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CHAPITRE II.

Où en est aujourd'hui la question?

I.

On peut n'avoir point la foi, on peut ne pas regarder comme divine la puissance spirituelle dont le Pontife de Rome est investi; mais il faut bien reconnaître ce qu'il y a d'extraordinaire dans son origine, et qu'en fait, c'est par le pêcheur de Galilée qu'ont été apportés à Rome l'apostolat de l'Evangile et cette foi chrétienne, éminemment civilisatrice, qui de là rayonne sur le monde entier depuis tant de siècles. Le Pape est le successeur de ce merveilleux pêcheur; et Pie IX, le Pape aujourd'hui régnant, est bien vraiment le souverain spirituel de deux cent millions d'âmes, répandues sur tous les points du globe, au milieu des régions infidèles comme dans les pays chrétiens, parmi les nations schismatiques et protestantes comme chez les peuples catholiques; et qui toutes le regardent comme le juge suprême de leur foi religieuse et le guide de leurs consciences: voilà le fait immense introduit dans le monde par le pêcheur Pierre.

dent unis ensemble.-S. AUG., épist. XLIII, tom. II, col. 91.--S. Iren., lib. ll, cap 1, p. 175. S. CYPR., épist. LV, p. 86. THÉOD, Ep. al Ren., CXVI, tom. III, p. 989.-S. AVIT., ep. ad Faust, tom. I Com., Gal., p. 138. S. PROSPER, Carmen de Ingr., cap. II.

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Cette prodigieuse autorité morale, dont aucun exemple n'avait jamais été donné au monde, cette souveraineté spirituelle et universelle existe, et elle a eu les humbles et imperceptibles origines que nous avons racontées : tout ceci est de l'histoire.

A cette puissance, il fallait une demeure, une résidence, un siége quelconque ici-bas. L'Église chrétienne n'est pas une vaine idée spéculative: ce devait être un fait vivant, une société réelle, ayant à sa tête, par conséquent, un vrai pouvoir agissant, parlant, gouvernant dans les conditions de la vie des hommes, c'est-à-dire dans les conditions du temps et de l'espace. Quelle sera cette demeure? Nous avons vu qu'en fait le lieu choisi pour cela par Pierre, ou plutôt par Celui qui le guidait à son insu, fut le lieu même où, au centre de toutes les lumières de la civilisation antique, et avec tout le redoutable appareil de la puissance impériale, siégeait cette souveraineté romaine à laquelle le monde entier obéissait : certes, le choix de Pierre, s'il fut le sien, était d'une hardiesse singulière.

Quoiqu'il en soit, la question qui se présenta d'abord, qui s'est présentée plusieurs fois depuis, et quise représente encore aujourd'hui, est celle-ci: quelle sera, dans le lieu de sa demeure, la condition extérieure, l'existence visible, terrestre, de cette puissance spirituelle? Quels moyens, quels instruments emploiera Dieu pour la conduire à sa fin, l'aider à accomplir son œuvre, la soutenir et la conserver vivante et agissante à travers les siècles? La réponse est aussi simple que péremptoire: Dieu la soutient, il la conserve, il la perpétue comme tout ce qu'il fait dans le temps, par des moyens humains unis à sa puissante et surnaturelle assistance la pensée, l'œuvre est

du ciel; les instruments sont en partie de la terre: voilà tout le secret de l'économie divine.

C'est ainsi, d'ailleurs, que Dieu agit toujours.

On peut poser ici hardiment en principe que le miracle n'étant pas la règle ordinaire du gouvernement de la Providence, le moyen normal, régulier, habituel, que Dieu emploiera pour constituer la puissance spirituelle dans le monde, la conserver forte et respectée, lui ménager une heureuse et légitime influence, une action libre. et féconde, ne sera pas une dérogation perpétuelle aux lois qui régissent le monde moral, mais une application visible de ces lois, avec l'assistance invisible de sa toutepuissance.

L'analogie des faits divins les plus mémorables, et le corps entier de l'histoire, témoignent en faveur de ce principe.

Dieu a fait deux œuvres majeures en ce monde: la création et la rédemption. Il les a faites toutes deux par lui-même, par une intervention et une action directes de son pouvoir souverain; mais il les perpétue en y employant ses créatures.

