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ciété que je vous souhaite aux siècles des siècles avec le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen.

PANÉGYRIQUE

DE SAINT ANDRÉ, APOTRE,

PRECHÉ AUX CARMELITES DU FAUBOURG SAINT-JACQUES.

Conduite étonnante de Jésus-Christ dans la formation de son Eglise; combien inconcevable et divine l'entreprise des apôtres. Triste état de la religion parmi nous; misérables dispositions des chrétiens de nos temps.

Venite post me, et faciam vos fieri piscatores hominum.

Venez après moi, et je vous ferai devenir des pêcheurs d'hommes. Matth., iv. 19.

PREMIER POINT.

Jésus va commencer ses conquêtes : il a déjà prêché son Evangile; déjà les troupes se pressent pour écouter sa parole. Personne ne s'est encore attaché à lui; et parmi tant d'écoutants, il n'a pas encore gagné un seul disciple: aussi ne reçoit-il pas indifféremment tous ceux qui se présentent pour le suivre. Il y en a qu'il rebute, il y en a qu'il éprouve, il y en a qu'il diffère. Il a ses temps destinés, il a ses personnes choisies. Il jette ses filets; il tend ses rets sur cette mer du siècle, mer immense, mer profonde, mer orageuse et éternellement agitée. Il veut prendre des hommes dans le monde; mais quoique cette eau soit trouble, il n'y pêche pas à l'aveugle : il sait ceux qui sont à lui; et il regarde, il considère, il choisit. C'est aujourd'hui le choix d'importance; car il va prendre ceux par qui il a résolu de prendre les autres; enfin il va choisir ses apôtres.

Les hommes jettent leurs filets de tous côtés; ils amassent toutes sortes de poissons, bons et mauvais, dans les filets de l'Eglise, selon la parole de l'Evangile. Jésus choisit; mais puisqu'il a le choix des personnes, peut-être commencera-t-il ses conquêtes par quelque prince de la Synagogue, par quelque prêtre, par quelque pontife, ou par quelque célèbre docteur de la loi, pour donner réputation à sa mission et à sa conduite. Nullement. Ecoutez, mes Frères : « Jésus >> marchoit le long de la mer de Galilée. Il vit deux pêcheurs, Simon » et André son frère, et il leur dit : Venez après moi, et je vous >> ferai devenir des pêcheurs d'hommes. »

Voilà ceux qui doivent accomplir les prophéties, dispenser la grâce, annoncer la nouvelle alliance, faire triompher la croix. Est-ce qu'il ne veut point des grands de la terre, ni des riches, ni des nobles, ni des puissants, ni même des doctes, des orateurs et des philosophes? Il n'en est pas ainsi. Voyez les âges suivants. Les grands viendront en foule se joindre à l'humble troupeau du Sauveur Jésus.

VII.

18*

Les empereurs et les rois abaisseront leur tête superbe, pour porter le joug. On verra les faisceaux romains abattus devant la croix de Jésus. Les Juifs feront la loi aux Romains: ils recevront dans leurs états des lois étrangères, qui y seront plus fortes que les leurs propres : ils verront sans jalousie un empire s'élever au milieu de leur empire,des lois au-dessus des leurs ; un empire s'élever au-dessus du leur, non pour le détruire, mais au contraire pour l'affermir. Les orateurs viendront, et on leur verra préférer la simplicité de l'Evangile et ce langage mystique, à cette magnificence de leurs discours vainement pompeux. Ces esprits polis de Rome et d'Athènes, viendront apprendre à parler dans les écrits des barbares. Les philosophes se rendront aussi; et après s'être longtemps débattus et tourmentés, ils donneront enfin dans les filets de nos célestes pêcheurs, où étant pris heureusement, ils quitteront les rets de leurs vaines et dangereuses subtilités, où ils tâchoient de prendre les âmes ignorantes et curieuses. Ils apprendront, non à raisonner, mais à croire, et à trouver la lumière dans une intelligence captivée.

Jésus ne rebute donc point les grands, ni les puissants, ni les sages: «< il ne les rejette pas, mais il les diffère: » Differantur isti superbi, aliquâ soliditate sanandi sunt1. Les grands veulent que leur puissance donne le branle aux affaires; les sages, que leurs raisonnements gagnent les esprits. Dieu veut déraciner leur orgueil, Dieu veut guérir leur enflure. Ils viendront en leur temps, quand tout sera accompli, quand l'Eglise sera établie, quand l'univers aura vu, et qu'il sera bien constant que l'ouvrage aura été achevé sans eux; quand ils auront appris à ne plus partager la gloire de Dieu, à descendre de cette hauteur, à quitter dans l'Eglise au pied de la croix cette primauté qu'ils affectent; quand ils se réputeront les derniers de tous; les premiers partout, mais les derniers dans l'Eglise; ceux que leur propre grandeur éloigne le plus du ciel, ceux que leurs périls et leurs tentations approchent le plus près de l'abîme. Etesvous ceux, ô grands, ô doctes, que la religion estime les plus heureux, dont elle estime l'état le meilleur ? Non; mais, au contraire, ceux pour qui elle tremble, ceux qu'elle doit d'autant plus humilier pour les guérir et les sauver, que tout contribue davantage à les élever et à les perdre. Ainsi votre besoin, et la gloire du Tout-Puissant, exigent que vous soyez d'abord rebutés dans l'exécution de ses hauts desseins, pour vous apprendre à concevoir de vous-mêmes le juste mépris que vous méritez.

