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ci, et sa main n'est pas affoiblie. Je me confie pour MADAME en cette miséricorde, qu'elle a si sincèrement et si humblement réclamée. Il semble que Dieu ne lui ait conservé le jugement libre jusqu'au dernier soupir, qu'afin de faire durer les témoignages de sa foi. Elle a aimé en mourant le Sauveur Jésus, les bras lui ont manqué plutôt que l'ardeur d'embrasser la croix ; j'ai vu sa main défaillante chercher encore en tombant de nouvelles forces pour appliquer sur ses lèvres ce bienheureux signe de notre rédemption: n'est-ce pas mourir entre les bras et dans le baiser du Seigneur? Ah! nous pouvons achever ce saint sacrifice pour le repos de MADAME, avec une pieuse confiance. Ce Jésus en qui elle a espéré, dont elle a porté la croix en son corps par des douleurs si cruelles, lui donnera encore son sang, dont elle est déja toute teinte, toute pénétrée, par la participation à ses sacrements, et par la com munion avec ses souffrances.

Mais en priant pour son âme, Chrétiens, songeons à nous-mêmes. Qu'attendons-nous pour nous convertir? quelle dureté est semblable à la nôtre, si un accident si étrange, qui devroit nous pénétrer jusqu'au fond de l'âme, ne fait que nous étourdir pour quelques moments? Attendons-nous que Dieu ressuscite des morts, pour nous instruire? Il n'est point nécessaire que les morts reviennent; ni que quelqu'un sorte du tombeau : ce qui entre aujourd'hui dans le tombeau doit suffire pour nous convertir. Car si nous savons nous connoître, nous confessons, Chrétiens, que les vérités de l'éternité sont assez bien établies; nous n'avons rien que de foible à leur opposer; c'est par passion, et non par raison, que nous osons les combattre. Si quelque chose les empêche de régner sur nous, ces saintes et salutaires vérités, c'est que le monde nous occupe; c'est que les sens nous enchantent; c'est que le présent nous entraîne. Faut-il un autre spectacle pour nous détromper et des sens, et du présent, et du monde ? La Providence divine pouvoit-elle nous mettre en vue, ni de plus près, ni plus fortement, la vanité des choses humaines ? et si nos coeurs s'endurcissent après un avertissement si sensible, que lui reste-t-il autre chose, que de nous frapper nous-mêmes sans miséricorde? Prévenons un coup si funeste; et n'attendons pas toujours des miracles de la grace. Il n'est rien de plus odieux à la souveraine puissance, que de la vouloir forcer par des exemples, et de lui faire une loi de ses grâces et de ses faveurs. Qu'y a-t-il donc, Chrétiens, qui puisse nous empêcher de recevoir, sans différer, ses inspirations ? Quoi ! le charme de sentir est-il si fort que nous ne puissions rien prévoir? Les adorateurs des grandeurs humaines seront-ils satisfaits de leur fortune, quand ils verront que dans un moment leur gloire passera

à leur nom, leurs titres à leurs tombeaux, leurs biens à des ingrats, et leurs dignités peut-être à leurs envieux ? Que si nous sommes assurés qu'il viendra un dernier jour où la mort nous forcera de confesser toutes nos erreurs, pourquoi ne pas mépriser par raison ce qu'il faudra un jour mépriser par force? et quel est notre aveuglement, si toujours avançant vers notre fin, et plutôt mourants que vivants, nous attendons les derniers soupirs, pour prendre les sentiments que la seule pensée de la mort nous devroit inspirer à tous les moments de notre vie? Commencez aujourd'hui à mépriser les faveurs du monde; et toutes les fois que vous serez dans ces lieux augustes, dans ces superbes palais à qui MADAME donnoit un éclat que vos yeux recherchent encore; toutes les fois que, regardant cette grande place qu'elle remplissoit si bien, vous sentirez qu'elle y manque; songez que cette gloire que vous admiriez faisoit son péril en cette vie, et que dans l'autre elle est devenue le sujet d'un examen rigoureux, où rien n'a été capable de la rassurer que cette sincère résignation qu'elle a eue aux ordres de Dieu, et les saintes humiliations de la pénitence.

