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dit, et tous les sages conseils : vous trouverez un esprit de raillerie inconsidérée, qui naît parmi l'enjouement des conversations. Quiconque en est possédé croit que toute la vie n'est qu'un jeu : on ne veut que se divertir; et la face de la raison, si je puis parler de la sorte, paroît trop sérieuse et trop chagrine.

Mais à quoi est-ce que je m'étudie? à chercher des causes secrètes du dégoût que vous donne la piété? Il y en a de plus grossières et de plus palpables: on sait quelles sont les pensées qui arrêtent le monde ordinairement. On n'aime point la piété véritable, parce que, contente des biens éternels, elle ne donne point d'établissement sur la terre, elle ne fait point la fortune de ceux qui la suivent. C'est l'objection ordinaire que font à Dieu les hommes du monde : mais il y a répondu, d'une manière digne de lui, par la bouche du prophète Malachie 1. « Vos paroles se sont élevées contre moi, dit le >> Seigneur, et vous avez répondu : Quelles paroles avons-nous pro» férées contre vous? Vous avez dit : Celui qui sert Dieu se tour>> mente en vain. Quel bien nous est-il revenu d'avoir gardé ses >> commandements, et d'avoir marché tristement devant sa face? Les >> hommes superbes et entreprenants sont heureux : car ils se sont » établis en vivant dans l'impiété; et ils ont tenté Dieu en songeant » à se faire heureux malgré ses lois, et ils ont fait leurs affaires.»

Voilà l'objection des impies, proposée dans toute sa force par le Saint-Esprit. « A ces mots, poursuit le prophète, les gens de bien, » étonnés se sont parlé secrètement les uns aux autres. » Personne sur la terre n'ose entreprendre, ce semble, de répondre aux impies qui attaquent Dieu avec une audace si insensée; mais Dieu répondra lui-même. << Le Seigneur a prêté l'oreille à ces choses, dit le prophète, >> et il les a ouïes : il a fait un livre où il écrit les noms de ceux qui » le servent; et en ce jour où j'agis, dit le Seigneur des armées, » c'est-à-dire, en ce dernier jour où j'achève tous mes ouvrages, ой » je déploie ma miséricorde et ma justice; en ce jour, dit-il, les gens » de bien seront ma possession particulière; je les traiterai comme » un bon père traite un fils obéissant. Alors vous vous retournerez, » ô impies! vous verrez de loin leur félicité, dont vous serez exclus » pour jamais; et vous verrez alors quelle différence il y a entre le >> juste et l'impie, entre celui qui sert Dieu et celui qui méprise ses >> lois. » C'est ainsi que Dieu répond aux objections des impies. Vous n'avez pas voulu croire que ceux qui me servent puissent être heureux vous n'en avez cru ni ma parole, ni l'expérience des autres; votre expérience vous en convaincra; vous les verrez heureux, et vous vous verrez misérables: Hæc dicit Dominus faciens hæc : « C'est ce

▲ Mal., III. 13 et seq.

>> que dit le Seigneur : il l'en faut croire : car lui-même qui le dit, c'est lui >> qui le fait ; » et c'est ainsi qu'il fait taire les superbes et les incrédules. Serez-vous assez heureux pour profiter de cet avis, et pour prévenir sa colère? Allez, Messieurs, et pensez-y: ne songe point au prédicateur qui vous a parlé, ni s'il a bien dit, ni s'il a mal dit : qu'importe qu'ait dit un homme mortel? Il y a un prédicateur invisible qui prêche dans le fond des cœurs; c'est celui-là que les prédicateurs et les auditeurs doivent écouter. C'est lui qui parle intérieurement à celui qui parle au dehors, et c'est lui que doivent entendre au dedans du cœur tous ceux qui prêtent l'oreille aux discours sacrés. Le prédicateur, qui parle au dehors, ne fait qu'un seul sermon pour tout un grand peuple: mais le prédicateur du dedans, je veux dire le Saint-Esprit, fait autant de prédications différentes qu'il y a de personnes dans un auditoire; car il parle à chacun en particulier, et lui applique selon ses besoins la parole de la vie éternelle. Ecoutezle donc, Chrétiens; laissez-lui remuer au fond de vos cœurs ce secret principe de l'amour de Dieu.