Ainsi la famille, la société légitime et bénie de l'homme et de la femme, perpétue la création.

Ainsi une institution régulière et permanente, le sacerdoce chrétien et son Chef suprême, dépositaire, docteur, et ministre de la vérité, de la morale, et du culte. catholique, perpétue l'enseignement, le sacrifice, et les bienfaits de la rédemption. Mais ce sont des hommes, et non pas des anges, que Dieu a revêtus de ce sacerdoce et de cette puissance: ce sont des moyens humains, simples, vulgaires en apparence, des moyens naturels, et non des miracles, qu'il emploie extérieurement pour cette œuvre divine.

Sans doute, outre les moyens humains et le miracle éclatant, il y a toujours une intervention secrète de la Providence, qui se cache sous l'action des causes secondes; mais ce n'est pas le miracle proprement dit.

Si on me demandait Humainement parlant, à ne considérer que les causes et les probabilités ordinaires, l'Église peut-elle subsister? je répondrais Non. Les moyens humains, visibles, prévus, sont évidemment insuffisants pour la sauver. Elle se sauve par l'imprévu, par l'accident, ou ce que les hommes appellent ainsi, c'est-àdire par l'intervention plus ou moins cachée de la Providence, par une sorte de miracle latent et sans cesse renouvelé; mais ce n'est pas le miracle proprement dit, et il est toujours vrai de dire que Dieu n'a pas pour méthode de gouverner par des prodiges, mais par des lois : il y déroge quand il lui plait, et le prodige éclate. Mais le gouvernement normal de ses œuvres, c'est la loi, soutenue par l'action cachée de sa Providence ordinaire; il intervient, il établit, il conserve; la loi suit son cours; il veille, et elle obtient ses effets.

Si Dieu gouvernait le monde, même dans l'ordre spirituel, par des miracles perpétuels et éclatants, il anéantirait, jusqu'à un certain point, pour nous le mérite, et pour lui les hommages de notre liberté; le monde moral subirait alors une force d'impulsion qui tiendrait de la contrainte, et qui ressemblerait trop au mouvement aveugle du monde matériel.

Dieu ne l'a pas voulu, et si nous osions le dire, il a bien fait de ne le pas vouloir; il ne semble même pas difficile de pénétrer la raison de cette divine disposition. En effet, si l'action de Dieu ne se manifestait que par une dérogation perpétuelle à ses propres lois, ce ne serait plus cette belle

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tranquillité de l'ordre, qui est, suivant le mot de saint Augustin, la paix des œuvres de Dieu et la paix du monde: Pax est tranquillitas ordinis.

Il y aurait, il est vrai, comme parle saint Ambroise, l'illustre évêque de Milan, plus de miracle, mais aussi moins de miséricorde. On peut même dire qu'une conduite constamment miraculeuse ne révèlerait pas ici une plus grande puissance; car, d'une part, au fond des destinées de l'Église, le miracle de l'assistance divine, pour cacher son action, ne se fait pas moins sentir aux yeux attentifs; et d'autre part, les moyens que Dieu emploie sont si faibles, si vulgaires, si méprisables à la sagesse humaine, infirma, stulta, contemptibilia (1), que la puissance divine tire de l'infirmité de ces moyens mêmes la gloire d'un perpétuel miracle. Ainsi Dieu emploie la vertu, le génie, au service de son Église; mais la science. s'enfle, le génie s'égare, la vertu a ses défaillances; et l'Église demeure.

Ainsi l'Église a été établie par un miracle sanglant qui a duré trois cents années. Au rebours de toutes les institutions humaines, Dieu a voulu qu'elle commençât sa royauté par le martyre. Pendant trois siècles, suspendue entre le ciel et la terre, sans aucun appui humain, ne tenant à rien en ce inonde, couronnée du double diadême de l'apostolat et du sacrifice, l'Église romaine envoya tous ses premiers Pontifes à la confession du sang, et pas un d'eux ne refusa ce témoignage à son ministère et à son siége. Mais après que, par cette longue et terrible expérience, Dieu eut bien montré au monde que son Église n'avait ni peur, ni besoin des hommes, il prit une autre voie et voulut que l'Église

(1) S. PAUL, Ire ép. aux Cor., ch. 1.

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