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avons, nous l'avons reçu de Dieu; si nous ne l'employons pas pour la gloire de Dieu, si nous nous élevons contre l'Eglise de Dieu, nous ne sommes que des dépositaires déloyaux et d'iniques détenteurs des dons. de la Providence (1).

Cet ouvrage d'Egidius Romanus peut être considéré comme le point culminant des doctrines théocratiques au moyen âge. On y reconnaît l'exagération qui est d'ordinaire le signe des pouvoirs qui vont tomber. Echo des prétentions exorbitantes de Boniface VIII, il nous fait pressentir la réaction éclatante du quatorzième siècle contre ces doctrines insensées. Le progrès de la théocratie s'arrête. Les défenseurs du pouvoir civil s'élèvent de toutes parts, et remplissent de leurs écrits le siècle qui va s'ouvrir. La philosophie de saint Thomas pâlit et s'efface. C'est le moyen âge qui se dissout et qui disparaît,

(1) Cap. xi, fol. 26, vo : << Volumus ad ipsam possessionem, et dominium et potestatem infidelium nos convertere ostendentes, quod nullam possessionem, nullum dominium, nullam potestatem possunt infideles habere vere et cum justitia. Ibid. fol. 27, v° : A Deo habemus res temporales et dominia et potestates, quoniam non est potestas, nisi a Deo: quanto ergo magis hæc omnia habemus a Deo, tanto sumus magis injusti possessores, si inde non servimus Deo. »

TOM. I.

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CHAPITRE IV.

DANTE. OCKAM.

(Fin du Moyen Age.)

Philosophie chrétienne après saint Thomas. Mysticisme: Gerson, l'lmitation. Politique du xiv siecle. Dante. De Monarchia. Théorie de la monarchie universelle. Philosophie de l'histoire romaine. Le Pape et l'Empereur. — Ockam : sa scholastique, son argumentation contre le pouvoir des papes. Théorie de la liberté chrétienne. - Doctrines liberales du XIV siècle. Marsile de Padoue: principes démocratiques; liberté de conscience. Doctrines sociales et politiques des ordres mendiants. Conclusion sur la morale et la politique du moyen åge.

La philosophie de saint Thomas, admirable monument d'école, cadre excellent pour la distribution et la classification des problèmes, paraissait au mysticisme du moyen âge faire la part trop grande à la philosophie humaine, et, en réduisant à des formules sèches et didactiques tous les principes de la vie chrétienne, avoir plutôt en vue l'ordre et la discipline de l'enseignement que la satisfaction religieuse de l'âme. Le mysticisme, d'ailleurs, s'était montré toujours, pendant le moyen âge, plus ou moins impatient de la scholastique. Au XIIIe siècle seulement, il s'était laissé enchaîner, et saint Bonaventure, obéissant au génie de son temps, avait introduit la forme scholastique dans ses écrits; mais dans le siècle suivant, la séparation recommence, et au xve siècle la rupture est déclarée.

En Italie déjà, nous voyons renaître, au xiv siècle, le mysticisme philosophique et platonicien. C'est lui qui éveille et inspire le génie subtil de Pétrarque. Pé

trarque est une sorte de Platon mêlé de Sénèque; chrétien profane, alexandrin et académicien à la fois, il fut surtout utile à la philosophie en brisant la forme scholastique, et en lui donnant un mouvement plus libre et plus naturel. Vers le même temps, s'élève sur les bords du Rhin un mysticisme hardi et spéculatif, qui se place tout d'abord au sein de l'Etre, et du haut de cette contemplation, considère le monde et l'homme comme des phénomènes, dont le suprême bonheur est l'identité avec Dieu (1) c'est le mysticisme de maître Eckart, Tauler, Suzo, et enfin du Flamand Ruysbroeck, contre lequel écrit Gerson, mystique lui-même, mais dans un autre sens et avec une autre méthode.

