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PREMIER SERMON

POUR LA FÊTE DE L'ASSOMPTION DE LA SAINTE VIERGE.

Les vertus de Marie, le plus bel ornement de son triomphe. L'amour divin, principe de sa mort. Nature et transport de son amour: de quelle sorte cet amour lui a donné le coup de la mort. Désirs que nous devons avoir de nous réunir à Jésus-Christ. Merveilles que la sainte virginité opère en Marie: effets de cette vertu dans les vierges chrétiennes. Comment l'humilité chrétienne semble-t-elle avoir dépouillé Marie de tous ses avantages, et les lui rendelle tous éminemment. Prière à Marie pour nous obtenir cette vertu essentielle.

Quæ est ista quæ ascendit de deserto, deliciis affluens, innixa super dilectum suum? Qui est celle-ci qui s'élève du désert, pleine de délices, appuyée sur son bien aimé? Cant., VIII. 5.

Il y a un enchaînement admirable entre les mystères du christianisme; et celui que nous célébrons, a une liaison particulière avec l'incarnation du Verbe éternel. Car si la divine Marie a reçu autrefois le Sauveur Jésus, il est juste que le Sauveur reçoive à son tour l'heureuse Marie; et n'ayant pas dédaigné de descendre en elle, il doit ensuite l'élever à soi pour la faire entrer dans sa gloire. Il ne faut donc pas s'étonner, mes Sœurs, si la bienheureuse Marie ressuscite avec tant d'éclat, ni si elle triomphe avec tant de pompe. Jésus à qui cette Vierge a donné la vie, la lui rend aujourd'hui par reconnoissance et comme il appartient à un Dieu de se montrer toujours le plus magnifique; quoiqu'il n'ait reçu qu'une vie mortelle, il est digne de sa grandeur de lui en donner en échange une glorieuse. Ainsi ces deux mystères sont liés ensemble; et afin qu'il y ait un plus grand rapport, les anges interviennent dans l'un et dans l'autre, et se réjouissent aujourd'hui, avec Marie, de voir une si belle suite du mystère qu'ils ont annoncé. Joignons-nous, mes très-chères Sœurs, à cette pompe sacrée : mêlons nos voix à celles des anges, pour louer la divine Vierge; et de peur de ravilir leurs divins cantiques par des paroles humaines, faisons retentir jusqu'au ciel celles qu'un ange même en a apportées: Ave, Maria.

Le ciel, aussi bien que la terre, a ses solennités et ses triomphes, ses cérémonies et ses jours d'entrée, ses magnificences et ses spectacles; ou plutôt la terre usurpe ces noms, pour donner quelque éclat à ses vaines pompes mais les choses ne s'en trouvent vérita

VII.

blement dans toute leur force, que dans les fêtes augustes de notre céleste patrie, la sainte et triomphante Jérusalem. Parmi ces solennités glorieuses, qui ont réjoui les saints anges et tous les esprits bienheureux; vous n'ignorez pas, mes Sœurs, que celle que nous célébrons est l'une des plus illustres, et que sans doute l'exaltation de la sainte Vierge dans le trône que son fils lui destine doit faire l'un des plus beaux jours de l'éternité: si toutefois nous pouvons distinguer des jours dans cette éternité toujours permanente.

Pour vous expliquer les magnificences de cette célèbre entrée, je pourrois vous représenter le concours, les acclamations, les cantiques de réjouissance de tous les ordres des anges et de toute la cour céleste je pourrois encore m'élever plus haut, et vous faire voir la divine Vierge présentée par son divin fils devant le trône du Père pour y recevoir de sa main une couronne de gloire immortelle; spectacle vraiment auguste, et qui ravit en admiration le ciel et la terre. Mais tout ce divin appareil passe de trop loin nos intelligences: et d'ailleurs comme le ministère que j'exerce m'oblige, en vous étalant des grandeurs, de vous chercher aussi des exemples, je me propose, mes Sœurs, de vous faire paroître l'heureuse Marie suivie seulement de ses vertus, et toute resplendissante d'une suite si glorieuse. En effet, les vertus de cette Princesse, c'est ce qu'il y a de plus digne d'être regardé dans son entrée. Ses vertus en ont fait les préparatifs, ses vertus en font tout l'éclat, ses vertus en font la perfection. C'est ce que ce discours vous fera connoître ; et afin que vous voyiez les choses plus distinctement, voici l'ordre que je me propose.

