilique de Saint-Ambroise toutes les censures et procédures de Clément IV, tant contre des particuliers que contre des peuples et des républiques, de peur qu'elles ne fussent abrogées par le temps, se réservant du reste d'y donner suite comme il le jugerait à propos. Telle est la substance de la bulle que l'on a encore: il n'y est fait aucune mention spéciale de Milan 3. Partout le saint Pontife travaillait avec douceur et fermeté à rétablir la paix et les bonnes mœurs.

De Milan, il vint à Plaisance, sa patrie, puis à Florence, où il arriva le 18 décembre. Au dire d'un ou deux chroniqueurs, il ne voulut pas entrer dans la ville, parce qu'elle était interdite et les habitants excommuniés, pour n'avoir pas observé la paix qu'il avait faite entre les Guelfes et les Gibelins lorsqu'il passa chez eux deux ans auparavant. Or, comme l'Arno, enflé par les pluies, ne se pouvait passer à gué, il fut obligé de traverser un pont de la ville; et alors il leva les censures, et donna au peuple des bénédictions en passant; mais, quand il fut dehors, il les excommunia de nouveau, et dit en colère ce verset du psaume : Retenez-les avec le mors et le frein. Voilà ce que dit un choniqueur ou deux. Mais cette narration n'est pas bien sûre; car d'autres disent qu'il resta quelques jours dans la ville. Et ce qui ne laisse guère de doute, c'est qu'il existe une lettre du saint Pape au roi Charles de Sicile, datée de Florence, par laquelle il l'informe de son voyage, le prévient qu'il passera les fêtes de Noël à

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Arezzo, et l'invite à venir à Rome ou dans un autre lieu pour conférer ensemble 1.

Le saint pape Grégoire X manquera lui-même à cette conférence. Venu dans la ville d'Arezzo, il y passa effectivement les fêtes de Noël; mais il y tomba malade, et mourut le 10 janvier 1276, après avoir tenu le Saint-Siége trois ans neuf mois et quinze jours. Il mourut, comme il avait vécu, en saint. Quand il sentit approcher sa dernière heure, il demanda le crucifix, baisa dévotement les pieds du Sauveur, les arrosant de ses larmes, adressa la Salutation angélique à la sainte Vierge, recommanda son âme à Dieu, et rendit si tranquillement l'esprit, qu'il avait l'air de s'endormir d'un doux. sommeil 2. Sa fête est marquée au 16 février dans le martyrologe romain de Benoît XIV.

Tous les historiens parlent de Grégoire comme d'un saint. Les Grecs eux-mêmes, dans le concile qu'ils tinrent à Constantinople après sa mort, l'appellent un homme bienheureux et très-saint; si toutefois, ajoutent-ils, on doit l'appeler un homme et non pas un ange 3.

Le témoignage du protestant Sismondi n'est pas moins honorable que celui des Grecs. « Ce fut un glorieux pontificat, dit-il, que celui de Grégoire X; et il aurait laissé sans doute des traces plus profondes dans la mémoire des hommes s'il avait duré plus longtemps, ou si ce Pape vénérable avait eu des successeurs dignes de lui. L'Italie fut presque entièrement pacifiée par son esprit impartial, après que la fureur des guerres civiles avait semblé détruire tout espoir de repos; l'interrègne de l'empire fut terminé par l'élection d'un prince qui se couvrit de gloire, et qui fonda l'une des plus puissantes dynasties de l'Europe; l'église grecque fut réconciliée avec la latine, et la querelle entre les Francs et les Grecs pour l'empire d'Orient fut apaisée par un accord juste et honorable; un concile œcuménique, auquel assistèrent cinq cents évêques, soixante-dix abbés mitrés, et mille autres religieux ou théologiens, fut présidé par ce Pontife, et occupé de lois utiles à la chrétienté et dignes d'une si auguste assemblée tels sont les événements qui rendirent son règne remarquable 4. »

A ces témoignages aussi honorables que peu suspects, nous ajouterons Que le pape saint Grégoire X termine dignement la glorieuse

1 Raynald, 1275, n. 47. - 2 Vita. Apud Muratori, Script. rer. ital., t. 3, 3 Raynald, 1276, n. 2. ↳ Sismondi, Hist. des républ. ital., t. 3,

p. 603.

p. 422.

époque des saints rois Louis de France et Ferdinand de Castille ; des saints docteurs Thomas d'Aquin et Bonaventure, qui ont uni toutes les profondeurs de la science à toutes les vertus de la foi, dans un si haut degré, que ce sera toujours un grand mérite, si ce n'est d'y atteindre, au moins d'y aspirer.

LIVRE SOIXANTE-SEIZIÈME.

DE LA MORT DU PAPE SAINT GRÉGOIRE X, 1276, au jubilé séculAIRE

DE 1300.

