Sayfadaki görseller
PDF
ePub

d'enrichir l'enfer. Priez Dieu qu'il nous donne la paix, qu'il donne le repos à cette ville que vous avez autrefois chérie; ou que s'il est écrit dans le livre de ses décrets éternels que nous ne puissions voir la paix en ce monde, qu'il nous la donne à la fin dans le ciel, par Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen.

PANÉGYRIQUE DE SAINT GORGON,

PRÊCHÉ A METZ.

Générosité du saint martyr dans l'échange qu'il fait des grandeurs humaines dont il pouvoit jouir, pour le mépris et les humiliations attachés au nom chrétien. Son courage invincible au milieu des plus cruels supplices. Sentiments dont il étoit animé, Comment nous devons imiter sa foi.

Quorum intuentes exitum conversationis, imitamini fidem.

En regardant la fin de leur conversation, imitez leur foi. Heb., xIII. 17.

Après que les bienheureux martyrs avoient rendu l'âme, les fidèles avoient soin de ramasser, au péril de leur vie, ce qui restoit de leurs corps; et l'Eglise conservoit si chèrement ce sacré dépôt, que les tyrans, pour leur ôter les honneurs qu'on leur rendoit, étoient contraints de faire jeter dans la rivière leurs saintes reliques : que si elle pouvoit les dérober à cette dernière cruauté, elle célébroit leurs funérailles avec des cantiques d'actions de grâces, élevant au ciel son cœur et ses yeux pour louer Dieu de les avoir rendus dignes d'un si grand honneur. Au reste, elle ne vouloit point qu'on appelât des tombeaux les lieux où elle renfermoit leur sainte dépouille : elle les nommoit d'un nom plus auguste, les mémoires des martyrs. Et si les tombeaux des hommes ordinaires sont des marques qu'ils ont succombé aux attaques de la mort, elle témoignoit au contraire que les tombeaux des maryrs étoient des trophées qu'elle érigeoit à leur nom, pour être un monument éternel de la victoire qu'ils ont remportée glorieusement sur la mort.

Mais parmi tout cela les chrétiens ne croyoient point leur pouvoir rendre de plus grands respects, qu'en se les proposant pour exemple. Tout ainsi, dit saint Basile', que les abeilles sortent de leur ruche quand elles voient le beau temps; et parcourant les fleurs de quelque belle campagne, s'en retournent chargées de cette douce liqueur que le ciel y verse tous les matins avec la rosée de même aux jours illustres par la solennité des martyrs, nous accourons en foule à leurs mémoires, pour y recueillir comme un don céleste l'exemple de leurs vertus.

Voilà, Messieurs, ce qui nous assemble aujourd'hui. Saint Gorgon

1 Homil. xvIII. n. 1. tom. 11. p. 141.

en mourant a laissé une certaine odeur de sainteté, que l'Eglise ne manque point de rafraîchir tous les ans : c'est là sans doute ce qui nous en est demeuré de meilleur. Nous ne pouvons pas appeler ces précieux restes les reliques de son corps; mais nous ne nous éloignerons pas de la raison, quand nous les nommerons les reliques de sa sainteté. Conservez-les dans vos cœurs comme dans un saint reliquaire, et faites en sorte que toutes vos affections s'en ressentent. Quelle joie vous sera-ce, lorsque vous ressusciterez avec saint Gorgon, de reconnoître en cette bienheureuse entrevue les endroits de son corps que vous aurez baisés sur la terre, et les vertus que vous y aurez imitées ? Je n'ai que faire de vous demander ni silence, ni attention: vous devez le silence à la majesté de ce lieu; vous devez vos attentions au récit d'une histoire si mémorable, que je vous ferai simplement et brièvement.

[merged small][ocr errors]

Si nous ne devions ce jour tout entier à la gloire de saint Gorgon, ou si j'étois en un lieu où je pusse vous témoigner la joie que toute la ville a reçue de votre arrivée, je vous dépeindrois si bien et avec tant de naïveté les sentiments de ce peuple qu'il a plu à Dieu de commettre à votre garde, que mes auditeurs ne pourroient s'empêcher de donner sur ce sujet à mon discours une approbation publique. Mais outre que votre vertu a paru suffisamment par vos grands emplois, et que votre science a été assez reconnue dans la plus célèbre compagnie de savants qui soit dans le monde; la dignité de cette chaire, ce temple auguste que Dieu remplit de sa gloire, ces sacrés autels où l'on va célébrer le saint sacrifice, demandent de moi une telle retenue, qu'il faut que je m'abstienne de dire la vérité, pour qu'il ne paroisse dans mon discours aucune apparence de flatterie. Seulement je vous dirai que l'honneur imprévu de votre présence est pour moi une rencontre si favorable, que je ne puis vous en dissimuler mon ressentiment. Vous venez d'entendre le sujet que je dois traiter devant vous plus il est important, plus j'ai besoin des lumières d'en haut pour le faire dignement, et d'une manière qui puisse tourner à l'édification de cet auditoire. Prosternonsnous tous ensemble devant le trône de Dieu, pour lui demander sa grâce; et si nous n'osons approcher une grandeur si terrible, la sainte Vierge, que nous allons saluer par les paroles de l'ange, aura assez de bonté pour se rendre notre avocate auprès de son Fils. Ave.