Esprit saint, Esprit pacifique, je vous ai préparé les voies en prêchant votre parole. Ma voix a été semblable peut-être à ce bruit impé– tueux qui a prévenu votre descente : descendez maintenant, ô feu invisible; et que ces discours enflammés, que vous ferez au dedans des cœurs, les remplissent d'une ardeur céleste. Faites-leur goûter la vie éternelle, qui consiste à connoître et à aimer Dieu : donnezleur un essai de la vision, dans la foi; un avant-goût de la possession, dans l'espérance; une goutte de ce torrent de délices qui enivre les bienheureux, dans les transports célestes de l'amour divin.

Et vous, ma sœur, qui avez commencé à goûter ces chastes délices, descendez, allez à l'autel; victime de la pénitence, allez achever votre sacrifice le feu est allumé, l'encens est prêt, le glaive est tiré : le glaive, c'est la parole qui sépare l'àme d'avec elle-même, pour l'attacher uniquement à son Dieu. Le sacré pontife vous attend*, avec ce voile mystérieux que vous demandez. Enveloppez-vous dans ce voile vivez cachée à vous-même, aussi bien qu'à tout le monde ; et connue de Dieu, échappez-vous à vous-même, sortez de vousmême, et prenez un si noble essor, que vous ne trouviez de repos que dans l'essence du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

* M. l'archevêque de Paris.

ORAISONS FUNÈBRES*.

ORAISON FUNÈBRE

DE HENRIETTE-MARIE DE FRANCE,

REINE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

Prononcée le 16 novembre 1669, en présence de Monsieur, frère unique du Roi, et de Madame, en l'église des religieuses de Sainte-Marie de Chaillot, où repose le cœur de Sa Majesté.

NOTICE

SUR HENTIETTE-MARIE DE FRANCE, REINE DE LA GRANDE-BRETAGNE.

HENRIETTE-MARIE étoit la sixième des enfants que Henri IV, roi de France, eut de son mariage avec Marie de Médicis. Elle naquit en 1609. En 1625, elle épousa Charles Ier, roi d'Angleterre, si connu par ses revers et sa mort malheureuse. Louis XIII, frère aîné de la princesse, n'avoit consenti à ce mariage, qu'à condition que le pape accorderoit une dispense à cause de la différence de religion. Cette dispense fut accordée, et la jeune Reine, qui, aux termes du contrat de mariage, devoit jouir de la plus grande liberté relativement à l'exercice du culte catholique, partit pour l'Angleterre, suivie de son confesseur, le P. de Bérulle, depuis cardinal, et de douze autres prêtres de la congrégation de l'Oratoire. Ces prêtres furent accusés de travailler secrètement à faire des prosélytes à la religion catholique, et la Reine fut obligée de les remplacer par des capucins qui déplurent, comme leurs prédécesseurs. Bientôt le feu des discordes civiles et religieuses s'alluma avec fureur; il fit de la vie de la Reine d'Angleterre et de celle du Roi un enchaînement de catastrophes plus tragiques les unes que les autres. En Ecosse et en Angleterre, on se révolta, on prit les armes, et le Roi eut à combattre ses propres sujets. Dans tout le cours de cette guerre malheureuse, il y eut quelques intervalles de calme et de soumission; mais les rebelles augmentant chaque jour d'audace et de puissance, le Roi fut obligé de quitter Londres, et de se séparer de la Reine. Celle-ci alla en Hollande chercher à son époux des secours en hommes et en argent. Une furieuse tempête l'accueillit à son retour, lui fit perdre deux vaisseaux, et la rejeta sur les côtes de Hollande, d'où elle repartit encore, et aborda en Angleterre. Cinq vaisseaux ennemis, avertis de sa descente, vinrent canonner le lieu où elle étoit retirée. Elle y courut les plus grands dangers; et dans cette occasion, comme dans toutes celles qui suivirent, montra, avec le plus grand zèle pour la cause de son époux, un courage au-dessus de son sexe et de sa fortune. Forcée de quitter encore le Roi, qu'elle avoit rejoint, et qu'elle accompagnoit partout, elle se réfugia à Exeter, où elle accoucha d'une fille ( Henriette-Anne), qui fut depuis duchesse d'Orléans.

