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Histoire de la Sismologie

I. LA SISMOLOGIE DES PRIMITIFS

Si les fouilles des archéologues ne nous avaient pas fait connaître l'industrie primitive de l'âge de la pierre, taillée ou polie, nous aurions pu, par l'étude des industries des peuples actuels, sauvages ou à demi civilisés, remonter le cours des temps au moyen d'une induction. parfaitement légitime et reconstituer au moins partiellement le genre de vie de l'homme le plus primitif. Par un procédé tout à fait analogue, il nous est loisible de rechercher quelles ont été, au sujet des tremblements de terre, les idées des primitifs aux temps où leur intelligence se fut assez affinée pour éprouver le besoin d'expliquer les phénomènes naturels qui les entouraient, les faisaient souffrir ou les terrorisaient.

Il existe un folklore des tremblements de terre; et, si l'on en classe les croyances, qu'on peut qualifier de préscientifiques, par degrés de complication décroissante, on remontera, sans grand péril d'erreur, à la sismologie primitive, préhistorique peut-on dire.

Cette phase des théories sismologiques est très importante pour l'historien, mais elle ne saurait être étudiée ici en détail, car elle fournirait les éléments de tout un volume de sismologie folklorique, mythologique et religieuse. Il nous suffira de l'esquisser à très grands traits. D'ailleurs, dans plusieurs des articles composant le présent travail nous avons dû remonter à ce stade préscientifique.

Dans toutes les contrées, l'homme primitif a attri

bué aux animaux une certaine supériorité il ne les combattait pas toujours avec succès et souvent il avait à déjouer les ruses des bêtes féroces auxquelles il donnait la chasse pour s'en nourrir. Beaucoup échappaient à sa poursuite en se réfugiant dans leurs terriers; son intelligence fruste en vint aisément à conclure à l'existence de tout un monde souterrain. Comme d'autre part son grossier bon sens lui faisait penser que le tremblement de terre, ébranlant uniquement le sol, ne pouvait être qu'un phénomène produit. sous terre, il s'imagina que des animaux souterrains, d'espèces réelles, ou imaginaires, secouaient la terre. Ce genre de croyances est extrêmement répandu dans le folklore du monde entier et nous n'en retiendrons qu'un seul cas, du reste le plus curieux, celui du Mammouth chez les Chinois de Kiachta (1). La découverte des cadavres gelés et parfaitement conservés de ces animaux géants semblait fournir à cette croyance une incontestable confirmation de fait.

A un stade postérieur, mais beaucoup plus avancé, l'homme a compris que la Terre était un corps isolé et indépendant du ciel, qu'il voyait tourner autour d'elle. Il devait donc lui trouver un support; et ainsi s'est forgée la fable que la Terre reposait sur des êtres vivants dont les mouvements suffisaient à l'ébranler. Ce furent des animaux divers et parmi eux le plus fréquemment cité est le buffle, qui supporte la planète sur une de ses cornes. La Terre tremble, lorsque, fatigué, il la fait passer d'une corne sur l'autre pour se reposer. Cette idée a dù naître après la domestication du bœuf et du cheval, quand l'homme, s'en servant comme de bêtes de somme, a vu osciller et se mouvoir les fardeaux dont il les chargeait

(1) A. E. Nordenskjöld. Voyage de la Véga autour de l'Asie et de l'Europe, p. 362, Paris, 1883.

Parmi les animaux supports de la Terre se rencontrent encore fréquemment des poissons, ce qui nous amène à une autre conception des mouvements de la Terre : la planète serait ébranlée parce qu'elle vogue sur le fleuve Océan. Cette théorie sismique est venue de l'Inde et fut adoptée par certains philosophes grecs, par exemple, par Thalès de Milet. Cette explication dénote déjà une certaine pénétration d'esprit. D'ailleurs l'assimilation du mouvement sismique à celui qu'impriment à un navire les flots de la mer, a une portée pratique inattendue on peut, en effet, étudier les effets des tremblements de terre sur les édifices, en se reportant aux chocs des vagues sur les flancs d'un vaisseau (1).

