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de l'abandonner. Non contents de l'abandonner, ils sollicitent la juste vengeance des crimes qu'elle a commis : « Aiguisez vos flèches, >> remplissez votre carquois : » Acuite sagittas, implete pharetras 1 : <«< Voici la vengeance du Seigneur, et il vengera aujourd'hui la pro>> fanation de son temple : » Quoniam ultio Domini est, ultio templi sui.

Ainsi, mes Frères, nos saints anges gardiens ne pouvant plus supporter nos crimes en poursuivent enfin la vengeance. Quand arrivera ce funeste jour? C'est un secret de la Providence ; et plût à Dieu, Chretiens, qu'il n'arrivât jamais pour nous. Ne contraignons pas ces esprits célestes de forcer leur naturel bienfaisant, et de devenir des anges exterminateurs, et non plus des protecteurs et des gardiens. N'éteignons pas cette charité si tendre, si vigilante, si officieuse; et si nous les avons affligés par notre long endurcissement, réjouissons-les par nos pénitences. Oui, mes Frères, faisons ainsi, renouvelons-nous dans ce nouveau temple. Les saints anges, auxquels on l'élève, y habiteront volontiers, si nous commençons aujourd'hui à le sanctifier par nos conversions. Il nous faut quelque victime pour consacrer cette Eglise. Quel sera cet heureux pécheur, qui deviendra la première hostie immolée à Dieu dans ce temple abattu et relevé, devant ces autels? Mais, ô Dieu, seroit-il en cette audience? N'y a-t-il point ici quelque âme attendrie, qui commence à se déplaire en soi-même, à se lasser de ses excès et de ses débauches, et que les soins des saints anges gardiens aient invitée de les reconnoître ? O âme, quelle que tu sois, je te cherche, je ne te vois pas; mais tu sens en ta conscience si Dieu a aujourd'hui parlé à ton cœur. Ne rejette point sa voix qui t'appelle, laisse-toi toucher par sa grâce: hâte-toi de remplir de joie cette troupe invisible qui nous environne; qui s'estimera bienheureuse, si elle peut aujourd'hui rapporter au ciel que la première solennité célébrée dans leur nouveau temple a été mémorable éternellement par la conversion d'un pécheur. Mais que dis-je, d'un pécheur? mes Frères, si nous savions qu'il y en eût un, qui de nous ne voudroit pas l'être? Pressonsnous de mériter un si grand honneur; et fasse par ce moyen la bonté divine, qu'en cherchant un pécheur qui se convertisse, nous en puissions aujourd'hui rencontrer plusieurs qui s'abaissent par la pénitence, pour être relevés par la grâce, et couronnés enfin par la gloire! Amen.

1 Jerem., LI. 11.

PANÉGYRIQUE

DE SAINT FRANÇOIS D'ASSISE.

Folie sublime et céleste de saint François, qui lui fait établir ses richesses dans la pauvreté, ses délices dans les souffrances, et sa gloire dans la bassesse,

Si quis videtur inter vos sapiens esse in hoc sæculo, stultus fiat ut sit sapiens.] S'il y a quelqu'un parmi vous qui paroisse sage selon le siècle, qu'il devienne fou afin d'être sage. 1 Cor., III. 18.

Le Sauveur Jésus, Chrétiens, a donné un ample sujet de discourir, mais d'une manière bien différente, à quatre sortes de personnes, aux Juifs, aux Gentils, aux hérétiques et aux fidèles. Les Juifs, qui étoient préoccupés de cette opinion si mal fondée, que le Messie viendroit au monde avec une pompe royale; prévenus de cette fausse croyance, se sont approchés du Sauveur : ils ont vu qu'il étoit réduit dans un entier dépouillement de tout ce qui peut frapper les sens, un homme pauvre, un homme sans faste et sans éclat; ils l'ont méprisé : « Jésus leur a été un scandale: » Judæis quidem scandalum, dit le grand apôtre 1. Les Gentils, d'autre part, qui se croyoient les auteurs et les maîtres de la bonne philosophie, et qui depuis plusieurs siècles avoient vu briller au milieu d'eux les esprits les plus célèbres du monde, ont voulu examiner Jésus-Christ selon les maximes reçues parmi les savants de la terre; mais aussitôt qu'ils ont ouï parler d'un Dieu fait homme, qui avoit vécu misérablement, qui étoit mort attaché à une croix, ils en ont fait un sujet de risée : « Jésus a été pour eux une folie, » Gentibus autem stultitiam, poursuit saint Paul.