Pour faire entrer Marie dans sa gloire, il falloit la dépouiller, avant toutes choses, de cette misérable mortalité, comme d'un habit étranger: ensuite il a fallu parer son corps et son âme de l'immortalité glorieuse, comme d'un manteau royal et d'une robe triomphante enfin, dans ce superbe appareil, il la falloit placer dans son trône, au-dessus des chérubins et des séraphins, et de toutes les créatures. C'est tout le mystère de cette journée; et je trouve que trois vertus de cette Princesse ont accompli tout ce grand ouvrage. S'il faut la tirer de ce corps de mort, l'amour divin fera cet office. La sainte virginité, toute pure et toute éclatante, est capable de répandre jusque sur sa chair la lumière d'immortalité, ainsi qu'une robe céleste : et après que ces deux vertus auront fait, en cette sorte, les préparatifs de cette entrée magnifique, l'humilité toute-puissante achevera la cérémonie, en la plaçant dans son trône pour y être révérée éternellement par les hommes et par les anges. C'est ce que je tâcherai de vous faire voir dans la suite de ce discours, avec le secours de la grâce.

PREMIER POINT.

La nature et la grâce concourent à établir immuablement la nécessité de mourir. C'est une loi de la nature, que tout ce qui est mortel doit le tribut à la mort; et la grâce n'a pas exempté les hommes de cette commune nécessité parce que le Fils de Dieu s'étant proposé de ruiner la mort par la mort même, il a posé cette loi, qu'il faut passer par ses mains pour en échapper, qu'il faut entrer au tombeau pour en renaître, et enfin qu'il faut mourir une fois pour dépouiller entièrement la mortalité. Ainsi, cette pompe sacrée que je dois aujourd'hui vous représenter a dû prendre son commencement dans le trépas de la sainte Vierge. Et c'est une partie nécessaire du triomphe de cette Reine, de subir la loi de la mort; pour laisser entre ses bras, et dans son sein même, tout ce qu'elle avoit de mortel.

Mais ne nous persuadons pas qu'en subissant cette loi commune elle ait dû aussi la subir d'une façon ordinaire; tout est surnaturel en Marie: un miracle lui a donné Jésus-Christ, un miracle lui doit rendre ce fils bien-aimé ; et sa vie, pleine de merveilles, a dû enfin être terminée par une mort toute divine. Mais quel sera le principe de cette mort admirable et surnaturelle? Chrétiens, ce sera l'amour maternel; l'amour divin fera cet ouvrage : c'est lui qui enlèvera l'âme de Marie, et qui, rompant les liens du corps, qui l'empêchent de joindre son fils Jésus, réunira dans le ciel ce qui ne peut aussi bien être séparé sans une extrême violence. Pour bien entendre un si grand mystère il nous faut concevoir, avant toutes choses, selon notre médiocrité quelle est la nature de l'amour de la sainte Vierge, quelle est sa cause, quels sont ses transports, de quels traits il se sert, et quelles blessures il imprime au cœur.

