Sayfadaki görseller
PDF
ePub

là qu'est né l'amour de Marie : il s'est fait une effusion du cœur de Dieu dans le sien; et l'amour qu'elle a pour son fils, lui est donné de la même source qui lui a donné son fils même. Après cette mystérieuse communication, que direz-vous, ô raison humaine, prétendrez- vous pouvoir comprendre l'union de Marie avec JésusChrist; car elle tient quelque chose de cette parfaite unité qui est entre le Père et le Fils? N'entreprenez pas non plus d'expliquer quel est cet amour maternel qui vient d'une source si haute, et qui n'est qu'un écoulement de l'amour du Père pour son Fils unique : que si vous n'êtes pas capable d'entendre ni sa force ni sa véhémence, croirez- vous pouvoir vous représenter et ses mouvements et ses transports? Chrétiens, il n'est pas possible; et tout ce que nous pouvons entendre, c'est qu'il n'y eut jamais de si grand effort que celui que faisoit Marie pour se réunir à Jésus, ni jamais de violence pareille à celle que souffroit son cœur dans cette désunion.

Après la triomphante ascension du Sauveur Jésus et la descente tant promise de l'Esprit de Dieu, vous n'ignorez pas que la trèsheureuse Marie demeura encore assez longtemps sur la terre. De vous dire quelles étoient ses occupations, et quels ses mérites pendant son pèlerinage, je n'estime pas que ce soit une chose que les hommes doivent entreprendre. Si aimer Jésus, si être aimé de Jésus, ce sont deux choses qui attirent les divines bénédictions sur les âmes, quel abîme de grâces n'avoit point, pour ainsi dire, inondé celle de Marie! Qui pourroit décrire l'impétuosité de cet amour mutuel, à laquelle concouroit tout ce que la nature a de tendre, tout ce que la grâce a d'efficace? Jésus ne se lassoit jamais de se voir aimé de sa mère : cette sainte mère ne croyoit jamais avoir assez d'amour pour cet unique et ce bien-aimé ; elle ne demandoit autre grâce à son fils, sinon de l'aimer, et cela même attiroit sur elle de nouvelles grâces.

Il est certain, Chrétiens, nous pouvons bien avoir quelque idée grossière de tous ces miracles; mais de concevoir quelle étoit l'ardeur, quelle la véhémence de ces torrents de flammes qui de Jésus alloient déborder sur Marie, et de Marie retournoient continuellement à Jésus croyez-moi, les séraphins, tout brûlants qu'ils sont, ne le peuvent faire. Mesurez, si vous pouvez, à son amour la sainte impatience qu'elle avoit d'être réunie à son fils. Parce que le Fils de Dieu ne désiroit rien tant que ce baptême sanglant1 qui devoit laver nos iniquités, il se sentoit pressé en soi-même d'une manière incroyable, jusqu'à ce qu'il fût accompli. Quoi! il auroit eu une telle impatience de mourir pour nous, et sa mère n'en auroit point

1 Luc., XII. 50.

[ocr errors]

eu de vivre avec lui? Si le grand apôtre saint Paul veut rompre incontinent les liens du corps, pour aller chercher son maître à la droite de son père, quelle devoit être l'émotion du sang maternel! Le jeune Tobie pour une absence d'un an, perce le cœur de sa mère d'inconsolables douleurs. Quelle différence entre Jésus et Tobie! et quels regrets la Vierge [ ne ressentoit-elle pas, de se voir si longtemps séparée d'un fils qu'elle aimoit uniquement! ] Quoi! disoit-elle quand elle voyoit quelque fidèle partir de ce monde, par exemple, saint Etienne, et ainsi des autres, quoi! mon fils, à quoi me réservezvous désormais? et pourquoi me laissez-vous ici la dernière? S'il ne faut que du sang pour m'ouvrir les portes du ciel; vous qui avez voulu que votre corps fût formé du mien, vous savez bien qu'il est prêt à être répandu pour votre service. J'ai vu dans le temple ce saint vieillard Siméon, après vous avoir amoureusement embrassé, ne demander autre chose que de quitter bientôt cette vie; tant il est doux de jouir même un moment de votre présence: et moi je ne souhaiterois point de mourir bientôt, pour vous aller embrasser au saint trône de votre gloire? Après m'avoir amenée au pied de votre croix pour vous voir mourir, comment me refusez-vous si longtemps de vous voir régner? Laissez, laissez seulement agir mon amour; il aura bientôt désuni mon âme de ce corps mortel, pour me transporter à vous en qui seul je vis.