En attendant, venez, ô pécheurs; venez, saint couple de frères, André et Simon ; vous n'êtes rien, vous n'avez rien : « Il n'y a rien 1 S. Aug., Serm. LXXXVII, n, 12. tom. v. col. 468.

>> en vous qui mérite d'être recherché, il y a seulement une vaste >> capacité à remplir: » Nihil est quod in te expetatur, sed est quod in te impleatur. Vous êtes vides de tout, et vous êtes principalement vides de vous-mêmes : « venez recevoir, venez vous remplir à cette >> source infinie : » Tam largo fonti vas inane admovendum est. Les autres se réjouissent d'avoir attiré à leur parti les grands et les doctes; Jésus d'y avoir attiré les petits et les simples: Confiteor tibi, Pater, Domine cæli et terræ, quia abscondisti hæc à sapientibus et prudentibus, et revelasti ea parvulis. « Je vous bénis, mon Père, Seigneur » du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux »sages et aux prudents, et de ce que vous les avez révélées aux » plus simples. »>

Et quel a été le motif d'une conduite qui blesse si fort nos idées ? C'est afin que le faste des hommes soit humilié, et que toute langue confesse que vraiment c'est Dieu seul qui a fait l'ouvrage. Jésus, considérant ce grand dessein de la sagesse de son Père, tressaillit de joie par un mouvement du Saint-Esprit : In ipsâ horâ exultavit Spiritu sancto 3. C'est quelque chose de grand, que ce qui a donné tant de joie au Seigneur Jésus. « Considérez, mes Frères, qui sont >> ceux d'entre vous qui ont été appelés à la foi; et voyez qu'il y en >> a peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu de nobles. >> Mais Dieu a choisi ce qu'il y a d'insensé selon le monde, pour con» fondre ce qu'il y a de fort. Il a choisi ce qu'il y a de vil et de mépri>> sable selon le monde, et qui n'est rien, pour détruire ce qui est >> grand, afin que nul homme ne se glorifie devant lui*. »

Rien sans doute n'étoit plus propre à faire éclater la grandeur de Dieu et son indépendance, qu'un pareil choix. A lui seul il appartient de se choisir pour ses œuvres des instruments, qui, loin d'y paroître propres, semblent n'être capables que d'en empêcher le succès; parce que c'est lui qui leur donne toute la vertu qui peut les rendre efficaces. Il est bon, pour qu'on ne puisse douter qu'il a fait tout lui seul, qu'il s'associe des coopérateurs qui, en eux-mêmes, soient absolument ineptes aux grands desseins qu'il veut accomplir par leur ministère. Et comme autrefois, entre les mains des soldats de Gédéon, de foibles vases d'argile cachoient la lumière qui devoit jeter l'épouvante dans le camp des Madianites: ici de même ces trésors de sagesse, que Dieu a voulu faire éclater dans le monde pour le salut des uns et la confusion des autres, sont portés dans des vaisseaux très-fragiles, afin que la grandeur de la puissance qui est en eux soit reconnue venir de Dieu, et non de ces foibles instru

1S.Aug., Serm. LXXXVII. n. 12. t. v. col. 468. 3.- 2 Matth., XI. 25.— 3 Luc., X. 21.-41 Cor., 1.26.-52 Cor., IV. 7.

