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de conclure; elles tiennent aux conditions de travail, imposées à l'auteur par sa vie et par ses fonctions officielles. Le P. Mainage est professeur d'histoire des religions à l'Institut catholique de Paris, et l'histoire des religions est un redoutable carrefour, où débouchent les disciplines les plus diverses, même les plus étranges; où se rencontrent des compétences d'origine très disparate la théologie dogmatique, la psychologie expérimentale, l'histoire profane, l'ethnographie comparée, la sociologie, le folk-lore, l'archéologie; toutes sciences d'âge varié, de méthodes différentes, et inégalement sûres, toutes sciences, en partie au moins documentaires et inductives, et dont les matériaux dispersés aux quatre coins du réel, dans les livres ou dans les choses, doivent être rassemblés, triés, et interprétés prudemment. La synthèse n'en est pas encore faite et les amateurs avides de résultats définitifs, les esprits despotiques se détournant volontiers du chercheur qui tâtonne, condamneront sans doute, avec le même mépris, l'histoire des religions et la préhistoire «< toute pourrie d'hypothèses pleines de vent ».

Le P. Mainage a vu plus clair que tous ces myopes et il s'est mis à la besogne. Il a compris que la préhistoire était devenue une science, une science d'une portée incalculable, parce qu'elle est de nature à modifier le jugement de l'homme sur lui-même, sur son œuvre et sur le monde, et parce que tout changement dans l'idée que l'homme a de lui est comme un changement dans la inise au point d'un objectif : la perspective entière est transformée. Pour traiter de première main un sujet aussi vaste que la religion paléolithique, il faudrait avoir consacré sa vie entière à ces études. Un jour ou l'autre, l'abbé Breuil se décidera bien à nous donner cette synthèse du paléolithique, qui nous manque si fort. En attendant, le livre du P. Mainage pourra rendre des services, de grands services. Avec une parfaite bonne foi l'auteur reconnaît que son information n'est pas originale. Nous ne croyons pas qu'il ait jamais dirigé personnellement des fouilles ailleurs que dans des livres, ou qu'il ait exploré des gisements archéologiques autrement que comme un amateur très érudit. En tout cas son livre ne porte pas trace d'un pareil travail, et les « leçons de la pioche » en sont absentes.

Le P. Mainage a d'ailleurs pour lui toutes les excuses. Professeur d'histoire des religions, il a dû s'occuper de la psychologie des convertis, du problème de la foi, du spiritisme et des expériences du Dr Geley. Il l'a fait avec beaucoup de tact et d'esprit. On ne peut lui demander d'être en même temps à son bureau de travail et sur les terrains de fouille, et seuls des intraitables lui en voudraient d'avoir composé son livre avec des livres.

Il les a d'ailleurs judicieusement choisis. La collection inestimable de l'Anthropologie · le plus merveilleux répertoire d'archéologie préhistorique qu'on puisse trouver — a été mise sur fiches par le P. Mainage, et un contrôle, même rapide, permet de constater que tous les volumes de ce périodique, jusqu'au XXIXe inclusivement, ont été l'objet d'un consciencieux dépouillement (1).

Le manuel de Déchelette; les magnifiques publications du Prince de Monaco sur les cavernes espagnoles et pyrénéennes ; l'album de Piette : L'art pendant l'âge du renne; Le Répertoire de l'art quaternaire, de Salomon Reinach ; LévyBruhl, Durkheim, Spencer et Gillen, quelques articles de l'Anthropos, les études du P. Schmidt sur les pygmées et l'origine de l'idée de Dieu..., il y a incontestablement beaucoup à prendre dans tous ces volumes. Le P. Mainage s'entend à glaner de-ci de-là des observations, qu'il noue en gerbe et qu'il présente avec un art incontestable.

Oserions-nous dire que nous regrettons que sa documentation ethnographique soit si dépendante de ces auteurs? Le livre de Lévy-Bruhl sur Les fonctions mentales dans les sociétés inférieures en fournit bien près de la moitié. Or LévyBruhl est déjà un ouvrage de seconde main; et on est un peu vexé de voir le Journal de Charlevoix, les publications de documents américains de Burrows, les études du Smithsonian Institute, etc... ne nous parvenir dans le livre du P. Mainȧge qu'après un filtrage préalable. Lévy-Bruhl n'est d'ailleurs pas un spécialiste de l'ethnographie; et travaillant à Paris, notre auteur aurait pu sans doute consulter lui-même les mémoires originaux.

(1) A l'exception du tome II, semble-t-il, dont nous n'avons pas retrouvé de traces. Les livraisons postérieures au tome XXIX (1919) n'ont pas été utilisées.