Si vous m'en croyez, âmes saintes, vous ne travaillerez pas vos esprits à chercher d'autre cause de sa mort. Cet amour étant si ardent, si fort et si enflammé; il ne poussoit pas un seul soupir, qu ne dût rompre tous les liens de ce corps mortel il ne formoit pas un regret, qui ne dût en troubler toute l'harmonie; il n'envoyoit pas un désir au ciel, qui ne dût tirer avec soi l'âme de Marie. Ah! je vous ai dit, Chrétiens, que la mort de Marie est miraculeuse; je change maintenant de discours: tellement que la mort n'est pas le miracle; c'en est plutôt la cessation : le miracle continuel, c'étoit que Marie pût vivre séparée de son bien-aimé.

Mais pourrai-je vous dire comment a fini ce miracle, et de quelle sorte il est arrivé que l'amour lui ait donné le coup de la mort ? est-ce quelque désir plus enflammé, est-ce quelque mouvement plus actif, est-ce quelque transport plus violent, qui est venu détacher cette ame? S'il m'est permis, Chrétiens, de vous dire ce que je pense, j'attribue ce dernier effet, non point à des mouvements extraordinaires, mais à la seule perfection de l'amour de la sainte Vierge. Car comme ce divin amour régnoit dans son cœur sans aucun obstacle, et occupoit toutes ses pensées, il alloit de jour en jour s'aug

1 Phil., 1. 21, 23.

mentant par son action, se perfectionnant par ses désirs, se multipliant par soi-même : de sorte qu'il vint enfin, s'étendant toujours, à une telle perfection, que la terre n'étoit plus capable de le contenir. Va, mon fils, disoit ce roi grec *; étends bien loin tes conquêtes": mon royaume est trop petit pour te renfermer. O amour de la sainte Vierge! ta perfection est trop éminente, tu ne peux plus tenir dans un corps mortel; ton feu pousse des flammes trop vives, pour pouvoir être couvert sous cette cendre. Va briller dans l'éternité, va brûler devant la face de Dieu; va te perdre dans son sein immense, qui seul est capable de te contenir. Alors la divine Vierge rendit sans peine et sans violence, sa sainte et bienheureuse âme entre les mains de son fils. Il ne fut pas nécessaire que son amour s'efforçât par des mouvements extraordinaires. Comme la plus légère secousse détache de l'arbre un fruit déjà mùr; comme une flamme s'élève et vole d'elle-même au lieu de son centre: ainsi fut cueillie cette âme bénite, pour être tout d'un coup transportée au ciel; ainsi mourut la divine Vierge par un élan de l'amour divin: son âme fut portée au ciel sur une nuée de désirs sacrés. Et c'est ce qui fait dire aux saints anges: « Qui est celle-ci, qui s'élève comme la fumée odori>> férante d'une composition de myrrhe et d'encens? » Quæ est ista, quæ ascendit sicut virgula fumi ex aromatibus myrrhæ et thuris 1? Belle et excellente comparaison, qui nous explique admirablement la manière de cette mort heureuse et tranquille. Cette fumée odoriférante que nous voyons s'élever d'une composition de parfums, n'en est pas arrachée par force, ni poussée dehors avec violence : une chaleur douce et tempérée la détache délicatement, et la tourne en une vapeur subtile qui s'élève comme d'elle-même. C'est ainsi que l'âme de la sainte Vierge a été séparée du corps : on n'en a pas ébranlé tous les fondements par une secousse violente; une divine chaleur l'a détachée doucement du corps, et l'a élevée à son bienaimé sur une nuée de saints désirs. C'est son chariot de triomphe; c'est l'amour, comme vous voyez, qui l'a lui-même construit de ses propres mains.

Apprenons de là, Chrétiens, à désirer Jésus-Christ, puisqu'il est infiniment désirable. Mais qui vous désire, ô Jésus! pourrai-je bien trouver dans cette audience un cœur qui soupire après vous, et à qui ce corps soit à charge? Mes Sœurs, ces chastes désirs se trouvent rarement dans le monde ; et une marque bien évidente qu'on désire peu Jésus-Christ, c'est le repos que l'on sent dans la jouissance des biens de la terre. Lorsque la fortune vous rit, et que vous avez tout

*Philippe à Alexandre.

1 Cant., III. 6.

ensemble les richesses pour fournir aux plaisirs, et la santé pour les goûter à votre aise; en vérité, Chrétiens, souhaitez-vous un autre paradis? vous imaginez-vous un autre bonheur? Si vous laissez parler votre cœur, il vous dira qu'il se trouve bien, et qu'il se contente d'une telle vie. Dans cette disposition, je ne crains pas de vous assurer que vous n'êtes pas chrétiens et si vous voulez mériter ce titre, savez-vous ce qu'il vous faut faire? Il faut que vous croyiez que tout vous manque, lorsque le monde croit que tout vous abonde; Il faut que vous gémissiez parmi tout ce qui plaît à la nature, et que vous n'espériez jamais de repos que lorsque vous serez avec Jésus-Christ. Autrement, voici un beau mot de saint Augustin1: « Si vous ne gémissez pas comme voyageurs, vous ne vous réjouirez >> pas comme citoyens » Qui non gemit peregrinus, non gaudebit civis; c'est-à-dire que vous ne serez jamais habitants du ciel, parce que vous avez voulu l'être de la terre : refusant le travail du voyage, vous n'aurez pas le repos de la patrie; et vous arrêtant où il faut marcher, vous n'arriverez pas où il faut parvenir. C'est pourquoi Marie a toujours gémi en se souvenant de Sion; son cœur n'avoit point de paix, éloigné de son bien-aimé. Enfin ses désirs l'ont conduite à lui, en lui donnant une heureuse mort. Mais elle ne demeurera pas longtemps dans son ombre, et la sainte virginité attirera bientôt sur son corps une influence de vie; c'est le deuxième point de ce discours.

