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origine; que dans le progrès de leur course elles roulent leurs flots en bas par une chute continuelle, et qu'elles vont enfin perdre leurs noms avec leurs eaux dans le sein immense de l'Océan, où l'on ne distingue point le Rhin, ni le Danube, ni ces autres fleuves renommés d'avec les rivières les plus inconnues ainsi tous les hommes commencent par les mêmes infirmités. Dans le progrès de leur âge, les années se poussent les unes les autres comme des flots: leur vie roule et descend sans cesse à la mort par sa pesanteur naturelle; et enfin après avoir fait, ainsi que des fleuves, un peu plus de bruit les uns que les autres, ils vont tous se confondre dans ce gouffre infini du néant: où l'on ne trouve plus ni rois, ni princes, ni capitaines, ni tous ces autres augustes noms qui nous séparent les uns des autres; mais la corruption et les vers, la cendre et la pourriture qui nous égalent. Telle est la loi de la nature, et l'égalité nécessaire à laquelle elle soumet tous les hommes dans ces trois états remarquables, la naissance, la durée, la mort.

Que pourront inventer les enfants d'Adam, pour combattre, pour couvrir ou pour effacer cette égalité, qui est gravée si profondément dans toute la suite de notre vie? Voici, mes Frères, les inventions par lesquelles ils s'imaginent forcer la nature, et se rendre différents des autres, malgré l'égalité qu'elle a ordonnée : premièrement, pour mettre à couvert la foiblesse commune de la naissance, chacun tâche d'attirer sur elle toute la gloire de ses ancêtres, et la rendre plus éclatante par cette lumière empruntée. Ainsi l'on a trouvé le moyen de distinguer les naissances illustres d'avec les naissances viles et vulgaires, et de mettre une différence infinie entre le sang noble et le roturier, comme s'il n'avoit pas les mêmes qualités, et n'étoit pas composé des mêmes éléments ; et par là, vous voyez déjà la naissance magnifiquement relevée. Dans le progrès de la vie, on se distingue plus aisément par les grands emplois, par les dignités éminentes,par les richesses et par l'abondance. Ainsi on s'élève et on s'agrandit, et on laisse les autres dans la lie du peuple. Il n'y a donc plus que la mort, où l'arrogance humaine est bien confondue; car c'est là que l'égalité est inévitable: et encore que la vanité tâche, en quelque sorte, d'en couvrir la honte par les honneurs de la sépulture, il se voit peu d'hommes assez insensés pour se consoler de leur mort par l'espérance d'un superbe tombeau, ou par la magnificence de ses funérailles. Tout ce que peuvent faire ces misérables amoureux des grandeurs humaines, c'est de goûter tellement la vie, qu'ils ne songent point à la mort. La mort jette divers traits [qui préparent son triomphe. Elle se fait sentir] dans toute la vie par la crainte, [ les maladies, les accidents de toute espèce; ] et son dernier coup est

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inévitable. Les hommes superbes croient faire beaucoup d'éviter les autres c'est le seul moyen qui leur reste de secouer, en quelque façon, le joug insupportable de sa tyrannie, lorsqu'en détournant leur esprit, ils n'en sentent pas l'amertume.

C'est ainsi qu'ils se conduisent à l'égard de ces trois états; et de là naissent trois vices énormes qui rendent ordinairement leur vie criminelle car cette superbe grandeur, dont ils se flattent dans leur naissance, les fait vains et audacieux. Le désir démesuré, dont ils sont poussés, de se rendre considérables au-dessus des autres, dans tout le progrès de leur âge, fait qu'ils s'avancent à la grandeur par toutes sortes de voies, sans épargner les plus criminelles ; et l'amour désordonné des douceurs qu'ils goûtent dans une vie pleine de délices, détournant leurs yeux de dessus la mort, fait qu'ils tombent entre ses mains sans l'avoir prévue au lieu que l'illustre gentilhomme dont je vous dois aujourd'hui proposer l'exemple, a tellement ménagé toute sa conduite, que la grandeur de sa naissance n'a rien diminué de la modération de son esprit; que ses emplois glorieux, dans la ville et dans les armées, n'ont point corrompu son innocence; et que bien loin d'éviter l'aspect de la mort, il l'a tellement méditée qu'elle n'a pas pu le surprendre, même en arrivant tout-à-coup, et qu'elle a été soudaine sans être imprévue.

Si autrefois le grand saint Paulin, digne prélat de l'Eglise de Nole, en faisant le panégyrique de sa parente sainte Mélanie 1, a commencé les louanges de cette veuve si renommée, par la noblesse de son extraction; je puis bien suivre un si grand exemple, et vous dire un mot en passant de l'illustre maison de Gornay, si célèbre et si ancienne. Mais pour ne pas traiter ce sujet d'une manière profane, comme fait la rhétorique mondaine, recherchons par les Ecritures de quelle sorte la noblesse est recommandable, et l'estime qu'on en doit faire selon les maximes du christianisme.