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Peut-être devons-nous attribuer à la même cause étude trop exclusivement livresque certaines insuffisances, qu'une seconde édition atténuera sans aucun doute. Un exemple la première règle de la méthode en archéologie, c'est de procéder par niveaux et de ne pas mêler les différentes strates. Le P. Mainage le sait fort bien et il le répète en termes excellents. Mais la stratigraphie ne doit pas seulement s'observer sur le terrain. Quand on interprète des résultats, il faut soigneusement classer les niveaux chronologiques et ne pas étendre à des ensembles hétérogènes les observations faites dans un milieu déterminé et valables pour une époque particulière. Tout un chapitre des Religions de la préhistoire est consacré aux sépultures quaternaires. Il aurait fallu distinguer l'époque du paléolithique supérieur et celle du paléolithique moyen, on mieux encore le cas des néanderthaliens, et le cas des chasseurs de rennes. Pour ces derniers la sépulture intentionnelle est évidente et le soin des défunts (nous ne disons pas le culte des morts) presque minutieusement réglé. Pour les moustériens au contraire les preuves de sépulture sont moins nettes, moins généralisées, et contestées par des savants de la valeur de M. Boule. Nous ne reviendrons pas sur ce sujet — ayant déjà exposé dans le numéro précédent notre manière de voir. Le P. Mainage n'a pas eu connaissance de la dernière découverte du Dr Capitan et de M. Peyrony, à la Ferrassie. Son livre était imprimé quand ces deux éminents archéologues, en mai dernier, ont exhumé un squelette moustérien, enfoui dans une fosse funéraire, recouverte d'une dalle de calcaire très dur, dont la paroi interne portait une série de petites cupules intentionnellement creusées par l'homme. Le Dr Capitan a annoncé cette découverte deux fois remarquable au Congrès international d'anthropologie de Liége, dans les derniers jours de juillet. Elle clôt la controverse sur les sépultures moustériennes, et elle nous montre une œuvre d'art, grossière encore mais nettement définie, bien avant l'aurignacien.

Même après ces trouvailles on aurait tort de généraliser et de parler, comme le fait le P. Mainage, des « rites qui présidaient à l'ensevelissement des morts paléolithiques » (1).

(1) P. 165.

Le paléolithique est immense et le moustérien n'en est pas le premier chaînon. Le P .Mainage nous dit même que le chelléen a bien des chances de ne pas l'être (1). Et personne ne le contredira. Or, que sait-on des coutumes funéraires des chelléens ? Rien, absolument rien, et aucune méthode scientifique ne permet de combler, par une induction contagieuse, les lacunes béantes de nos documents archéologiques. Distinguons les niveaux.

On trouvera sans doute, malgré les réticences dont il l'enveloppe, que la conclusion du P. Mainage dépasse singulièrement les faits observés quand il nous déclare qu'à « l'époque moustérienne la vénération l'emportait sur la peur des morts »... (2).

Il serait presque impossible d'établir une pareille proposition pour nos propres contemporains. La psychologie des sauvages est elle-même tellement déconcertante que les meilleurs observateurs se bornent à la décrire, en avertissant que l'unité de commune mesure entre ces primitifs et nous demeure insaisissable. Que penser, dès lors, de ces lointains chasseurs paléolithiques? Nous n'arrivons pas encore à comprendre l'art de l'époque du renne; tout le zoomorphisme exubérant de ces troglodytes est pour nous un immense mystère, et nous nous risquerions à doser, chez eux, les proportions respectives de sentiments aussi délicats que la crainte et la vénération... ! J'ai peur qu'il n'y ait là une fâcheuse irruption de scolastique conceptuelle dans une discipline purement archéologique, et comme une thèse égarée dans des faits.

On la retrouve, d'ailleurs, sous une autre forme, dans la conclusion du volume. Le P. Mainage pose hardiment cette question, qui donnera le frisson à tous les « fouilleurs » : L'idée de Dieu, à l'âge du renne, est-elle en décadence par rapport à ce qu'elle fut sans doute aux âges antérieurs ? (3)

En l'absence de tout document archéologique capable de nous renseigner sur les idées religieuses des moustériens, il faut tranquillement classer ce problème parmi les

(1) P. 70. (2) P. 190. (3) P. 373.

questions insolubles. La science naturelle n'a rien à en dire. Cette réponse négative paraît un peu trop brutale au P. Mainage et son ingéniosité, très souple, jette un pont de liane sur l'abîme. La tentative est intéressante. On y saisit sur le vif la substitution, du livre au document, et du système au réel. Le P. Schmidt, universellement apprécié comme ethnographe, «< ramène à trois groupes principaux les causes de la dégénérescence du monothéisme primitif : l'animisme, les mythologies astrales, les vicissitudes de la politique » (1). Cette réduction n'a rien de bien décisif et la diversité foncière de ces causes montre clairement qu'il ne s'agit pas d'un catalogue complet, valable pour toutes les époques et fondé sur « la nature humaine ». Mais passons. Le P. Mainage examine ces causes une à une. Vicissitudes politiques ? Il est difficile d'en observer le jeu à l'époque paléolithique. Cultes astraux ? Nous n'avons presque aucun dessin quaternaire représentant sûrement des astres. Animisme? Ici, la réponse négative est impossible. « Nos troglodytes étaient » animistes. S'ils ne l'avaient pas été, ils n'auraient pas voué » un culte religieux aux esprits des animaux » (2).

De plus, ils pratiquent la magie. Pour ce qui concerne le culte des morts et le totémisme proprement dit, notre auteur croit avoir apporté de bonnes raisons d'en douter. Il est vrai que certains peuples, les Bantous p. ex., tout en gardant un bon nombre de pratiques animistes, ont un sentiment très pur de l'Être suprême... et donc « l'homme quaternaire, tout animiste et magiste qu'il fut, a pu garder le souvenir fidèle de Dieu ».

Nous sommes encore dans de pures hypothèses sans consistance; mais voici que, sans transition aucune, on nous propose «la solution du problème monothéiste aux temps pleistocènes » (3).

« Lorsqu'on a pesé, mûri, comparé les raisons capables » d'éclairer le débat, on est en droit de conclure qu'au temps >> des glaciers, la décadence religieuse était peut-être moins » prononcée qu'elle ne l'est parmi nombre de peuplades de

(1) P. 373.

(2) P. 379.

(3) P. 381.

III SÉRIE. T. XXX.

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