DEUXIÈME POINT.

Le corps sacré de Marie, le trône de la chasteté, le temple de la sagesse incarnée, l'organe du Saint-Esprit et le siége de la vertu du Très-Haut, n'a pas dû demeurer dans le tombeau ; et le triomphe de Marie seroit imparfait, s'il s'accomplissoit sans sa sainte chair qui a été comme la source de sa gloire. Venez donc, vierges de JésusChrist, chastes épouses du Sauveur des âmes, venez admirer les beautés de cette chair virginale, et contempler trois merveilles que la sainte virginité opère sur elle. La sainte virginité la préserve de corruption; et ainsi elle lui conserve l'être la sainte virginité lui attire une influence céleste, qui la fait ressusciter avant le temps; ainsi elle lui rend la vie : la sainte virginité répand sur elle de toutes parts une lumière divine; et ainsi elle lui donne la gloire. C'est ce qu'il nous faut expliquer par ordre.

Je dis donc, avant toutes choses, que la sainte virginité est comme un baume divin, qui préserve de corruption le corps de Marie; et vous en serez convaincues, si vous méditez attentivement quelle a

1 In Psal. CXLVIII. n. 4. tom. iv. col. 1675.

été la perfection de sa pureté virginale. Pour nous en former quelque idée, posons d'abord ce principe: que Jésus-Christ notre Sauveur, étant uni si étroitement, selon la chair, à la sainte Vierge, cette union si particulière a dû nécessairement être accompagnée d'une entière conformité. Jésus a cherché son semblable; et c'est pourquoi cet Epoux des vierges a voulu avoir une mère vierge : afin d'établir cette ressemblance comme le fondement de cette union. Cette vérité étant supposée, vous jugez bien, âmes chrétiennes, qu'il ne faut rien penser de commun de la pureté de Marie. Non, jamais vous ne vous en formerez une juste idée; jamais vous n'en comprendrez la perfection, jusqu'à ce que vous ayez entendu qu'elle a opéré dans cette vierge-mère une parfaite intégrité d'esprit et de corps. Et c'est ce qui a fait dire au grand saint Thomas' qu'une grâce extraordinaire a répandu sur elle, avec abondance, une céleste rosée, qui a non-seulement tempéré, comme dans les autres élus, mais éteint tout le feu de la convoitise, c'est-à-dire, nonseulement les mauvaises œuvres, qui sont comme l'embrasement qu'elle excite, non-seulement les mauvais désirs, qui sont comme la flamme qu'elle pousse, et les mauvaises inclinations, qui sont comme l'ardeur qu'elle entretient, mais encore le brasier et le foyer même, comme parle la théologie, fames peccati: c'est-à-dire, selon son langage, la racine la plus profonde et la cause la plus intime du mal. Après cela, Chrétiens, comment la chair de la sainte Vierge auroit-elle été corrompue, à laquelle la virginité d'esprit et de corps, et cette parfaite conformité avec Jésus-Christ, a ôté avec le foyer de la convoitise, tout le principe de corruption?

Car ne vous persuadez pas que nous devions considérer la corruption, selon les raisonnements de la médecine, comme une suite naturelle de la composition et du mélange. Il faut élever plus haut nos pensées; et croire, selon les principes du christianisme, que ce qui engage la chair à la nécessité d'être corrompue, c'est qu'elle est un attrait au mal, une source de mauvais désirs, enfin « une >> chair de péché, » comme parle l'apôtre saint Paul 2, caro peccati. Une telle chair doit être détruite, je dis même dans les élus; parce qu'en cet état de chair de péché elle ne mérite pas d'être réunie à une âme bienheureuse ni d'entrer dans le royaume de Dieu, « que » la chair et le sang ne sauroient posséder : » Caro et sanguis regnum Dei non possidebunt. Il faut donc qu'elle change sa première forme, afin d'être renouvelée, et qu'elle perde tout son premier être, pour en recevoir un second de la main de Dieu. Comme un vieux bâtiment irrégulier qu'on laisse tomber pièce à pièce; afin de le dresser 1 III. part, quæst. xxvII. art. 3.—2 Rom., VIII. 3.-3 1 Cor., XV. 50.

« ÖncekiDevam »