Après eux sont venus d'autres hommes que l'on appelloit dans l'Eglise manichéens et marcionites, tous feignant d'être chrétiens; qui trop émus des invectives sanglantes des Gentils contre le Fils de Dieu, l'ont voulu mettre à couvert des moqueries de ces idolâtres, mais d'une manière tout à fait contraire aux desseins de la bonté divine sur nous. Ces foiblesses de notre Dieu, pusillitates Dei, comme les appeloit un ancien 2, leur ont semblé trop honteuses pour les avouer franchement au lieu que les Gentils les exagéroient pour en faire une pièce de raillerie, ceux-ci au contraire tâchoient de les dissimuler, travaillant vainement à diminuer quelque chose des opprobres de l'Evangile, si utiles pour notre salut. Ils ont cru, avec les Gentils et les Juifs, qu'il étoit indigne d'un Dieu de prendre une chair comme la nôtre, et de se soumettre à tant de souffrances; et

11 Cor., I. 23.-2 Tertull., adv. Marcion., lib. II. n. 27.

pour excuser ces bassesses, ils ont soutenu que son corps étoit imaginaire, et par conséquent que sa nativité, et ensuite sa passion et sa mort étoient fantastiques et illusoires : en un mot, à les en croire, toute sa vie n'étoit qu'une représentation sans réalité. Sans doute les vérités de Jésus ont été un scandale à ces hérétiques, puisqu'ils ont fait un fantôme du sujet de notre espérance; ils ont voulu être trop sages, et par ce moyen ont détruit, selon leur pouvoir, le déshonneur nécessaire de notre foi: Necessarium dedecus fidei, dit le grave Tertullien 1.

Mais les vrais serviteurs de Jésus-Christ n'ont point eu de ces délicatesses, ni de ces vaines complaisances. Ils se sont bien gardés de eroire les choses à demi, ni de rougir de l'ignominie de leur maître : ils n'ont point craint de faire éclater par toute la terre le scandale et la folie de la croix dans toute leur étendue : ils ont prédit aux Gentils que cette folie détruiroit leur sagesse. Et quant à ces grandes absurdités que les païens trouvoient dans notre doctrine, nos Pères ont répondu que les vérités évangéliques leur sembloient d'autant plus croyables que selon la philosophie humaine elles paroissoient tout à fait impossibles: Prorsus credibile est, quia ineptum est;.... certum est, quia impossibile est, disoit autrefois Tertullien 2. Ainsi notre foi se plaît d'étourdir la sagesse humaine par des propositions hardies, où elle ne peut rien comprendre.

Depuis ce temps-là, mes Frères, la folie est devenue une qualité honorable; et l'apôtre saint Paul a publié, de la part de Dieu, cet édit que j'ai récité dans mon texte : « Si quelqu'un veut être sage, » il faut nécessairement qu'il soit fou, » stultus fiat ut sit sapiens. C'est pourquoi ne vous étonnez pas si ayant entrepris aujourd'hui le panégyrique de saint François je ne fais autre chose que vous montrer sa folie, beaucoup plus estimable que toute la prudence du monde. Mais d'autant que la première et la plus grande folie, c'est-à-dire, la plus haute et la plus divine sagesse que l'Evangile nous prêche, c'est l'incarnation du Sauveur, il ne sera pas hors de propos, pour prendre déjà quelque idée de ce que j'ai à vous dire, que vous fassiez réflexion sur cet auguste mystère, pendant que nous réciterons les paroles que l'ange adressa à Marie lorsqu'il lui en apporta les nouvelles. Implorons donc l'assistance du Saint-Esprit par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

Cette orgueilleuse sagesse du siècle, qui, ne pouvant comprendre la justice des voies de Dieu, emploie toutes ses fausses lumières à les contredire, se trouve merveilleusement confondue par la doctrine

1 De carne Chr., n. 5.-2 Ibid.

de l'Evangile, et par les très-saints mystères du Sauveur Jésus. Déjà la toute-puissance divine avoit commencé à lui faire sentir sa foiblesse dès l'origine de l'univers, en lui proposant des énigmes indissolubles dans tous les ordres des créatures, et lui présentant le monde comme un sujet éternel de questions inutiles, qui ne seront jamais terminées par aucunes décisions. Et certes il étoit vraisemblable que ces grands et impénétrables secrets, qui bornent et resserrent si fort les connoissances de l'esprit humain, donneroient en même temps des limites à son orgueil. Toutefois, à notre malheur, il n'en est pas arrivé de la sorte, et en voici la cause qui me semble la plus apparente: c'est que la raison humaine, toujours téméraire et présomptueuse, ayant entrevu quelque petit jour dans les ouvrages de la nature, s'est imaginé découvrir quelque grande et merveilleuse lumière ; au lieu d'adorer son Créateur, elle s'est admirée elle-même. L'orgueil, comme vous savez, Chrétiens, a cela de propre, qu'il prend son acrroissement de lui-même, si petits que puissent être ses commencements, parce qu'il enchérit toujours sur ses premières complaisances par ses flatteuses réflexions.