Plus tard, l'homme se sera aperçu qu'il y avait peu de bon sens à faire supporter l'immense poids de la Terre par des animaux. Pour faire disparaître cette flagrante disproportion entre l'effet et la cause, il a recouru à des êtres surnaturels imaginaires, qu'il lui était loisible de doter de toute la puissance nécessaire. Ce furent des géants, des héros, des génies plus ou moins divinisés, des dieux enfin. Puis l'idée même de supporter la Terre disparut, elle aussi. C'est à une pléiade d'êtres du même genre que fut alors attribué le rôle de déchaîner les tremblements de terre, à Neptune, par exemple, dans la mythologie classique, ce vaste domaine où se sont en quelque sorte épurées les fictions antérieures plus grossières.

A ce qui a été dit précédemment ne se borne pas le rôle des animaux dans la sismologie primitive. Il faut y ajouter le pouvoir qu'on leur attribua de pressentir les tremblements de terre, vieille et persistante erreur qu'on a voulu expliquer de bien des manières, mais

(1) Cortes y Agulló. Los terremotos; sus efectos en las edificaciones y medios prácticos para remediarlos en lo posible. Manila, 1881.

qui, naturellement, n'a pu résister au contrôle des observations modernes.

Parmi les êtres fauteurs des tremblements de terre, les mânes auxquels, plus tard, succédèrent les damnés dans les croyances populaires des peuples chrétiens, méritent une mention spéciale, tant est grand, dans toutes les parties du monde et à toutes les époques, le nombre des légendes où nous les voyons en relations avec des phénomènes sismiques et volcaniques. L'origine en est sans doute la terreur qu'inspire la mort et le rôle malfaisant que l'homme a partout attribué aux défunts dans leur vie souterraine, forme grossière sous laquelle ils concevaient l'immortalité de l'âme. C'est donc logiquement qu'on leur imputa le déchaînement des tremblements de terre.

A toutes ces fables, qui prennent des formes analogues dans l'interprétation d'autres phénomènes naturels, le célèbre ethnologue Edward Tylor (1) a attribué l'heureuse expression de « Contes pour expliquer ». Il ne faut pas les confondre avec l'innombrable cycle de légendes et de mythes où figurent des tremblements de terre à titre de simples épisodes. Notons ici que, dans ce dernier cas, on peut, dans certaines circonstances, reconnaître, à l'origine de semblables récits, un tremblement de terre effectivement arrivé et, parfois même, un sisme de date connue qui situe la légende dans la chronologie.

Nous ne poursuivrons pas plus loin cette brève esquisse d'une partie de la sismologie ancienne, dont il nous suffisait de faire connaitre la grande importance. au point de vue de l'ethnographie, de la philosophie et surtout de l'évolution des croyances de l'homme au sujet des tremblements de terre. Une étude plus développée risquerait de paraître puérile à qui ne s'inté

(1) La civilisation primitive. Trad. de l'anglais sur la 2e édit. Paris, 1876.

resse point aux traditions populaires. Nous retiendrons surtout que cette sismologie des primitifs a traversé toute l'histoire et qu'aujourd'hui encore on peut en reconnaître les traces dans certaines croyances populaires.

II. LES PHILOSOPHES GRECS AVANT ET APRÈS ARISTOTE

Pendant une longue période de six siècles avant notre ère, les philosophes grecs, si épris de la nature, ont eu le temps d'imaginer de nombreuses théories sisiniques. Saut celle d'Aristote, nous ne les connaissons qu'indirectement. Celle-ci mérite par son exceptionnelle importance d'être traitée à part; quant aux autres, nous adopterons, pour en donner une idée, l'ordre chronologique.

On ignore si Phérécidès (première moitié du vr° siècle) professait effectivement une théorie des tremblements de terre, mais suivant des traditions rapportées par de nombreux écrivains postérieurs, Cicéron (1) et Diogène Laerce (2) par exemple, on sait qu'il prédisait les commotions terrestres par l'examen de l'état des eaux des puits. Il tirait ainsi des pronostics, de phénomènes qui n'étaient qu'un effet consécutif du mouvement sismique. Cette erreur s'est maintenue de longs siècles, pour disparaître seulement de nos jours, après l'insuccès d'une tentative entreprise en 1874 par Stefano de Rossi pour organiser en Italie des observations systématiques.

On ne saurait passer sous silence l'étrange opinion attribuée à Pythagore, disciple de Phérécidès, par Claude Elien (3), qui vivait au commencement du

(1) De la divination. Liv. III. Ch. XIII. L.
(2) Vie des philosophes. Vie de Phérécidés.
(3) Histoires variees. Liv. IV. Chap. XV.

III SÉRIE. T. XXIX.

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