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donna une grande liberté, espérant ainsi le ramener à l'union. Il y employa même Athanase, patriarche d'Alexandrie, pour lequel Jean témoignait une grande estime; mais, voyant qu'il était impossible de le ramener, il fut plus irrité que devant, et le remit en prison. Ensuite il s'appliqua à gagner Hyacinthe, jusqu'à lui donner un trèsbeau cheval, l'admettre souvent à son audience, et lui accorder des grâces pour plusieurs personnes. Hyacinthe flatta quelque temps l'empereur de belles espérances, tirant les choses en longueur et faisant des propositions chimériques. Mais enfin ce prince les abandonna tous à leur opiniâtreté, et résolut, avec le sénat et les évêques, de faire un patriarche, cherchant un sujet qui en fût digne1.

On en proposa trois, à l'ordinaire. Le premier, Gennade, qui, après avoir été archevêque de la première Justinienne, aujourd'hui Locride, et y avoir demeuré quelque temps, s'en était démis; le second, Jacques, abbé du Mont-Athos, homme de mœurs simples et rempli de piété; le troisième, Athanase, anachorète, natif d'auprès d'Andrinople, mais demeurant sur les montagnes de Gano en Thrace, et se trouvant alors à Constantinople parce que l'eunuque Eonopolite l'avait fait connaître à l'empereur, qui en avait conçu une haute estime. Gennade refusa le siége patriarcal, quoiqu'on le pressât fortement de l'accepter, et, entre les deux autres, Athanase fut préféré. Il s'en défendit aussi d'abord; mais il parut céder à la violence que lui faisaient l'empereur et le concile.

C'était un homme d'une grande vertu, mais sans littérature et sans usage de la vie civile, exercé dès l'enfance aux travaux de la vie monastique, à l'abstinence, aux veilles, à coucher à terre, propre à vivre en solitude sur les montagnes et dans les cavernes. Aussi, dès son entrée au patriarcat, il parut bien différent de ses prédécesseurs. Il allait à pied dans les rues, portant un habit rude et des sandales grossières faites de sa main, et vivait dans une extrême simplicité; mais comme il était dur envers lui-même, aussi manquait-il d'humanité et de condescendance envers les autres. On avança contre lui ces reproches, quand l'empereur délibéra sur son élection, et on allégua, pour preuve de sa cruauté, qu'il avait crevé les yeux à un âne pour avoir mangé les herbes du jardin des moines. D'autres, au contraire, lui attribuaient des miracles, et disaient qu'un jour, ayant amassé des herbes, il en chargea un loup qu'il rencontra, et lui commanda de les porter au monastère. Mais on sut depuis que c'était un homme nommé Loup. Toutefois, l'empereur, ayant balancé le bien et le mal que l'on disait d'Athanase,

1 Pachym., 1. 2. Andron., c. 11 et 12.

jugea que le bien l'emportait, et se détermina à le faire patriarche1. Il le déclara publiquement dans le grand palais, le 14me d'octobre 1289, et, du palais, Athanase se rendit à pied à Sainte-Sophie, où peu après il reçut l'ordination. En cette cérémonie arrivèrent quelques légers accidents, que les Grecs superstitieux prirent pour des prodiges et des présages qu'Athanase serait chassé du siége patriarcal, comme ses prédécesseurs. On remarqua entre autres, que, lorsqu'on lui mit sur le cou le livre des évangiles, suivant la coutume, les paroles qui se trouvèrent à l'ouverture du livre étaient des malédictions, et, ayant tourné quelques feuillets, on ne rencontra pas mieux. Il attira bientôt après lui des moines du dehors, qui parurent d'une rigueur excessive aux moines de Constantinople, qu'ils accusaient de relâchement; comme de ne pas observer les deux jeûnes de la semaine, faisant deux repas, usant de vin, d'huile et de ragoûts, en un mot, se nourrissant comme des séculiers, quelques-uns même ayant de l'argent. Les compagnons du patriarche recherchaient si curieusement toutes ces fautes, et les punissaient si sévèrement, que les plus réguliers ne se croyaient pas en sûreté. Le patriarche Grégoire de Chypre mourut peu de temps après d'une longue maladie, et, comme quelques-uns disaient, du chagrin de se voir méprisé ; l'empereur défendit qu'il fût enterré comme évêque2.