Ce n'est pas sans raison que l'apôtre nous exhorte à être toujours * Le maréchal de Schomberg.

sous les armes 1, puisque nous apprenons par les oracles divins que notre vie est une guerre continuelle. L'esprit de Dieu, que nous avons reçu par le saint baptême, remplit nos âmes de l'idée du souverain bien, pour nous faire regarder avec mépris les mouvements éternels qui agitent la vie humaine. Mais vous le savez, Messieurs, il n'y a point de grande entreprise qui ne trouve de grands obstacles. Le monde entier s'efforce de combattre ce dessein: il est tout en armes pour en empêcher l'exécution: Adversùm nos omnis mundus armatur. Il orne de faux appas toutes les créatures qu'il comprend dans son enceinte, pour tâcher de nous surprendre par ce vain éclat. Que si nous sommes assez généreux pour dédaigner ses faveurs, il nous représente un grand appareil de peines et de supplices, pour nous émouvoir; tellement qu'il faut que le serviteur de Dieu soit également sans crainte et sans espérance en la terre, qu'il se rende de tous côtés immobile et inexorable.

Voilà donc les deux batteries que le monde dresse contre nous. II veut l'emporter de gré ou de force s'il ne peut se faire aimer, il tâche de se faire craindre; et quoiqu'il semble que la crainte doive avoir un effet plus prompt, j'estime néanmoins que les complaisances du monde sont pour nous plus dangereuses, parce que nous nous trouvons portés d'inclination à nous y laisser entraîner; ce qu'il nous sera facile de conclure, si nous comprenons la différence de l'amour et de la crainte, que saint Augustin nous représente si doctement en divers lieux 3.

Toute la force de la crainte consiste à retenir ou à troubler l'âme; mais il n'est pas possible qu'elle en change jamais les dispositions. Rencontrez-vous, par exemple, des voleurs qui vous voient en état de leur résister; ou ils se retirent, ou s'ils vous abordent, c'est avec beaucoup de civilité. Ils n'en sont pas pour cela ni moins voleurs, ni moins avides de carnage et de larcins; mais la crainte les oblige à dissimuler. Vous voyez donc bien qu'elle réprime les sentiments de l'âme, mais qu'elle ne les détruit pas. L'amour seul peut opérer ce changement : c'est lui qui pour ainsi dire, tient la clef de l'âme, qui l'ouvre et qui la dilate pour y faire entrer les objets. Os nostrum patet ad vos, ô Corinthii! cor nostrum dilatatum est : « L'a» mour que j'ai pour vous, ô Corinthiens, ouvre ma bouche et mon » cœur, » dit le grand apôtre, qui veut leur témoigner la tendresse de son affection. Et c'est pour cela que, selon la doctrine du même apôtre, la loi ancienne qui étoit une loi de crainte, « a été écrite >> au dehors sur des tables de pierre. » Forinsecus in tabulis lapideis; parce que la crainte ne pénètre pas jusqu'au fond de l'âme pour la

1 Ephes., VI. 11.—2 Job, VII, 1.— 3 Serm, CLXXIX. n. 10. tom. v. col. 853.—4 2 Cor., VI. 11.

transformer: au lieu que la loi nouvelle, qui est gravée dans le fond du cœur, In tabulis cordis carnalibus, opère en elle sa conversion, parce que c'est la loi d'amour. D'où l'on voit qu'il est bien plus difficile de vaincre un mauvais amour qu'une mauvaise crainte; attendu que l'amour tenant dans l'âme la place principale, il faut, pour le chasser, produire une plus grande révolution et partant, ceux que le monde a gagnés par inclination sont bien plus captifs que ceux qu'il abat par la frayeur des supplices. D'après ces observations, vous pouvez connoître quelle est la nature de la guerre que le monde vous a déclarée, et combien il faut que le soldat de Jésus-Christ soit armé de tous côtés. Car du reste, il importe peu à la gloire de saint Gorgon de savoir laquelle des deux entreprises est la plus difficile, puisqu'il a également triomphé du monde en l'une et en l'autre : c'est le partage de mon discours.