Et premièrement, Chrétiens, c'est déjà un grand avantage qu'il ait plu à notre Sauveur de naître d'une race illustre par la glorieuse union du sang royal et sacerdotal dans la famille d'où il est sorti : regum et sacerdotum clara progenies 2. Et pour quelle raison, lui qui a méprisé toutes les grandeurs humaines, qui n'a appelé, « ni beau>> coup de sages, ni beaucoup de nobles; » non multi sapientes, non multi nobiles; pourquoi a-t-il voulu naître de parents illustres? Ce n'étoit pas pour en recevoir de l'éclat ; mais plutôt pour en donner à tous ses ancêtres. Il falloit qu'il sortît des patriarches, pour accomplir en sa personne toutes les bénédictions qui leur avoient été annoncées. Il falloit qu'il naquît des rois de Juda pour conserver à 1 Ad Sever., Ep. xxix. n. 7. pag. 178.—2 Ibid., pag. 179.-3 1 Cor., I. 23.

David la perpétuité de son trône, que tant d'oracles divins lui avoient promise.

Louer dans un gentilhomme chrétien ce que Jésus-Christ même a voulu avoir, [n'auroit rien, ce semble, que de conforme aux règles de la foi. Mais cette noblesse temporelle est en soi trop ] peu de chose pour qu'on doive s'y arrêter; c'est un sujet trop profane [ pour mériter les éloges des prédicateurs ]. Néanmoins nous louerons ici d'autant plus volontiers la noblesse de la famille du défunt, qu'il y a quelque chose de saint à traiter. Je ne dirai point ni les grandes charges qu'elle a possédées, ni avec quelle gloire elle a étendu ses branches dans les nations étrangères, ni ses alliances illustres avec les maisons royales de France et d'Angleterre ; ni son antiquité, qui est telle que nos chroniques n'en marquent point l'origine. Cette antiquité a donné lieu à plusieurs inventions fabuleuses, par lesquelles la simplicité de nos pères a cru donner du lustre à toutes les maisons anciennes ; à cause que leur antiquité, en remontant plus loin aux siècles passés dont la mémoire est toute effacée, a donné aux hommes une plus grande liberté de feindre. La hardiesse humaine n'aime pas à demeurer court; où elle ne trouve rien de certain, elle invente. Je laisse toutes ces considérations profanes, pour m'arrêter à des choses saintes.

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Saint Livier, qui vivoit environ l'an 400, selon la supputation la plus exacte, est la gloire de la maison de Gornay*. Le sang qu'a répandu ce généreux martyr, l'honneur de la ville de Metz, pour la cause de Jésus-Christ, vous donne plus de gloire que celle que vous avez reçue de tant d'illustres ancêtres. [Vous pouvez dire à juste titre avec Tobie : ] « Nous sommes la race des saints: » Filii sanctorum sumus 1. L'histoire remarque que saint Livier étoit issu de parents illustres, claris parentibus; ce qui est une conviction manifeste, qu'il faut reprendre la grandeur de cette maison d'une origine plus haute.

Mais tous ces titres glorieux n'ont jamais donné l'orgueil [ au respectable défunt que nous regrettons: ] il a toujours méprisé les vanteries ridicules dont il arrive assez ordinairement que la noblesse étourdit le monde. Il a cru que ces vanteries étoient plutôt dignes des races nouvelles, éblouies de l'éclat non accoutumé d'une noblesse de peu d'années; mais que la véritable marque des maisons illustres, auxquelles la grandeur et l'éclat étoient depuis plusieurs

* Bossuet n'examine point ici en généalogiste l'origine de la maison de Gornay; il s'en tient à l'opinion que cette maison, comme bien d'autres, pouvoit avoir de son antiquité; et s'il en eût discuté les preuves, on doit croire, après ce qu'il a dit quelques lignes plus haut, qu'il auroit bien rabattu des prétentions de cette maison. ( Edit. de Déforis.)

