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sant aussi à son tour une cité parfaite, qui, voyageant sur la terre, n'a son vrai royaume que dans le ciel. Ici-bas, elle est mêlée à la cité terrestre; elle jouit de sa protection; elle profite de la paix que celle-ci lui assure. Elle vit à l'ombre de ses lois; mais sa vraie patrie est ailleurs. L'Etat n'est plus que le protecteur visible de la cité invisible, de la vraie cité.

Mais cette cité invisible, en attendant qu'elle trouve en Dieu la paix et l'éternel repos, vit et combat ici-bas sous une forme visible. Elle aussi, elle a ses lois, sa forme extérieure, son gouvernement: c'est l'Eglise. L'Eglise, en face de l'Etat, représente la liberté de la conscience; c'est sa grandeur. Mais bientôt, ne recherchera-t-elle point autre chose? Etant le royaume de Dieu, consentira-t-elle longtemps à se soumettre au royaume de la terre? Appelée à maintenir parmi les hommes la paix, la foi, la pureté des mœurs, pourrat-elle supporter sans résistance le spectacle de l'impureté, de l'impiété, de l'orgueil et de la tyrannie sur le trône? N'est-elle pas chargée de défendre les petits contre les grands, les affligés contre les oppresseurs? Voilà l'Eglise intervenant entre les princes et les sujets; la voilà jugeant, décidant du gouvernement temporel, s'attribuant le suprême arbitrage entre les peuples et les rois; de cet arbitrage à la suprématie absolue et universelle, l'intervalle n'est pas grand. L'Eglise devient supérieure à l'Etat; mais, comme elle a elle-même un gouvernement, des lois, des pouvoirs et des armes, elle est un Etat au-dessus de l'Etat que dis-je, elle devient l'Etat lui-même. C'est ainsi qu'une révolution, née d'abord de la liberté, aboutit à une nouvelle espèce

d'absolutisme, l'absolutisme théocratique. L'Etat oppresseur dans l'antiquité devient opprimé

il lutte et finit par recouvrer, après plusieurs siècles, la liberté et l'indépendance. Cette lutte, ce conflit, cette victoire, voilà l'histoire politique du moyen âge.

CHAPITRE SECOND.

SAINT BERNARD. LE SACERDOCE ET L'EMPIRE.

Saint Bernard. Fausses décrétales. Hincmar.

Invasion des barbares: Boèce, Isidore de Séville.
Politique du x au XIIIe siècle.
-Nicolas Ier.-Grégoire VII. -

Bernard.
Salisbury.

- Adversaires de Grégoire VII. — Saint Hugues de Saint-Victor. Thomas Becket. - Jean de Innocent III. Débats des jurisconsultes; décrétistes et légistes. Hugues de Florence. Théories des scholastiques. Pierre Lombard. — Alexandre de Hales. - Saint Bonaventure.

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Les quatre premiers siècles de l'ère chrétienne avaient été employés par les apôtres et les Pères de l'Eglise à fonder le dogme chrétien, à répandre et à enseigner la morale, à convertir les gentils, enfin à conquérir l'Etat lui-même, et à établir le christianisme sur le trône des empereurs. Toutes ces grandes entreprises étaient à peu près achevées au commencement du ve siècle. C'est alors que le monde romain fut bouleversé, et la civilisation confondue pendant plusieurs siècles par les invasions des barbares : du ve siècle au ix°, et même au XI° siècle, c'est une triste décadence, où il ne faut pas espérer trouver de traces d'une philosophie morale; c'était beaucoup alors de conserver quelques vestiges de la science, des lois, de la langue même de l'antiquité. Les seuls noms qui méritent d'être cités dans cet intervalle, sont ceux de Boèce et d'Isidore de Séville, beaucoup moins encore pour leur valeur propre (car l'un n'est qu'un rhéteur éloquent, l'autre un compilateur), que pour l'autorité dont ils jouirent au moyen âge. Boèce

est un de ceux qui servirent à transmettre à la philosophie scholastique quelques rayons de platonisme; c'est à lui, à saint Augustin, au Pseudo-Denis l'Aréopagite, que cette philosophie dut de ne pas être tout entière et absolument péripatéticienne. Quant à Isidore de Séville, il ne fit que transmettre quelques définitions que luimême avait recueillies et empruntées aux auteurs anciens, et particulièrement aux jurisconsultes lettre morte, qui servit seulement à faire passer de l'antiquité aux temps modernes quelques principes qui avaient vécu et qui devaient revivre.

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C'est vers le milieu du xi siècle, que l'on voit la pensée reprendre son essor, et la philosophie recommencer un mouvement qui ne doit plus s'arrêter. Comme nous ne voulons pas faire ici l'histoire de la scholastique, nous en signalerons seulement les traits qui se rapportent à notre objet. Deux éléments composent la philosophie du moyen âge : la dialectique et le mysticisme. Dans la première période, ces deux éléments sont séparés et même se combattent d'une part, une dialectique aride; de l'autre, un mysticisme contemplatif; d'une part, Roscelin et Abélard; de l'autre, saint Bernard et l'école de Saint-Victor. Dans la période suivante, c'est-à-dire au XII° siècle, ces deux éléments rivaux se rapprochent et se combinent, et nous les voyons réunis et tempérés l'un par l'autre, dans des proportions diverses, chez les trois grands maîtres de la scholastique saint Bonaventure, saint Thomas d'Aquin et Duns Scot. Après celui-ci, la séparation a lieu de nouveau. La dialectique se dépouille peu à peu de tout ce qui en faisait la vie et le suc, et elle revient au pur

nominalisme, d'où elle était sortie. Le mysticisme, à son tour, de plus en plus impatient des chaînes de la théologie scholastique, invoque l'expérience intérieure, et rejette la méthode de raisonnement et d'autorité. D'une part, Guillaume Occam, et de l'autre, Jean Gerson, travaillent ainsi l'un et l'autre, sans le savoir, à la décomposition de la philosophie du moyen âge. Car la dialectique et le mysticisme sont en quelque sorte le corps et l'âme de la scholastique. Sans l'âme, le corps finit par tomber en poussière, et la dialectique se perd et s'éparpille dans un chaos de distinctions verbales; de son côté, l'âme, se subtilisant de plus en plus, perd chaque jour le sentiment de la vie, et méprisant la science, les livres, le raisonnement, les maîtres, elle va s'abîmer dans l'humilité et dans l'amour pur.

Il n'en est pas encore ainsi au x1° siècle. Saint Bernard, le maître du mysticisme au moyen âge, n'unit pas, comme saint Bonaventure, l'extase et la dialectique, et il ne se perd pas, comme Gerson, dans les raffinements d'une psychologie ascétique. Son mysticisme est moins savant et moins compliqué; c'est une doctrine de l'âme plutôt que de l'esprit. Cependant, il sait peindre en même temps que sentir; et nul n'a exprimé en traits plus vifs et plus profonds les caractères sublimes de l'amour chrétien. Enfin, c'est de lui qu'est partie cette grande inspiration, qui, par le monastère de Saint-Victor, s'est répandue dans tout le moyen âge, et s'est enfin déposée dans le monument admirable et populaire de l'Imitation de Jésus-Christ.

Les deux sentiments chrétiens par excellence sont

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