ORAISON FUNÈBRE

DE MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE, INFANTE D'ESPAGNE,

REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE,

Prononcée à Saint-Denis, le 1er de septembre 1683, en présence de monseigneur le Dauphin

NOTICE

SUR MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE, REINE DE FRANCE.

MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE étoit l'unique fruit du mariage de Philippe IV, roi d'Espagne, et d'Elisabeth de France, sa première femme. Elle naquit en 1638. Lorsqu'il fut question de lui choisir un époux, la France étoit depuis très-longtemps en guerre avec l'Espagne, et les deux nations épuisées avoient un égal intérêt à la paix. Le mariage de cette princesse avec Louis XIV fut le gage de la réconciliation entre les deux couronnes. Aussi cette union, qui eut lieu en 1660, fut-elle un des plus grands traits de la politique et de l'habileté du cardinal Mazarin, et l'un des plus glorieux événements de son ministère.

Les mémoires et les historiens du temps s'accordent à faire l'éloge de MARIE-THÉRÈSE, pour laquelle le Roi son époux montra constamment beaucoup de déférence et de respect. Mais malgré ces témoignages extérieurs, et même les preuves d'estime et d'attachement qu'elle recevoit de son époux, Marie-Thérèse, qui se sentoit digne de posséder son cœur tout entier, n'étoit pas moins cruellement affectée de le voir trop souvent infidèle, et en souffroit d'autant plus qu'elle étoit obligée de dissimuler son humiliation et sa douleur. Ces chagrins contribuèrent sans doute, autant que son éducation et ses principes, à la détacher du monde et de ses plaisirs, et à lui inspirer la plus austère et la plus ardente dévotion. Toutes les pratiques de la religion, tous les devoirs qu'elle prescrit, tous les exercices de piété qu'elle ordonne ou

qu'elle recommande, furent toujours son occupation la plus chère. En l'année 1672, le Roi ayant déclaré la guerre à la Hollande, et se disposant à partir pour cette campagne, mit le gouvernement entre les mains de la Reine, avec le titre de régente. Cette régence dura peu, mais servit à prouver la capacité de la Reine dans les affaires, et toute la confiance que le Roi avoit en elle.

Des six enfants que Louis XIV eut de son mariage avec MARIE-THÉRÈSE, le Dauphin seul survécut à sa mère, qu'une fièvre maligne emporta presque subitement le 30 juillet 1683. Elle étoit alors âgée de quarante-cinq ans. Un mot de Louis XIV, lors de ce triste événement, sert à prouver également les sentiments qui l'animoient, et les vertus de l'épouse qu'il venoit de perdre. « Depuis vingt-trois ans que nous vivons ≫ ensemble, dit le Roi, voilà le premier chagrin qu'elle m'ait donné. »

Sine maculâ enim sunt ante thronum Dei.

Ils sont sans tache devant le trône de Dieu. Paroles de l'apôtre saint Jean, dans sa Révélation, chap. xiv. 5.