Un saint évêque* nous a donné une grande idée de cet amour maternel, lorsqu'il a dit ces beaux mots : « Pour former l'amour de >> Marie, deux amours se sont jointes en un » Duæ dilectiones in unam convenerunt, et ex duobus amoribus factus est amor unus. Dites-moi, je vous prie, quel est ce mystère? que veut dire l'enchaînement de ces deux amours? Il l'explique par les paroles suivantes : « C'est, dit-il, que la sainte Vierge rendoit à son fils l'amour » qu'elle devoit à un Dieu, et qu'elle rendoit aussi à son Dieu l'amour >> qu'elle devoit à un fils: » cùm Virgo mater filio divinitatis amorem infunderet, et in Deo amorem nato exhiberet'. Si vous entendez ces paroles, vous verrez qu'on ne pouvoit rien penser de plus grand,

* Amédée, évêque de Lausanne, qui vivoit dans le douzième siècle, et que ses vertus rendirent encore plus recommandable que son illustre naissance. ( Edit. de Déforis.)

1 De Laudib. B. Virg., Homil. v. Biblioth. PP., tom. xx. p. 1272.

ni de plus fort, ni de plus sublime, pour exprimer l'amour de la sainte Vierge car ce saint évêque veut dire que la nature et la grâce concourent ensemble, pour faire, dans le cœur de Marie, des impressions plus profondes. Il n'est rien de plus fort ni de plus pressant que l'amour que la nature donne pour un fils, et que celui que la grâce donne pour un Dieu. Ces deux amours sont deux abîmes dont l'on ne peut pénétrer le fond, ni comprendre toute l'étendue. Mais ici nous pouvons dire avec le Psalmiste: Abyssus abyssum invocat1: « Un abîme appelle un autre abîme; » puisque pour former l'amour de la sainte Vierge il a fallu y mêler ensemble tout ce que la nature a de plus tendre, et la grâce de plus efficace. La nature a dù s'y trouver, parce que cet amour embrassoit un fils; la grâce a dû y agir, parce que cet amour regardoit un Dieu : Abyssus... Mais ce qui passe l'imagination, c'est que la nature et la grâce ordinaire n'y suffisent pas, parce qu'il n'appartient pas à la nature de trouver un fils dans un Dieu; et que la grâce, du moins ordinaire, ne peut faire aimer un Dieu dans un fils: il faut donc nécessairement s'élever plus haut.

Permettez-moi, Chrétiens, de porter aujourd'hui mes pensées audessus de la nature et de la grâce, et de chercher la source de cet amour dans le sein même du Père éternel. Je m'y sens obligé par cette raison: c'est que le divin fils dont Marie est mère, lui est commun avec Dieu. « Ce qui naîtra de vous, lui dit l'ange2, sera >> appelé Fils de Dieu. » Ainsi elle est unie avec Dieu le Père, en devenant la mère de son Fils unique; « qui ne lui est commun qu'avec » le Père éternel, dans la manière dont elle l'engendre: » Cum eo solo tibi est generatio ista communis 3.

Mais montons encore plus haut; voyons d'où lui vient cet honneur, et comment elle a engendré le vrai Fils de Dieu. Vous jugez aisément, mes Sœurs, que ce n'est pas par sa fécondité naturelle, qui ne pouvoit engendrer qu'un homme : si bien que, pour la rendre capable d'engendrer un Dieu, il a fallu, dit l'évangéliste, que le Très-Haut la couvrît de sa vertu ; c'est-à-dire, qu'il étendît sur elle sa fécondité: Virtus Altissimi obumbrabit tibi. C'est en cette sorte, mes Sœurs, que Marie est associée à la génération éternelle.

Mais ce Dieu, qui a bien voulu lui donner son Fils, lui communiquer sa vertu, répandre sur elle sa fécondité; pour achever son ouvrage, a dû aussi faire couler dans son chaste sein quelque rayon, ou quelque étincelle de l'amour qu'il a pour ce Fils unique, qui est la splendeur de sa gloire et la vive image de sa substance. C'est de

↑ PS. XLI. 8.—2 Luc., 1. 35. - 3 S. Bernard., Serm. 11. in Anxunt. B. Mar., tom. 1. col. 977. -4 Luc., ibid.

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