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société, dont sortent toutes les autres, la parole, signe évident de la destination sociale des hommes, les idées du juste et de l'injuste, naturelles à la conscience humaine, et qui n'ont de sens que dans la société; tous ces faits qui déposent si éloquemment en faveur de l'état social, ont été saisis et démêlés par Aristote avec la plus grande sagacité. Tout en reconnaissant que la famille est la base de la société, il a bien distingué la famille et l'Etat : distinction importante qui servira toujours à distinguer les défenseurs des idées libérales, et ceux des doctrines absolues c'est Aristote qui a fait voir que le principe de la famille était l'autorité, et celui de l'Etat la liberté et l'égalité. Dans la famille même, s'il s'est trompé sur l'esclavage, il a bien démêlé la vraie nature du pouvoir paternel et du pouvoir conjugal, en définissant le premier un pouvoir royal, et le second un pouvoir républicain. Enfin, quant à la propriété, s'il n'en a pas démontré le droit, et s'il se montre même assez indifférent sur son origine, il a fait voir néanmoins le rôle de la propriété dans la famille et dans l'Etat, et on lui doit les premières notions précises d'économie politique.

Telles sont les doctrines sociales d'Aristote, qui remplissent le premier livre de son ouvrage. Quant à sa politique proprement dite, elle se compose d'une partie critique et d'une partie théorique. On a pu apprécier la force de sa critique par les exemples que nous en avons donnés. Son examen des théories sociales de son temps, et de la constitution politique de Lacédémone ou de Carthage, est d'une vigueur et d'une netteté qu'aucun publiciste n'a surpassée. Quant à ses propres théories, en voici les points les plus remarquables et les plus durables.

Il a vu que la cité se ramène au citoyen, et que le citoyen est celui qui participe directement ou indirectement aux magistratures. Il a soutenu par les plus forts arguments que l'on puisse invoquer aujourd'hui encore le principe de la souveraineté du plus grand nombre, et en même temps il a compris toutes les formes du gouvernement; il a suivi les traces de Platon, en donnant la préférence à un gouvernement de transaction, où se tempéreraient l'un par l'autre le principe de la fortune, de mérite et de la liberté ; il a vu qu'un tel tempérament est absolument ⚫incompatible avec une excessive inégalité des fortunes, et il a eu le pressentiment du rôle que devaient jouer les classes moyennes, si peu importantes dans l'antiquité, si considérables dans les temps modernes. Sa théorie de l'éducation, où l'influence de Platon est incontestable, est admirable: il dit avec raison qu'elle a pour but de former des hommes par les arts libéraux, et non de former des machines par ce que l'on appelle aujourd'hui l'éducation professionnelle, qui n'était pas ignorée même de son temps; il défend l'éducation publique contre les caprices de l'éducation domestique, et s'il a tort d'accorder à l'Etat le droit de s'emparer de l'individu malgré lui, il a raison dans les motifs qu'il en donne. Enfin sa théorie des révolutions, esquissée déjà par Platon, est la plus savante, la plus complète et encore aujourd'hui la plus neuve que puisse présenter la science politique.

Il est vrai que cette grande et belle politique repose sur un postulat inacceptable, la théorie de l'esclavage. Mais cette théorie même témoigne d'un profond génie, et l'on peut dire qu'elle a été un véritable progrès. Car poser une question d'une manière précise et exacte, c'est

évidemment mettre sur le chemin de la solution. Aristote a vu que l'esclavage dans l'antiquité reposait sur des préjugés; et il lui a cherché un principe philosophique. Il a démontré que ni la convention, ni la guerre ne pouvaient fonder l'esclavage: or c'est ce qu'aucun philosophe n'a vu, même depuis lui, jusqu'au xvII° siècle. Cependant l'esclavage existait. C'était, au temps d'Aristote, un fait universel; c'était la pierre angulaire de la société antique : nul publiciste n'était en mesure de pressentir qu'une société pouvait s'en passer: et Aristote était un génie trop positif et trop pratique pour qu'on pût attendre de lui une pareille intuition. Qu'a-t-il donc fait? Il a cherché un principe raisonnable à un fait déraisonnable, et il a cru le trouver dans l'inégalité naturelle des hommes, et dans une séparation du genre humain en deux races, l'une destinée aux travaux du corps, l'autre aux travaux de l'esprit. Il a donné par là à la société antique sa véritable signification, en la ramenant à ces deux faits essentiels : le loisir et le travail, le premier associé à la liberté, et le second à l'esclavage. Ceux qui ont réfléchi sur les nombreuses difficultés que rencontre dans les temps modernes la solution du problème politique, par cette raison surtout qu'il est toujours compliqué d'un problème social, comprendront comment l'esprit analytique d'Aristote a pu être séduit par cette simplification du problème: une société libre, nourrie par une société esclave.

On peut aussi reprocher à Aristote, d'avoir, moins que Platon sans doute, mais trop encore pour la vérité, sacrifié l'individu. Mais cette erreur, comme la précédente, est l'erreur capitale de la politique ancienne.

Si Aristote avait évité ces deux erreurs, je ne vois pas quelle supériorité nos doctrines politiques auraient sur les siennes. Il est injuste de demander à un ancien plus de vérités qu'il n'en pouvait atteindre dans les données de son temps. Celles que nous avons signalées suffisent à la gloire d'Aristote.

CHAPITRE IV.

$Ill. DERNIÈRES THÉORIES MORALES ET POLITIQUES de l'antiquité. Erreurs et lacunes des doctrines de Platon et d'Aristote.- Le stoicisme. Principe de la liberté intérieure. Principe de l'harmonie des êtres

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et de la cité universelle. - Théorie de la loi et du droit. Principes de sociabilité. — Polémique contre l'esclavage. — Politique.- Polybe et Cicéron. Théorie de la constitution romaine. Théorie des gouvernements mixtes. Influence du stoïcisme sur le droit romain. — Theories sociales et politiques des jurisconsultes de l'empire. - Fin de l'antiquité.

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Deux erreurs fondamentales, l'absolutisme de l'Etat et l'esclavage, communes l'une et l'autre à Platon et à Aristote, mais l'une exagérée par Platon, et l'autre par Aristote, corrompaient évidemment jusqu'à leur source même leur morale et leur politique. Au lieu de découvrir mieux que le présent, et d'entrevoir quelque chose de l'avenir, ils ne tournèrent leurs regards que vers le passé. Ils prirent pour la vérité absolue les erreurs passagères d'une société incomplète, et encore barbare dans sa politesse: ils eurent surtout le tort de ne pas comprendre quelques-uns des signes nouveaux qui se manifestaient, d'avoir trop oublié les traditions de Socrate, dont la vie et la mort auraient dû faire comprendre à Platon que l'Etat n'est pas tout, et dont quelques paroles admirables, que nous avons citées, devaient apprendre à Aristote que le travail n'est pas servile.

Il restait donc deux erreurs à combattre, deux vérités à introduire dans la philosophie morale et politique des

TOM. 1.

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