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voyez affligée au pied de la croix ; afin que de même que la première Eve a goûté autrefois sous l'arbre, avec son époux désobéissant, la douceur empoisonnée du fruit défendu ; ainsi l'Eve de mon Evangile s'approchât de la croix de Jésus, pour goûter avec lui toute l'amertume de cet arbre mystérieux. Mais mettons ce raisonnement dans un plus grand jour ; et posons pour premier principe que c'étoit la volonté du Sauveur des âmes, que toute sa fécondité fût dans ses souffrances. C'est lui-même qui me l'apprend, lorsqu'il se compare, dans son Evangile, à ce merveilleux grain de froment qui se multiplie en tombant par terre, et devient fécond par sa mort: Nisi granum frumenti cadens in terram mortuum fuerit, ipsum solum manel; si autem mortuum fuerit, multum fructum affert1.

En effet, tous les mystères du Sauveur Jésus sont une chute continuelle. Il est tombé du ciel en la terre, de son trône dans une crèche; de la bassesse de sa naissance il est tombé, par divers degrés, aux misères qui ont affligé sa vie : de là il a été abaissé jusqu'à l'ignominie de la croix ; de la croix il est tombé au sépulcre, et c'est là que finit sa chute parce qu'il ne pouvoit descendre plus bas. Aussi n'est-il pas plutôt arrivé à ce dernier anéantissement, qu'il a commencé de montrer sa force; et ce germe d'immortalité, qu'il tenoit caché en lui-même, sous l'infirmité de sa chair, s'étant développé par sa mort, on a vu ce grain de froment se multiplier avec abondance, et donner partout des enfants à Dieu. D'où je tire cette conséquence infaillible, que cette fécondité bienheureuse, par laquelle il nous engendre à son Père, est dans sa mort et dans ses souffrances. Venez donc, divine Marie, venez à la croix de votre cher fils; afin que votre amour maternel vous unisse à ces souffrances fécondes, par lesquelles il nous régénère.

Qui pourroit vous exprimer, Chrétiens, cette sainte correspondance, qui fait ressentir à Marie toutes les douleurs de son fils? Elle voyoit cet unique et ce bien-aimé attaché à un bois infâme, qui étendoit ses bras tout sanglants à un peuple incrédule et impitoyable; ses yeux meurtris inhumainement, et sa face devenue hideuse. Quelle étoit l'émotion du sang maternel, en voyant le sang de ce Fils qui se débordoit avec violence de ses veines cruellement déchirées! Saint Basile de Séleucie voyant la Cananée aux pieds du Sauveur, et lui faisant sa triste prière en ces mots : « Fils de David, ayez » pitié de moi; car ma fille est tourmentée par le démon, » paraphrase ainsi ses paroles: «Ayez pitié de moi, car ma fille souffre; >> je suis tourmentée en sa personne à elle la souffrance, à moi >> l'affliction. Le démon la frappe, et la nature me frappe moi-même :

1 Joan., XII. 24.— 2 Matth., XV. 22.

» je ressens tous ses coups en mon cœur, et tous les traits de la fu>> reur de Satan passent par elle jusque sur moi même 1. » Voyez la force de la nature et de l'affection maternelle. Mais comme le divin Jésus surpasse infiniment tous les fils, la douleur des mères communes est une image trop imparfaite de celle qui perce le cœur de Marie. Son affliction est comme une mer, dans laquelle son âme est toute abimée. Et par là vous voyez comme elle est unie aux souffrances de son cher Fils, puisqu'elle a le cœur percé de ses clous, et blessé de toutes ses plaies.

Mais admirez la suite de tout ce mystère. C'est au milieu de ces douleurs excessives; c'est dans cette désolation, par laquelle elle entre en société des supplices et de la croix de Jésus, que son Fils l'associe aussi à sa fécondité bienheureuse. « Femme, lui dit-il, voilà » votre fils. » Femme qui souffrez avec moi, soyez aussi féconde avec moi; soyez mère de ceux que j'engendre par mon sang et par mes blessures. Qui pourroit vous dire, Fidèles, quel fut l'effet de cette parole? elle gémissoit au pied de la croix ; et la force de la douleur x; l'avoit presque rendue insensible. Mais aussitôt qu'elle entendit cette voix mourante du dernier adieu de son Fils, ses sentiments furent réveillés par cette nouvelle blessure; il n'y eut goutte de sang en son cœur, qui ne fût aussitôt émue, et toutes ses entrailles furent renversées. «< Femme, voilà votre fils:» Ecce filius tuus. Quoi ! un autre en votre place, un autre pour vous! quel adieu me ditesvous, ô mon Fils! est-ce ainsi que vous consolez votre mère? Ainsi cette parole la tue; et pour accomplir le mystère, cette même parole la rend féconde.