Vous le concevrez encore davantage, en considérant, Messieurs, ce qui a animé les puissances de la terre contre les défenseurs de la foi. Ces âmes héroïques n'ont pu plaire au monde, et le monde ne leur a pu plaire voilà la cause de leurs contrariétés. Le monde ne leur a pas plu; c'est pourquoi ils l'ont méprisé : ils n'ont pas plu au monde, de là vient que le monde a pris plaisir d'affliger ce qui n'étoit pas à lui; et le tout est arrivé par un ordre secret de la Providence, afin d'accomplir cette parole mémorable de notre divin Sauveur : «Je ne suis pas venu pour donner la paix, mais pour allumer la » guerre » Non veni pacem mittere, sed gladium".

Vous voyez bien par là en quoi consiste le courage d'un véritable martyr. Je vous ai promis de vous en faire voir une idée excellente en la personne de notre saint: c'est ce que je ferai, s'il plaît à Dieu, dans la suite de ce discours. Je vais tâcher de vous mettre devant les yeux le portrait d'une âme héroïque et d'un courage inflexible, que l'espoir des grandeurs n'a point amolli, que la crainte des supplices n'a point ébranlé. Plaise seulement à cet esprit, qui souffle où il veut, de graver dans nos cœurs l'image de tant de vertus; afin que nous tous, qui sommes assemblés dans ce temple au nom du Seigneur, nous soyons tellement animés d'un si bel exemple, que nous ne vivions et ne respirions plus que pour Jésus-Christ.

PREMIER POINT.

Saint Gorgon vivoit à la cour des empereurs Dioclétien et Maximien, et avoit une charge très-considérable dans leur maison. Chacun sait combien l'on estime ces sortes d'emplois chez les princes, et combien les font valoir ceux qui les possèdent. Quiconque a tant

[blocks in formation]

soit peu lu l'Histoire romaine, y a pu remarquer quel crédit les empereurs donnoient ordinairement à leurs domestiques, que leurs offices appeloient plus souvent près de leurs personnes. Mais, sans m'amuser à des conjectures, je n'ai qu'à vous produire le témoignage d'Eusèbe, évêque de Césarée, qui a vécu dans le siècle de notre saint, personnage grave et recommandable à jamais, pour nous avoir donné en si beau style l'histoire des premiers temps de l'Eglise. Voici donc ce qu'il dit de saint Gorgon et des compagnons de son martyre. Ils étoient montés au suprême degré d'honneur auprès de leurs maîtres, et leur étoient aussi chers que s'ils eussent été leurs enfants. Certes, il ne pouvoit nous représenter d'une manière plus sensible, le crédit singulier dont ils jouissoient à la cour impériale. Remarquez bien que ces paroles nous font entendre, nonseulement qu'ils étoient en très-grande faveur auprès de leurs maitres, que les empereurs avoient de grands desseins pour les avancer; mais encore qu'ils avoient pour eux une tendresse trèsparticulière, que notre historien n'a pu exprimer qu'en disant qu'ils les aimoient comme leurs propres enfants: Iis æquè ac germani filii chari erant1. Mais ce n'est pas mon dessein de vous exagérer beaucoup leur pouvoir : je vous prie seulement de considérer quelle étoit l'opposition de ces deux qualités, de favoris des empereurs et de disciples de Jésus-Christ. L'une les faisoit respecter partout où s'étendoit l'empire romain, c'est-à-dire, par tout le monde : l'autre les exposoit à la risée, à la haine, aux exécrations de toute la terre. Et pour vous faire concevoir combien cette haine étoit alors violente et aveugle, il est à propos de vous dépeindre quelle étoit l'estime que l'on avoit en ces temps du christianisme : par là vous connoîtrez mieux jusqu'à quel point Gorgon a méprisé les honneurs du monde.

Les chrétiens étoient à tout l'univers un objet de mépris et de raillerie chacun les fouloit aux pieds, et les rejetoit « comme les >> ordures et les excréments de la terre,» tamquam purgamenta hujus mundi, ainsi que parle l'apôtre 2. On eût dit que les prisons n'étoient faites que pour eux aussi étoient-elles tellement remplies de ces innocents coupables, qu'il ne restoit plus de place dans les 'cachots pour les malfaiteurs. Dans les crimes les plus énormes, les lois ont ordonné de la qualité du supplice; il n'est pas permis de l'étendre au-delà de ce qu'elles prescrivent. C'est ainsi qu'elles ont voulu donner des bornes même à la justice, de peur de lâcher la bride à la cruauté. Les chrétiens seuls étoient une espèce de criminels, à l'égard desquels on n'appréhendoit d'excéder qu'en les épargnant il falloit donner toute licence à la barbarie, et leur A Histor. Eccles., lib. vII. cap. 6. p. 296. 21 Cor., Iv. 13.

« ÖncekiDevam »