ments, etqu'ainsi tout concoure à démontrer la vérité de l'Evangile. Et d'abord admirez, mes Frères, les circonstances frappantes que Dieu choisit pour former son Eglise. Comme il avoit différé jusqu'à la dernière extrémité l'exécution du commencement de sa promesse, de même ici il en prolonge le plein accomplissement, jusqu'au moment où tout doit paroître sans ressource. Abraham et Sara se trouvent stériles, lorsque Dieu leur annonce qu'ils auront un fils : il attend la vieillesse décrépite, devenue stérile par nature, épuisée par l'âge, pour leur découvrir ses desseins. C'est alors qu'il envoie son ange, qui les assure de sa part que dans un certain temps Sara concevra. Sara se prend à rire ; tant elle est merveilleusement surprise de la nouvelle qu'on lui déclare. Dieu, par cette conduite, veut faire voir que cette race promise est son propre ouvrage. Il a suivi le même plan dans l'établissement de son Eglise. Il laisse tout tomber, jusqu'à l'espérance: Sperabamus1; « Nous espérions, » disent ses disciples depuis sa mort. Quand Dieu veut faire voir qu'un ouvrage est tout de sa main, il réduit tout à l'impuissance et au désespoir; puis il agit. Sperabamus : C'en est fait, notre espérance est tombée et ensevelie avec lui dans le tombeau. Après la mort de Jésus-Christ, ils retournent à la pêche : jamais ils ne s'y étoient livrés durant sa vie; ils espéroient toujours, Sperabamus. C'est Pierre qui en fait la proposition: Vado piscari; venimus et nos tecum: Retournons aux poissons, laissons les hommes. Voilà le fondement qui abandonne l'édifice, le capitaine qui quitte l'armée : Pierre, le chef des apôtres, va reprendre son premier métier, et les filets, et le bateau qu'il avoit quittés. Evangile, que deviendrez-vous? Pêche spirituelle, vous ne serez plus. Mais dans ce moment Jésus vient: il ranime la foi presque éteinte de ses disciples abattus; il leur commande de reprendre le ministère qu'il leur a confié, et les rappelle au soin de ses brebis dispersées Pasce oves meas. C'en est assez pour leur rendre la paix et relever leur courage. Rassurés désormais par sa parole, fortifiés par son esprit, rien ne les étonnera, rien ne sera capable de les troubler ni le sentiment de leur foiblesse, ni la vue des obstacles, ni la grandeur du projet, ni le défaut des ressoures humaines, rien ne sauroit les ébranler dans la résolution d'exécuter tout ce que leur Maître leur a prescrit. Armés d'une ferme confiance dans le secours qui leur est promis, loin d'hésiter, ils s'affermissent par les oppositions mêmes qu'ils éprouvent; loin de craindre, ils ressentent une joie indicible au milieu des menaces et des mauvais traitements, que la seule idée du dessein qu'ils ont formé leur attire; et déjà espérant contre toute espérance, ils se regardent comme assurés de

A Luc., XXIV. 21.-2 Joan., XX. 3.

la révolution qu'ils méditent. Quel étrange changement dans ces esprits grossiers! Quelle folle présomption, ou quelle sublime et céleste inspiration les anime!

En effet, considérez, je vous prie, l'entreprise de ces pêcheurs. Jamais prince, jamais empire, jamais république n'a conçu un dessein si haut. Sans aucune apparence de secours humain, ils partagent le monde entre eux pour le conquérir. Ils se sont mis dans l'esprit de changer par tout l'univers les religions établies, et les fausses et la véritable, et parmi les Gentils, et parmi les Juifs. Ils veulent établir un nouveau culte, un nouveau sacrifice, une loi nouvelle; parce que, disent-ils, un homme qu'on a crucifié en Jérusalem l'a enseigné de la sorte. Cet homme est ressuscité, il est monté aux cieux où il est le Tout-Puissant. Nulle grâce que par ses mains, nul accès à Dieu qu'en son nom. En sa croix est établie la gloire de Dieu; en sa mort, le salut et la vie des hommes.

Mais voyons par quels artifices ils se concilieront les esprits. Venez, disent-ils, servir Jésus-Christ : quiconque se donne à lui sera heureux quand il sera mort en attendant, il faudra souffrir les dernières extrémités. Voilà leur doctrine et voilà leurs preuves; voilà leurs fins, voilà leurs moyens.

Dans une si étrange entreprise, je ne dis pas avoir réussi comme ils ont fait, mais avoir osé espérer, c'est une marque invincible de la vérité. Il n'y a que la vérité ou la vraisemblance qui puisse faire espérer les hommes. Qu'un homme soit avisé, qu'il soit téméraire, s'il espère, il n'y a point de milieu: ou la vérité le presse, ou la vraisemblance le flatte; ou la force de celle-là le convainc, ou l'apparence de celle-ci le trompe. Ici tout ce qui se voit, étonne; tout ce qui se prévoit, est contraire; tout ce qui est humain, est impossible. Donc, où il n'y a nulle vraisemblance, il faut conclure nécessairement que c'est la seule vérité qui soutient l'ouvrage. Que le monde se moque tant qu'il voudra: encore faut-il que la plus forte persuasion qui ait jamais paru sur la terre, et dans la chose la plus incroyable, et parmi les épreuves les plus difficiles, et dans les hommes les plus incrédules et les plus timides, dont le plus hardi a renié lâchement son maître, ait une cause apparente. La feinte ne va pas si loin, la surprise ne dure pas si longtemps, la folie n'est pas si réglée.

Car enfin, poussons à bout le raisonnement des incrédules et des libertins. Qu'est-ce qu'ils veulent penser de nos saints pêcheurs? Quoi, qu'ils avoient inventé une belle fable, qu'ils se plaisoient d'annoncer au monde? mais ils l'auroient faite plus vraisemblable. Que c'étoient des insensés et des imbéciles, qui ne s'entendoient

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