Il me souvient ici, Chrétiens, de ces mères infortunées à qui on déchire les entrailles pour en arracher leurs enfants, et qui meurent pour les mettre au monde. C'est ainsi, ô bienheureuse Marie, que vous enfantez les fidèles : c'est par le cœur que vous enfantez, puisque, ainsi que nous avons dit, vous engendrez par la charité. Ces paroles de votre Fils qui étoient son dernier adieu, entrèrent dans votre cœur comme un glaive tranchant, et y portèrent jusqu'au fond, avec une douleur excessive, un amour de mère pour tous les fidèles : ainsi l'on peut dire que vous nous avez enfantés d'un cœur déchiré, par la violence d'une affliction sans mesure. Et lorsque nous paroissons devant vous, pour vous appeler notre mère, vous vous souvenez de ces mots sacrés, par lesquels Jésus-Christ vous établit dans cette qualité : de sorte que vos entrailles s'émeuvent sur nous comme sur les enfants de votre douleur.

Souvenons-nous donc, Chrétiens, que nous sommes enfants de

1 Orat. xx. in Chanan.-2 Joan., xxx. 26.

VII.

2*

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POUR LA FÊTE DU ROSAIRE.

Marie, et que c'est à la croix qu'elle nous engendre. Méditons ces belles paroles, que nous adresse l'Ecclésiastique Gemitus matris tuæ ne obliviscaris1: « N'oublie pas les gémissements de ta mère. » Quand le monde t'attire par ses voluptés, pour détourner l'imagination de ses délices pernicieuses, souviens-toi des pleurs de Marie; et n'oublie jamais les gémissements de cette mère si charitable : Ne obliviscaris gemitus. Dans les tentations violentes, lorsque tes forces sont presque abattues, que tes pieds chancèlent dans la droite voie, que l'occasion, le mauvais exemple ou l'ardeur de la jeunesse te presse, n'oublie pas les gémissements de ta mère : souviens-toi des pleurs de Marie et des incroyables douleurs qui ont déchiré son âme au Calvaire. Misérable, que veux-tu faire? veux-tu élever encore une croix, pour y attacher Jésus-Christ? veux-tu faire voir à Marie son fils crucifié encore une fois, couronner sa tête d'épines, fouler aux pieds, à ses yeux, le sang du nouveau Testament, et, par un si triste spectacle, rouvrir encore toutes les blessures de son amour maternel?

Ah! mes Frères, ne le faisons pas : souvenons-nous des pleurs de Marie, souvenons-nous des gémissements parmi lesquels elle nous engendre; c'est assez qu'elle ait souffert une fois, ne renouvelons pas ses douleurs. Au contraire, expions nos fautes par l'exercice de la pénitence: songeons que nous sommes enfants de douleurs, et que les plaisirs ne sont pas pour nous. Jésus-Christ nous enfante en mourant, Marie est notre mère par l'affliction; et nous engendrant de la sorte, tous deux nous consacrent à la pénitence. Ceux qui aiment la pénitence sont les vrais enfants de Marie: car où a-t-elle trouvé ses enfants? Les a-t-elle trouvés parmi les plaisirs, dans la pompe, dans les grandeurs et dans les délices du monde? Non, ce n'est pas là qu'elle les rencontre: elle les trouve avec Jésus-Christ, et avec Jésus-Christ souffrant; elle les trouve au pied de sa croix, se crucifiant avec lui, s'arrosant de son divin sang, et buvant l'amour des souffrances aux sources sanglantes de ses blessures. Tels sont les enfants de Marie. Ah! mes Frères, nous n'en sommes pas, nous ne sommes pas de ce nombre. Nous ne respirons que l'amour du monde, son éclat, son repos et sa liberté : liberté fausse et imaginaire, par laquelle nous nous trouvons engagés à la damnation éternelle.

Mais, o bienheureuse Marie, nous espérons que par vos prières nous éviterons tous ces maux qui menacent notre impénitence. Faites donc, mère charitable, que nous aimions le Père céleste, qui nous adopte par son amour, et ce Rédempteur miséricordieux, qui

1 Eccli., VII. 29.

nous engendre par ses souffrances. Faites que nous aimions la croix de Jésus, afin que nous soyons vos enfants; afin que vous nous montriez un jour, dans le ciel, le fruit de vos bénites entrailles, et que nous jouissions avec lui de la gloire que sa bonté nous a préparée. Amen.

SERMON

SUR L'UNITÉ DE L'ÉGLISE *.

Quàm pulchra tabernacula tua, Jacob, et tentoria tua, Israel!

Que vos tentes sont belles, ô enfants de Jacob! que vos pavillons, ô Israélites, sont merveilleux! C'est ce que dit Balaam, inspiré de Dieu, à la vue du camp d'Israël dans le désert. Au livre des Nombres, XXIV. 1, 2, 3, 5.