Gerson, comme saint Bernard et l'école de Saint-Victor, fonde son mysticisme sur des expériences intérieures (2), sur certains états de l'âme que celui-là seul peut connaître qui les a éprouvés; c'est en quelque sorte un mysticisme psychologique. Gerson oppose la théologie mystique à la théologie spéculative: l'une qui est dans le cœur, l'autre dans l'intelligence; l'une fondée sur l'expérience, l'autre sur le raisonnement. Néanmoins, il croit que l'une et l'autre sont également nécessaires. La mystique est indispensable à la spéculative; car parler des phénomènes intérieurs sans les connaître, c'est parler comme des pies qui ne se comprennent pas ellesmêmes (3). D'un autre côté, les âmes dévotes, qui ont

(1) Voy. sur le mysticisme allemand du xiv siècle, le savant mémoire de M. Ch. Schmidt de Strasbourg. Mém. de l'Académie des sciences mor. et polit.

(2) Gers. De mystica theologia, pars. I, cons. п, experimentis habitis ad intrà in cordibus animarum devotarum, c. 5, non unus aut alter ista dicunt, sed mille.

(3) Ibid. p. vi, c. 30. Sicut pueri vel picæ.

le sentiment très-vif de ces phénomènes, ne doivent point dédaigner la philosophie savante, qui leur apprend à régler leurs affections sur la loi du Christ. C'est là, suivant Gerson, la cause des erreurs de Ruysbroeck et des faux mystiques (1). Comme Bossuet plus tard, il cherche à fixer la limite entre le vrai et le faux mysticisme, et il combat avec force la doctrine de l'identité entre le créateur et la créature.

Cependant ni le mysticisme littéraire de Pétrarque, ni le mysticisme spéculatif des théologiens allemands. ui enfin le mysticisme de Gerson lui-même, trop savant encore, ne suffisaient aux âmes pieuses et dévotes, fatiguées des formules de l'école, et cherchant dans les profondeurs de l'âme un oubli plus profond d'ellesmêmes, un abandon plus entier. De là un mysticisme populaire, qui trouva son admirable expression dans l'Imitation de Jésus-Christ (2), l'un des plus beaux livres du monde, plainte sublime d'une âme altérée de foi et d'amour devant une science tarie. L'Initation est la traduction populaire de la théologie mystique, c'est le dernier cri du mysticisme du moyen âge contre la philosophie des écoles, la théologie spéculative, le christianisme péripatéticien des universités. Ainsi s'écroulait l'artificiel édifice construit par le grand doc

(1) De myst. theolog, pars I, c. 8. Compertum est multos habere derotionem, sed non secundum scientiam.... Hoc in Begardis et Turelipinis manifestum fecit experientia. - Cf. Epistol. super libr. Ruysbrock.

De ornatu spiritualium nuptiarum.

(2) Je ne considère pas comme prouvée l'opinion avancée dans ces derniers temps que l'Imitation est du xm siècle : c'est pourquoi j'en parle ici. Le mysticisme du xu siècle n'a pas ce caractère mélancolique et désabusé.

teur du XIIe siècle, auquel les Pères de l'Église avaient fourni les pierres, et Aristote le ciment. La morale de saint Thomas, cette ingénieuse conciliation d'éléments inconciliables, perdait tout empire devant cette morale pénétrante et profonde, dont le premier mot était : << Mieux vaut éprouver la componction, que d'en savoir la définition (1). » Et encore : « Tout homme désire savoir naturellement, mais qu'importe la science sans la crainte de Dieu (2)? » Mais cette morale elle-même était-elle la dernière vérité? Si séduisante, qu'elle soit par sa simplicité sans égale, et par l'attrait d'une tristesse délicieuse, par la justesse du sentiment intérieur et la connaissance profonde de la vie morale, cette doctrine ne penche-t-elle pas à son tour vers un autre excès? Ce livre a-t-il raison lorsqu'il nous dit : « Cours çà et là, tu ne trouveras le repos que dans l'humble soumission à l'autorité d'un chef (3)! » Lorsqu'il écrit : Qu'il est grand de ne pas s'appartenir à soi-même, sui juris non esse (4)! » A-t-il raison d'éloigner l'homme du commerce des hommes? Et enfin cette longue plainte, si légitime qu'elle puisse être, n'a-t-elle pas le tort d'amortir l'activité de l'homme, et de lui ôter cette joie de la vie, si nécessaire à la vertu?

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Tandis que la philosophie morale du moyen âge retournait au mysticisme dont elle était sortie, et s'affranchissait des formes de la scholastique, désormais con

(1) De imit. Christ. I. I, c. 1.

(2) Ib. c. 11.

(3) lb. c. ix.

(4) Ib. ib.

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