Bientôt le patriarche Athanase se rendit odieux par sa sévérité, et encore plus par celle de ses ministres, c'est-à-dire des moines étrangers qu'il avait attirés autour de lui de divers côtés. Ils attaquaient principalement les moines de Constantinople, et leur faisaient des crimes de tout ce qui sentait un peu le relâchement. A l'un on avait trouvé de l'or, à l'autre un habit neuf, à l'autre deux ou trois tuniques; à celui-ci une croix d'argent, ou un couteau bien fait, ou un essuie-mains blanc. Cet autre s'était baigné, ou, étant malade, avait consulté un médecin. Toutes ces fautes étaient châtiées par des réprimandes, des pénitences, des prisons et de rudes disciplines. On levait même des taxes sur les monastères, sous prétexte d'ôter la matière des passions. Le relâchement des moines de Constantinople donnait matière à cette sévérité. Athanase ne leur permettait ni de se nourrir délicatement, ni de garder de l'argent, ni de vivre dans l'oisiveté. Il voulait que leurs habits fussent simples et leur contenance modeste, et surtout qu'ils marchassent à pied, trouvant fort absurde que, tandis qu'il allait à pied lui-même, on les vît, superbement montés sur des chevaux fringants, faire du fracas dans les rues et les places publiques.

1 Pachym., 1. 2. Andron., c. 13 et 14. - Ibid., c. 15, 16, 19.

Il ne pouvait souffrir ceux qui, avant que d'être bien instruits de la vie monastique, s'enfermaient dans des cellules sous prétexte d'une plus haute perfection, ou qui fréquentaient les maisons des grands, ou qui se prévalaient de la simplicité des femmes, à la faveur de leur habit, et se les assujettissaient, quelquefois jusqu'à leur insinuer des hérésies; enfin ceux qui, par vanité ou par intérêt, affectaient des transports d'une fureur fanatique. Athanase s'efforçait de réprimer tous ces faux moines; ceux qu'il jugeait corrigibles, il les renfermait dans les monastères nombreux, les exhortant à observer de tout leur pouvoir le renoncement à leur propre volonté. Quant aux incorrigibles, ou il les enfermait dans des prisons, pour les sauver malgré eux, ou il les chassait de Constantinople.

Athanase entreprit aussi de réformer le clergé. Les plus considérables, voyant d'abord à ses manières et à ses regards terribles l'amertume de son zèle, se tenaient cachés et enfermés chez eux, ou même furent réduits à sortir de la ville. Mais il s'attacha principalement à en éloigner les évêques, qui y séjournaient en grand nombre, et à les renvoyer dans leurs diocèses, disant qu'il était juste que chacun gouvernât le sien, comme le patriarche prenait soin de Constantinople, et que chacun veillàt sur son troupeau, sans se contenter d'en tirer du revenu. Il craignait aussi que, se trouvant ensemble, ils ne fissent des cabales les uns contre les autres, et contre lui-même. Enfin, il ne voulait point qu'ils s'absentassent de leurs diocèses, sinon pour tenir les conciles tous les ans, suivant les canons, ou pour solliciter auprès de l'empereur ou du patriarche quelque affaire spirituelle, et retourner aussitôt. On a plusieurs lettres qu'il écrivit à ce sujet à l'empereur Andronic et à divers évêques.

Enfin son zèle pour la justice s'étendait aux plus grands, jusqu'aux parents de l'empereur et à ses enfants, qui craignaient plus les réprimandes du patriarche que celles de l'empereur même, tant il s'était acquis d'autorité par sa vie irrépréhensible et le respect que l'empereur avait pour lui 1. Toutefois, ce prince n'eut pas la force de le soutenir, ni de résister aux clameurs publiques qui s'élevèrent contre lui, la quatrième année de son pontificat. Ce n'étaient d'abord que des murmures secrets; mais on en vint ensuite aux plaintes déclarées tout le monde s'éleva contre Athanase: les évêques, les moines, les laïques; et on ne le menaçait pas de moins que de le mettre en pièces s'il ne quittait le siége de Constantinople. Quelquesuns du peuple lui disaient des injures jusque dans l'église; d'autres lui jetaient des pierres quand il paraissait dehors.

1 Pachym., 1. 2. Andron. Gregoras, 1. 6, c. 5.

Se voyant donc abandonné, le patriarche Athanase composa un écrit qui contenait de grandes plaintes de ce qu'après l'avoir placé malgré lui sur le siége patriarcal, on avait trouvé mauvais qu'il usât de son pouvoir contre les pécheurs scandaleux, et on avait reçu leurs accusations contre lui, jusqu'à l'obliger à se déposer, quoiqu'il ne se sentit coupable d'aucun crime, ni contre la foi, ni contre les mœurs. Il concluait en prononçant anathème contre tous les auteurs de cette injustice, quels qu'ils fussent. Athanase souscrivit cet écrit de sa main, le scella de sa bulle de plomb, l'enferma dans deux pots de terre liés ensemble d'une corde, et le plaça lui-même dans les galeries hautes de l'église Sainte-Sophie, sur le haut d'une colonne, voulant laisser à la postérité ce monument éternel de son innocence et de son ressentiment.