MESSEIGNEURS,

C'est sans doute un grand spectacle de voir l'Eglise chrétienne figurée dans les anciens Israélites; la voir, dis-je, sortie de l'Egypte et des ténèbres de l'idolâtrie, cherchant la terre promise à travers d'un désert immense, où elle ne trouve que d'affreux rochers et des sables brûlants; nulle terre, nulle culture, nul fruit; une sécheresse effroyable; nul pain qu'il ne lui faille envoyer du ciel; nul rafraîchissement qu'il ne lui faille tirer par miracle du sein d'une roche; toute la nature stérile pour elle, et aucun bien que par grâce: mais ce n'est pas ce qu'elle a de plus surprenant. Dans l'horreur de cette vaste solitude, on la voit environnée d'ennemis; ne marchant jamais qu'en bataille; ne logeant que sous des tentes; toujours prête à déloger et à combattre : étrangère que rien n'attache, que rien ne contente ; qui regarde tout en passant, sans vouloir jamais s'arrêter : heureuse néanmoins en cet état; tant à cause des consolations qu'elle reçoit durant le voyage, qu'à cause du glorieux et immuable repos qui sera la fin de sa course. Voilà l'image de l'Eglise pendant qu'elle voyage sur la terre.

Balaam la voit dans le désert: son ordre, sa discipline, ses douze tribus rangées sous leurs étendards: Dieu, son chef invisible, au milieu d'elle Aaron, prince des prêtres et de tout le peuple de Dieu, chef visible de l'Eglise sous l'autorité de Moïse, souverain législateur et figure de Jésus-Christ: le sacerdoce étroitement uni avec la magistrature: tout en paix par le concours de ces deux puissances: Coré et ses sectateurs, ennemis de l'ordre et de la paix, engloutis à la vue de tout le peuple, dans la terre soudainement entr'ouverte sous leurs pieds, et ensevelis tout vivants dans les en

*Ce sermon fut prêché à l'ouverture de l'assemblée générale du clergé de France le 9 nos vembre 1681, à la messe solennelle du Saint-Esprit, dans l'église des Grands-Augustins.

fers. Quel spectacle! quelle assemblée! quelle beauté de l'Eglise! Du haut d'une montagne, Balaam la voit toute entière; et au lieu de la maudire comme on l'y vouloit contraindre, il la bénit. On le détourne, on espère lui en cacher la beauté, en lui montrant ce grand corps par un coin d'où il ne puisse en découvrir qu'une partie ; et il n'est pas moins transporté parce qu'il voit cette partie dans le tout, avec toute la convenance et toute la proportion qui les assortit l'un avec l'autre. Ainsi, de quelque côté qu'il la considère, il est hors de lui; et ravi en admiration il s'écrie: Quàm pulchra tabernacula tua, Jacob, et tentoria tua, Israel! «Que vous êtes admi>> rables sous vos tentes, enfants de Jacob! » quel ordre dans votre camp! quelle merveilleuse beauté paroît dans ces pavillons si sagement arrangés; et si vous causez tant d'admiration sous vos tentes et dans votre marche, que sera-ce quand vous serez établis dans votre patrie!

Il n'est pas possible, mes Frères, qu'à la vue de cette auguste assemblée vous n'entriez dans de pareils sentiments. Une des plus belles parties de l'Eglise universelle se présente à vous. C'est l'Eglise gallicane qui vous a tous engendrés en Jésus-Christ: Eglise renommée dans tous les siècles, aujourd'hui représentée par tant de prélats que vous voyez assistés de l'élite de leur clergé, et tous ensemble prêts à vous bénir, prêts à vous instruire selon l'ordre qu'ils en ont reçu du ciel. C'est en leur nom que je vous parle : c'est par leur autorité que je vous prêche. Qu'elle est belle, cette Eglise gallicane, pleine de science et de vertu! mais qu'elle est belle dans son tout, qui est l'Eglise catholique; et qu'elle est belle saintement et inviolablement unie à son chef, c'est-à-dire, au successeur de saint Pierre! Oh! que cette union ne soit point troublée! que rien n'altère cette paix et cette unité où Dieu habite!

Esprit saint, Esprit pacifique, qui faites habiter les frères unanimement dans votre maison, affermissez-y la paix. La paix est l'objet de cette assemblée : au moindre bruit de division nous accourons effrayés, pour unir parfaitement le corps de l'Eglise, le père et les enfants, le chef et les membres, le sacerdoce et l'empire. Mais puisqu'il s'agit d'unité, commençons à nous unir par des vœux communs, et demandons tous ensemble la grâce du Saint-Esprit par l'intercession de la sainte Vierge. Ave.

MESSEIGNEURS,

<< Regarde, et fais selon le modèle qui t'a été montré sur la mon>> tagne. » C'est ce qui fut dit à Moïse, lorsqu'il eut ordre de con

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