MONSEIGNEUR,

Quelle assemblée l'apôtre saint Jean nous fait paroître ! Ce grand prophète nous ouvre le ciel, et notre foi y découvre « sur la sainte » montagne de Sion, » dans la partie la plus élevée de la Jérusalem bienheureuse, l'Agneau qui ôte le péché du monde, avec une compagnie digne de lui. Ce sont ceux dont il est écrit au commencement de l'Apocalypse 1: « Il y a dans l'église de Sardis un petit nombre » de fidèles, pauca nomina, qui n'ont pas souillé leurs vêtements: >> ces riches vêtements dont le baptême les a revêtus; vêtements qui ne sont rien moins que Jésus-Christ même, selon ce que dit l'apôtre3: <<< Vous tous qui avez été baptisés, vous avez été revêtus de Jésus>> Christ. >> Ce petit nombre chéri de Dieu pour son innocence, et remarquable par la rareté d'un don si exquis, a su conserver ce précieux vêtement, et la grâce du baptême. Et quelle sera la récompense d'une si raré fidélité? Ecoutez parler le Juste et le Saint : « Ils mar» chent, dit-il, avec moi, revêtus de blanc, parce qu'ils en sont >> dignes; » dignes, par leur innocence, de porter dans l'éternité la livrée de l'Agneau sans tache, et de marcher toujours avec lui, puisque jamais ils ne l'ont quitté depuis qu'il les a mis dans sa compagnie âmes pures et innocentes, « âmes vierges, » comme les appelle saint Jean, au même sens que saint Paul disoit à tous les fidèles de Corinthe : « Je vous ai promis, comme une vierge pudique, » à un seul homme, qui est Jésus-Christ. » La vraie chasteté de l'âme, la vraie pudeur chrétienne est de rougir du péché, de n'avoir d'yeux ni d'amour que pour Jésus-Christ, et de tenir toujours ses sens épurés de la corruption du siècle. C'est dans cette troupe inno

1 Habes pauca nomina in Sardis, qui non inquinaverunt vestimenta sua. Apoc., 11. 27.

2 Quicumque in Christo baptizati estis, Christum induistis. Gal., III. 27.

3 Ambulabunt mecum in albis, quia digni sunt. Apoc., 111. 4.

4 Virgines enim sunt. Hi sequuntur Agnum quocumque ierit. Ibid., xiv. 4.

* Despondi vos uni viro virginem castam exhibere Christo. 2 Cor., XI. 2.

cente et pure que la Reine a été placée : l'horreur qu'elle a toujours eue du péché lui a mérité cet honneur. La foi, qui pénètre jusqu'aux cieux, nous la fait voir aujourd'hui dans cette bienheureuse compagnie. Il me semble que je reconnois cette modestie, cette paix, ce recueillement que nous lui voyions devant les autels, qui inspiroit du respect pour Dieu et pour elle: Dieu ajoute à ces saintes dispositions le transport d'une joie céleste. La mort ne l'a point changée, si ce n'est qu'une immortelle beauté a pris la place d'une beauté changeante et mortelle. Cette éclatante blancheur, symbole de son innocence et de la candeur de son âme, n'a fait, pour ainsi parler, que passer au dedans, où nous la voyons rehaussée d'une lumière divine. «< Elle marche avec l'Agneau, car elle en est digne'. » La sincérité de son cœur, sans dissimulation et sans artifice, la range au nombre de ceux dont saint Jean a dit, dans les paroles qui précèdent celles de mon texte, que « le mensonge ne s'est point trouvé en leur >> bouche 2, »> ni aucun déguisement dans leur conduite; «< ce qui fait » qu'on les voit sans tache devant le trône de Dieu » Sine maculâ enim sunt ante thronum Dei. En effet, elle est sans reproche devant Dieu et devant les hommes : la médisance ne peut attaquer aucun endroit de sa vie depuis son enfance jusqu'à sa mort; et une gloire si pure, une si belle réputation est un parfum précieux qui réjouit le ciel et la terre.

Monseigneur, ouvrez les yeux à ce grand spectacle. Pouvois-je mieux essuyer vos larmes, celles des princes qui vous environnent, et de cette auguste assemblée, qu'en vous faisant voir au milieu de cette troupe resplendissante, et dans cet état glorieux, une mère si chérie et si regrettée? Louis même, dont la constance ne peut vaincre ses justes douleurs, les trouveroit plus traitables dans cette pensée. Mais ce qui doit être votre unique consolation, doit aussi, Monseigneur, être votre exemple; et, ravi de l'éclat immortel d'une vie toujours si réglée et toujours si irréprochable, vous devez en faire passer toute la beauté dans la vôtre.