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Ainsi l'homme s'étant trop plu dans ces belles conceptions, s'est persuadé que tout l'ordre du monde devoit aller selon ses maximes. Il s'est enfin lassé de suivre la conduite que Dieu lui avoit prescrite, afin de le ramener à lui comme à son principe. Au contraire, il a voulu que la divinité se réglât selon ses idées ; il s'est fait des dieux à sa mode, il a adoré ses ouvrages et ses fantaisies et s'étant évanoui, comme dit l'apôtre1, dans l'incertitude de ses pensées; lorsqu'il a cru se voir élevé au comble de la sagesse, il s'est précipité dans une extrême folie: Dicentes enim se esse sapientes, stulti facti sunt2.

:

C'est pourquoi cette sagesse éternelle qui prend plaisir de guérir ou de confondre la sagesse humaine, s'est sentie obligée de former de nouveaux desseins et de commencer un nouvel ordre de choses par Notre-Seigneur Jésus-Christ; et admirez, s'il vous plaît, la profondeur de ses jugements. Dans le premier ouvrage que Dieu nous avoit proposé, qui est cette belle fabrique du monde, notre esprit y voyoit d'abord des traits de sagesse infinie. Dans le second ouvrage, qui comprend la doctrine et la vie de notre Maître crucifié, il n'y découvre au premier aspect que folie et extravagance. Dans le premier, nous vous disions tout à l'heure que la raison humaine y avoit compris quelque chose; et en étant devenue insolente, elle n'a pas voulu reconnoître celui qui lui donnoit ses lumières. Dans le second dessein, qui est d'une toute autre excellence, toutes ses connoissances se perdent, elle

1 Rom., 1. 21.—2 Ibid., 22.

ne sait du tout où se prendre; et par là il faudra nécessairement, ou bien qu'elle se soumette à une raison plus haute, ou bien qu'elle soit confondue : et de façon ou d'autre, la victoire demeurera à la sagesse divine.

Et c'est ce que nous apprenons par ce docte raisonnement de l'apôtre. Notre Dieu, dit ce grand personnage, avoit introduit l'homme dans ce bel édifice du monde, afin qu'en admirant l'artifice, il en adorât l'architecte. Cependant l'homme ne s'est pas servi de la sagesse que Dieu lui donnoit, pour reconnoître son Créateur par les ouvrages de sa sagesse, ainsi que l'apôtre nous le déclare : Quia in Dei sapientiâ non cognovit mundus per sapientiam Deum 1. Hé bien ! qu'en arrivera-t-il, saint apôtre? Pour cela, continue-t-il, Dieu a posé cette loi éternelle, que dorénavant les croyants ne pussent être sauvés que par la folie de la prédication: Placuit Deo per stultitiam prædicationis salvos facere credentes. A quoi te résoudras-tu donc, Ô aveugle raison humaine? Te voilà vivement pressée par cette sagesse profonde, qui paroît à tes yeux sous une folie apparente. Je te vois, ce me semble, réduite à de merveilleuses extrémités, parce que de côté ou d'autre la folie t'est inévitable: car dans la croix de Notre-Seigneur, et dans toute la conduite de l'Evangile, les pensées de Dieu et les tiennes sont opposées entre elles avec une telle contrariété, que, si les unes sont sages, il faut par nécessité que les autres soient extravagantes.

Que ferons-nous ici, Chrétiens? Si nous cédons à l'Evangile, toutes les maximes de prudence humaine nous déclarent fous et de la plus haute folie. Si nous osons accuser de folie la sagesse incompréhensible de Dieu, il faudra que nous soyons nous-mêmes des furieux et des démons. Ah! plutôt démentons toutes nos maximes, désavouons toutes nos conséquences, plions sous le joug de la foi; et dépouillant cette fausse sagesse dont nous sommes vainement enflés, devenons heureusement insensés pour l'amour de notre Sauveur, qui, étant la sagesse du Père, n'a pas dédaigné de passer pour fou en ce monde, afin de nous enseigner une prudence céleste en un mot, s'il y a quelqu'un parmi nous qui prétende à la véritable sagesse, qu'il soit fou afin d'être sage, stultus fiat ut sit sapiens, dit le grand apôtre.

La voilà, la voilà, Chrétiens, cette illustre, cette généreuse, cette sage et triomphante folie du christianisme, qui dompte tout ce qui s'oppose à la science de Dieu, qui rend humble ou qui renverse invinciblement la raison humaine, et toujours en remporte une glorieuse victoire. La voilà, cette belle folie, qui doit être le seul orne

11 Cor., I. 21.-2 Ibid.

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