Pontificats d'Innocent V, d'Adrien V, de Jean XXI, de Nicolas III, Martin IV, Honorius IV, Nicolas IV, Célestin V, Boniface VIII. — Relations du Saint-Siége avec l'empereur de la Chine.—Les Bouddhistes du Tibet empruntent à l'Église catholique plusieurs de ses usages. État religieux des Russes, des Serves, des Grecs. Etat de l'Occident et de la terre sainte. La sainte maison de Nazareth.

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Le deuxième concile général de Lyon avait offert un spectacle inconnu à toute l'antiquité profane : un grand et saint Pontife présidant les états généraux de l'humanité chrétienne, pour la sanctifier au dedans et la défendre au dehors; autour de lui, ses conseillers, supérieurs aux princes, égaux aux rois; à ses pieds, devant lui, au nombre de plus de mille, les ambassadeurs, les députés des empereurs, des rois, des princes et des églises de Dieu : Francs, Burgondes, Huns, Vandales, Goths, Hérules, Lombards, Sarmates, Anglais, Normands, Slaves, Barbares et Scythes d'autrefois, sont assis aux pieds du même père et pontife, avec les descendants des Gaulois, des Romains et des Grecs, comme des brebis et des agneaux reposant aux pieds du même pasteur; les Grecs y viennent abjurer leur esprit de division, et chanter, avec tout le monde, la même croyance dans les mêmes paroles; les Tartares, maîtres de l'Asie, depuis la Perse jusqu'à la Chine et la Corée, y sont par leurs ambassadeurs, dont l'un annonce leur conversion future, mais lointaine, par son exemple. Un conseiller, saint et pauvre, du Pontife suprême, vient à mourir durant cette auguste assemblée, et les députés de toutes les églises et de toutes les nations, y compris les Tartares ou Mongols, pleurent un homme à la fois si savant, si saint, si pauvre et si aimable: avant, pendant et après le concile, le saint pape Grégoire X travaille à réconcilier entre eux les peuples et les rois, en Italie, en Espagne, en France, en Allemagne ; et partout les cœurs se rendent à sa douce me va conduire l'Europe en armes au secours des

Chrétiens d'Orient, et attendre le ciel en la terre sainte; mais le ciel vient le prendre en Italie, et beaucoup plus tôt.

Quand nous voyons les hommes et les choses si bien préparés pour une bonne œuvre comme le recouvrement de la terre sainte, il nous peine de voir que Dieu ne la fasse pas réussir. C'est que les pensées de Dieu ne sont pas toujours les nôtres. Ce qu'il a principalement en vue, ce n'est pas précisément que ses serviteurs conquièrent tel pays matériel, mais que, moyennant sa grâce, ils s'exercent à la foi, à l'espérance, à la charité, au renoncement de soi-même, au dévouement pour la gloire de Dieu et le salut des âmes, à l'humilité dans la prospérité, à un invincible courage dans l'adversité. Pour cela, il ne faut pas que tout leur réussisse ; il faut, au contraire, des épreuves multipliées et diverses. Quant au but ultérieur du maître, il sera tôt ou tard atteint par les revers mêmes des serviteurs.

Le saint pape Grégoire X était mort à Arezzo le 10 janvier 1276. Le 21 du même mois, les cardinaux enfermés en conclave élurent pape Pierre de Tarantaise, de l'ordre des frères Prêcheurs, cardinalévêque d'Ostie, qui prit le nom d'Innocent V. Il passa aussitôt d'Arezzo à Rome, où il fut couronné à Saint-Pierre le premier dimanche de carême, 23me de février, et alla loger au palais de Latran. Il avait de grands desseins pour procurer le bien de l'Église, et il avait commencé par pacifier l'Italie. Il avait également envoyé ses légats à l'empereur grec Michel Paléologue, pour confirmer l'union récemment faite au concile de Lyon entre les Grecs et les Latins. Mais il ne put donner suite à ses bons desseins, car il tomba malade et mourut, au grand regret de tout le monde le 22me de juin, après cinq mois de pontificat. Il fut enterré à Saint-Jean de Latran; le roi Charles de Sicile assista à ses funérailles 2.

Après dix-sept jours de vacance, on élut Ottobon de Fiesque, noble génois, neveu du pape Innocent IV, cardinal-diacre du titre de Saint-Adrien, d'où il prit le nom d'Adrien V. Il était extrêmement porté à secourir la terre sainte, et il y envoya tout d'abord une grande somme d'argent 3. Ce qui n'est pas si louable, c'est qu'aussitôt élu Pape, il suspendit l'exécution de la constitution du conclave faite par saint Grégoire X, se proposant d'en ordonner autrement. La prudence demandait qu'avant de suspendre une loi aussi solennelle, dans une matière aussi grave et aussi délicate, on eût de quoi la remplacer par une autre et meilleure. Adrien V devait d'autant moins précipiter une résolution si importante, que lors de son élec

1 Ptolém. Lucins., 1. 23, c. 19. - Raynald, 1276, n. 15-25. 3 Marin. Sanuto, 1. 3, part. 12, c. 15.

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