* Les Notices que nous avons cru devoir placer à la tête des Oraisons funèbres ont déjà été imprimées plusieurs fois. Nous les avons un peu retouchées. Elles ne sont guère que des extraits des longues Notices, jointes par l'abbé Lequeux à l'édition des Oraisons funèbres, qu'il publia en 1762. Le texte de Bossuet fut revu avec assez de soin, pour cette édition. Nous avons suivi exactement les corrections indiquées par Lequeux; et nous en avons fait plusieurs autres, qu'une lecture attentive des premières éditions nous a fournies. Les quatre dernières Oraisons funèbres sont fort inférieures aux six premières : Bossuet ne les avoit pas fait imprimer. On y trouve néanmoins des traits dignes de son génie.

La Reine eut à peine le temps de se rétablir de ses couches, et fut obligée de chercher en France un asile contre la fureur de ses ennemis. Sa tête étoit mise à prix. Il lui fallut abandonner son enfant à des mains étrangères: puis, s'embarquant pour sa terre natale, se confier encore à la mer orageuse. Là, elle fut de nouveau surprise par la tempête, qui lui enleva un vaisseau; et poursuivie à coups de canon jusque sur les côtes de France, elle y aborda enfin, après s'être vue mille fois en danger de perdre la vie. Mais en France d'autres calamités l'attendoient encore. C'étoit le temps des guerres de la fronde. Souvent insultée par les frondeurs, jusque dans le Louvre, où elle demeuroit, elle éprouva même le besoin des choses nécessaires à la vie, et se vit forcée de demander au parlement ce qu'elle appeloit elle-même une aumône pour subsister. C'est dans cette triste situation qu'elle apprit la mort du Roi son mari, que Cromwel fit condamner à mort, et décapiter le 9 février 1649. La Reine alors ne songea plus qu'à s'assurer une retraite, pour y cacher son infortune, et finir tranquillement ses jours. C'est dans cette vue qu'elle fonda à Chaillot le couvent de la Visitation elle vint s'y établir avec le Roi son fils et ses autres enfants, qu'elle faisoit instruire dans la foi catholique. Enfin le calme rétabli en France, le retour de la famille royale à Paris, et peu de temps après, le rétablissement inespéré de son fils Charles II au trône de ses ancêtres, lui permirent, après tant de malheurs, de goûter quelques jours sereins. Le désir de voir le Roi son fils tranquille possesseur de sa couronne, et surtout l'espoir d'être utile aux catholiques, la déterminèrent à faire jusqu'à deux fois le voyage d'Angleterre, où elle reçut sur son passage tous les témoignages de la joie et de l'affection du peuple. Son dessein, en revenant en France, étoit de finir ses jours dans cette même retraite de la Visitation de Chaillot, où elle avoit vécu d'abord. Elle avoit aussi une maison à Colombe, près Paris, où elle alloit passer la belle saison; ce fut là qu'elle mourut, le 10 septembre 1669, âgée de soixante ans.

Louis XIV fit transporter son corps à Saint-Denis, et son cœur au couvent de la Visitation à Chaillot, où elle avoit choisi sa sépulture. Quarante jours après, le duc d'Orléans son gendre (Monsieur) et la princesse Henriette sa fille (Madame) lui firent faire un service solennel, où Bossuet, pour lors évêque de Condom, prononça son oraison funèbre.

Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram.

Maintenant, ô rois, apprenez: instruisez-vous, juges de la terre. Ps. II. 10.

MONSEIGNEUR,

Celui qui règne dans les cieux, et de qui relèvent tous les empires, à qui seul appartient la gloire, la majesté et l'indépendance, est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et de terribles leçons. Soit qu'il élève les trônes, soit qu'il les abaisse, soit qu'il communique sa puissance aux princes, soit qu'il la retire à lui-même, et ne leur laisse que leur propre foiblesse ; il leur apprend leurs devoirs d'une manière souveraine, et digne de lui. Car, en leur donnant sa puissance, il leur commande d'en user comme il fait lui-même, pour le bien du monde ; et il leur fait voir, en la retirant, que toute leur majesté est empruntée, et que pour être assis sur le trône, ils n'en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême. C'est ainsi qu'il instruit les princes, non-seulement par des discours et par des paroles, mais encore par des effets et par des exemples. Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram.

Chrétiens, que la mémoire d'une grande Reine, fille, femme, mère

de rois si puissants, et souveraine de trois royaumes, appelle de tous côtés à cette triste cérémonie; ce discours vous fera paroître un de ces exemples redoutables, qui étalent aux yeux du monde sa vanité toute entière. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines; la félicité sans bornes, aussi bien que les misères; une longue et paisible jouissance d'une des plus nobles couronnes de l'univers; tout ce que peuvent donner de plus glorieux la naissance et la grandeur accumulées sur une tète, qui ensuite est exposée à tous les outrages de la fortune; la bonne cause d'abord suivie de bons succès, et depuis, des retours soudains, des changements inouïs; la rébellion longtemps retenue, à la fin tout à fait maîtresse; nul frein à la licence; les lois abolies; la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus; l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté; une reine fugitive, qui ne trouve aucune retraite dans trois royaumes, et à qui sa propre patrie n'est plus qu'un triste lieu d'exil; neuf voyages sur mer, entrepris par une princesse, malgré les tempêtes; l'Océan étonné de se voir traversé tant de fois en des appareils si divers, et pour des causes si différentes; un trône indignement renversé, et miraculeusement rétabli. Voilà les enseignements que Dieu donne aux róis : ainsi fait-il voir au monde le néant de ses pompes et de ses grandeurs. Si les paroles nous manquent, si les expressions ne répondent pas à un sujet si vaste et si relevé, les choses parleront assez d'ellesmêmes. Le cœur d'une grande Reine, autrefois élevé par une si longue suite de prospérités, et puis plongé tout-à-coup dans un abîme d'amertumes, parlera assez haut; et s'il n'est pas permis aux particuliers de faire des leçons aux princes sur des événements si étranges, un roi me prête ses paroles pour leur dire: Et nunc, reges, intelligite; erudimini, qui judicatis terram : « Entendez, ô » grands de la terre; instruisez-vous, arbitres du monde. »

Mais la sage et religieuse princesse qui fait le sujet de ce discours 'n'a pas été seulement un spectacle proposé aux hommes pour y étudier les conseils de la divine Providence, et les fatales révolutions des monarchies; elle s'est instruite elle-même, pendant que Dieu instruisoit les princes par son exemple. J'ai déjà dit que ce grand Dieu les enseigne, et en leur donnant et en leur ôtant leur puissance. La Reine, dont nous parlons, a également entendu deux leçons si opposées; c'est-à-dire, qu'elle a usé chrétiennément de la bonne et de la mauvaise fortune. Dans l'une, elle a été bienfaisante; dans l'autre, elle s'est montrée toujours invincible. Tant qu'elle a été heureuse, elle a fait sentir son pouvoir au monde par des bontés infinies; quand la fortune l'eut abandonnée, elle s'enrichit plus que

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