Après avoir ainsi déposé secrètement un anathème qui retombait sur l'empereur, il lui écrivit et lui envoya la lettre suivante : Confiant en Dieu, et, après Dicu, en la parole de Votre Majesté, qui est de Dieu, je me suis chargé du gouvernement de cette église. Que si quelqu'un m'accuse de n'avoir point administré au gré de chacun, Dieu m'est témoin que je ne concevais rien de mieux. Mais, puisque le Christ vous a établi le curateur de son Église et de l'empire, pour les diriger suivant son bon plaisir, je le dis en présence de mon Seigneur Jésus-Christ, encore que je sois pécheur, je ne sache pas néanmoins avoir rien fait de contraire aux règles du sacerdoce. Que s'il y en a qui se sont élevés contre moi, à dire des choses faites pour outrager et affliger un homme, et s'il y en a qui croient ces choses, qu'ils en proposent ce qu'ils jugent propre à ma déposition. Si on me fat tort, je serai justifié en ce jour-là; car, quant à mon abdication, je la regarde comme anticanonique: tel est mon jugement. Mais, comme je parle à un empereur qui craint les jugements de Dieu, si vous l'ordonnez, je renonce à ma volonté, et je remets à Dieu et à Votre Majesté, qui est de lui, ce qui me regarde, afin que, selon ce qu'elle jugera devoir être agréable à Dieu et salutaire à mon âme, vous daigniez me favoriser, me conseiller et me seconder; afin que mon âme participe aux bienfaits de Dieu, à l'égal de Votre Majesté, qui est de Dieu.

Telle fut la lettre du patriarche Athanase à l'empereur Andronic. Le patriarche ne la signa point, tandis qu'il avait signé en ces termes l'anathème secret: Athanase, par la miséricorde de Dieu, archevêque de Constantinople, la nouvelle Rome, patriarche œcuménique. Avec la lettre, le patriarche fit prier l'empereur de lui envoyer des personnes de confiance pour leur résigner les maisons patriarcales, et des gardes pour le protéger pendant qu'il allait se retirer. Il espérait que l'em

pereur le prierait de n'en rien faire. Il y fut trompé. Malgré son adulation sacrilége, que le Christ avait établi l'empereur chef de l'Église comme de l'empire, Andronic lui envoya aussitôt des personnes pour occuper les maisons, et des gardes pour le conduire dans sa retraite.

Se voyant ainsi déçu dans son attente, Athanase sortit la nuit même du palais patriarcal, et gagna le monastère de Cosmidion, d'où il envoya à l'empereur une démission conçue en ces termes : Puisque nous avons été mis sur le siége patriarcal pour procurer la paix au peuple qui a son nom du Christ, et que les choses ont tourné contre notre espérance et contre l'espérance de ceux qui nous avaient fait cette violence, en sorte que le peuple nous a jugé être à rejeter, à écarter, et sans jugement; nous-même étant d'ailleurs comme faible, et pécheur, et insuffisant, et non digne d'un pareil ministère : en conséquence, nous renonçons à eux avec le pontificat. Que si, par ignorance, nous avons fait quelque chose autrement qu'il ne convenait, nous en demandons pardon. Que le Seigneur vous pardonne aussi à vous! Il voudra bien procurer ce qui est utile, gouverner tous les deux, et pourvoir un pasteur convenable, par l'intercession de la Mère de Dieu 1.

Telle fut la démission du patriarche Athanase. Nous avons tâché de conserver dans la traduction, autant que possible, toutes les tournures équivoques et louches qui se trouvent dans l'original; car, même chez les meilleurs Grecs de cette époque, il n'y a jamais rien de complétement franc et loyal. C'est, comme chez les meilleurs Juifs, un péché originel et héréditaire, que la ruse et la tromperie, même entre eux. Au lieu de s'en corriger, on dirait qu'ils ont peur d'en perdre l'habitude.

Comme on cherchait un successeur au patriarche Athanase, il se trouva à Constantinople un moine nommé Cosme, qui avait été longtemps marié ; puis, ayant quitté sa femme, il embrassa la vie monastique, et, étant venu à Constantinople, il entra dans le monastère de Saint-Michel, et y exerça plusieurs charges, même celle d'ecclésiarque ou sacristain. Dans le temps de la réunion avec les Latins, l'empereur Michel voulut savoir les sentiments des moines de cette maison, pour en chasser tous ceux qui s'opposeraient à sa volonté. Cosme fut de ce nombre, et, ayant été mis en prison, il y demeura longtemps volontairement, et en fut délivré par l'intercession du patriarche d'Alexandrie. Alors il se retira dans une cellule qu'il avait fait bâtir sur son fonds dans une île, et vint à la connaissance du grand connétable

1 Pachym., c. 23 et 24.

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