Qu'il est rare, Chrétiens, qu'il est rare, encore une fois, de trouver cette pureté parmi les hommes ! mais surtout, qu'il est rare de la trouver parmi les grands! « Ceux que vous voyez revêtus d'une >> robe blanche, ceux-là, dit saint Jean 3, viennent d'une grande >> affliction, » de tribulatione magná; afin que nous entendions que cette divine blancheur se forme ordinairement sous la croix, et rarement dans l'éclat, trop plein de tentation, des grandeurs humaines. Et toutefois il est vrai, Messieurs, que Dieu, par un miracle de sa 1 Apoc., 1. 4.

2 In ore eorum non est inventum mendacium : sine maculâ enim sunt ante thronum Dei. Ibid., XIV. 5.

3 Hi qui amicti sunt stolis albis.., hi sunt qui venerunt de tribulatione magnâ. Ib., vII. 13, 14.

grâce, se plaît à choisir, parmi les rois, de ces âmes pures. Tel a été saint Louis, toujours pur et toujours saint dès son enfance; et MARIETHÉRÈSE sa fille a eu de lui ce bel héritage.

Entrons, Messieurs, dans les desseins de la Providence, et admirons les bontés de Dieu, qui se répandent sur nous et sur tous les peuples, dans la prédestination de cette Princesse. Dieu l'a élevée au faite des grandeurs humaines, afin de rendre la pureté et la perpétuelle régularité de sa vie plus éclatante et plus exemplaire. Ainsi sa vie et sa mort, également pleines de sainteté et de grâce, deviennent l'instruction du genre humain. Notre siècle n'en pouvoit recevoir de plus parfaite, parce qu'il ne voyoit nulle part dans une si haute élévation une pareille pureté. C'est ce rare et merveilleux assemblage que nous aurons à considérer dans les deux parties de ce discours. Voici en peu de mots ce que j'ai à dire de la plus pieuse des reines, et tel est le digne abrégé de son éloge: Il n'y a rien que d'auguste dans sa personne, il n'y a rien que de pur dans sa vie. Accourez, peuples: venez contempler dans la première place du monde la rare et majestueuse beauté d'une vertu toujours constante. Dans une vie si égale, il n'importe pas à cette Princesse où la mort frappe; on n'y voit poin d'endroit foible par où elle pût craindre d'être surprise : toujours vigilante, toujours attentive à Dieu et à son salut, sa mort si précipitée, et si effroyable pour nous, n'avoit rien de dangereux pour elle. Ainsi son élévation ne servira qu'à faire voir à tout l'univers, comme du lieu le plus éminent qu'on découvre dans son enceinte, cette importante vérité qu'il n'y a rien de solide ni de vraiment grand parmi les hommes, que d'éviter le péché ; et que la seule précaution contre les attaques de la mort, c'est l'innocence de la vie. C'est, Messieurs, l'instruction que nous donne dans ce tombeau, ou plutôt du plus haut des cieux, très-haute, très-excellente, très – puissante et très-chrétienne princesse MARIE-THÉRÈSE D'AUTRICHE, INFANTE D'ESPAGNE, REINE DE France et de Navarre.

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Je n'ai pas besoin de vous dire que c'est Dieu qui donne les grandes naissances, les grands mariages, les enfants, la postérité. C'est lui qui dit à Abraham : « Les rois sortiront de vous, » et qui fait dire par son prophète à David : « Le Seigneur vous fera une maison. » « Dieu, qui d'un seul homme a voulu former tout le genre humain, » comme dit saint Paul3, et de cette source commune le répandre » sur toute la face de la terre, » en a vu et prédestiné dès l'éternité

1 Reges ex te egredientur. Gen., xvit. 6.

2 Prædicit tibi Dominus, quod domum faciat tibi Dominus. 2 Reg., vII. 11.

3 Deus... qui fecit ex uno omne genus hominum inhabitare super universam faciem terræ, definiens statuta tempora, et terminos habitationis eorum, Act., XVII. 24, 26.

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