1 Tob., 11. 18.

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siècles passés en nature, ce devoit être la modération. Ce n'est pas qu'il ne jetât les yeux sur l'antiquité de sa race, dont il possédoit parfaitement l'histoire mais comme il y avoit des saints dans sa race, il avoit raison de la contempler pour s'animer par ces grands exemples. Il n'étoit pas de ceux qui semblent être persuadés que leurs ancêtres n'ont travaillé que pour leur donner sujet de parler de leurs actions et de leurs emplois. Quand il regardoit les siens, il croyoit que tous ses aïeux illustres lui crioient continuellement jusque des siècles les plus reculés : Imite nos actions, ou ne te glorifie pas d'être notre fils. Il se jeta dans les exercices de sa profession à l'imitation de saint Livier il commença à faire la guerre contre les hérétiques rebelles. Il devint premier capitaine et major dans Falzbourg, corps célèbre et renommé. Les belles actions qu'il y fit l'ayant fait connoître par le cardinal de Richelieu, auquel la vertu ne pouvoit pas être cachée, [ il s'en servit avantageusement dans les négociations d'Allemagne. [Mais partout il montra une vertu digne de sa naissance. ] Ordinairement ceux qui sont dans les emplois de la guerre croient que c'est une prééminence de l'épée de ne s'assujettir à aucunes lois. Pour lui, il a révéré celles de l'Eglise jusque dans les points qui paroissoient les plus incompatibles avec son état. Jamais on ne l'a vu violer les abstinences prescrites, sans une raison capable de lui procurer une dispense légitime. Comment n'auroit-il pas respecté la loi qu'il recevoit de toute l'Eglise, puisqu'il observoit si soigneusement, et avec tant de religion, celles que sa dévotion particulière lui avoit imposées? Il jeûnoit régulièrement tous les samedis; gardoit, avec la plus scrupuleuse exactitude et le plus grand respect, toutes les pratiques que la religion lui imposoit bien différent de ces militaires qui déshonorent la profession des armes par cette honte trop commune de bien faire les exercices de la piété; on croit assez faire, pourvu qu'on observe les ordres du général. Sa vieillesse, quoique pesante, n'étoit pas sans action : son exemple et ses paroles animoient les autres. Il est mort trop tôt non; car la mort ne vient jamais trop soudainement quand on s'y prépare par la bonne vie.

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ORAISON FUNÈBRE

DE MESSIRE NICOLAS CORNET,

GRAND-MAÎTRE DU COLLÉGE DE NAVARRE.

NOTICE SUR NICOLAS CORNET.

NICOLAS CORNET naquit à Amiens en 1592. Après son cours d'études, il entra au noviciat des Jésuites; mais sa mauvaise santé l'empêcha de rester dans cet ordre,

qu'il aima et estima toujours. Il reçut en 1626 le bonnet de docteur dans la Faculté de théologie de Paris, et fut nommé quelque temps après, syndic de la même faculté. Ce fut en cette qualité qu'il dénonça aux docteurs assemblés sept propositions contenant une mauvaise doctrine, dont le venin commençoit à se répandre parmi les jeunes théologiens. Cinq de ces propositions furent depuis condamnées à Rome, comme hérétiques. Elles sont connues sous le nom de Propositions de Jansenius; parce qu'elles expriment la doctrine du fameux livre de ce prélat, intitulé Augustinus. M. CORNET mourut en 1663, grand-maître du collège de Navarre. Bossuet, qui avoit fait ses cours de philosophie et de théologie dans cette maison, et qui n'avoit pas moins de vénération que de reconnoissance pour le grand-maître, prononça son oraison funèbre, en présence de plusieurs personnes distinguées. On ne peut regarder ce qui nous reste de cette oraison funèbre, que comme une copie très-imparfaite du véritable discours de Bossuet.

Simile est regnum cœlorum thesauro abscondito.

Le royaume des cieux est semblable à un trésor cache. Matth., XIII. 44.

Ceux qui ont vécu dans les dignités et dans les places relevées, ne sont pas les seuls d'entre les mortels, dont la mémoire doit être honorée par des éloges publics. Avoir mérité les dignités et les avoir refusées, c'est une nouvelle espèce de dignité qui mérite d'être célébrée par toutes sortes d'honneurs ; et comme l'univers n'a rien de plus grand que les grands hommes modestes, c'est principalement en leur faveur, et pour conserver leurs vertus, qu'il faut épuiser toutes sortes de louanges. Ainsi l'on ne doit pas s'étonner si cette maison royale ordonne un panégyrique à M. NICOLAS CORNET, son grandmaître, qu'elle auroit vu élevé aux premiers rangs de l'Eglise, si, juste en toutes autres choses, il ne s'étoit opposé en cette seule rencontre à la justice de nos rois. Elle doit ce témoignage à sa vertu, cette reconnoissance à ses soins, cette gloire publique à sa modestie; et étant si fort affligée par la perte d'un si grand homme, elle ne peut pas négliger le seul avantage qui lui revient de sa mort, qui est la liberté de le louer. Car comme, tant qu'il a vécu sur la terre, la seule autorité de sa modestie supprimoit les marques d'estime, qu'elle eût voulu rendre aussi solennelles que son mérite étoit extraordinaire; maintenant qu'il lui est permis d'annoncer hautement ce qu'elle a connu de si près, elle ne peut manquer à ses devoirs particuliers, ni envier au public l'exemple d'une vie si réglée. Et moi, si toutefois vous me permettez de dire un mot de moimême, moi, dis-je, qui ai trouvé en ce personnage, avec tant d'autres rares qualités, un trésor inépuisable de sages conseils, de bonne foi, de sincérité, d'amitié constante et inviolable, puis-je lui refuser quelques fruits d'un esprit qu'il a cultivé avec une bonté paternelle dès sa première jeunesse; ou lui dénier quelque part dans mes discours, après qu'il en a été si souvent et le censeur et l'arbitre? Il est donc juste, Messieurs, puisqu'on a bien voulu employer ma voix, que je rende, comme je pourrai, à ce collége royal son grand

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