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choses sont permises qui ne le sont pas ailleurs exemple, écrire, parler, se réunir, aller et venir, etc. Mettez ces libertés entre les mains d'un peuple corrompu, il en usera nécessairement mal: les citoyens se nuiront les uns aux autres, et se rendront la liberté insupportable; le goût du plaisir amollira les courages; les divisions intérieures amortiront l'esprit public; les plus corrompus, pour jouir plus sûrement, vendront l'Etat soit à un conquérant, soit à un maître. Cette révolution inévitable a été peinte par Platon avec une force de couleurs et une énergie de sentiment que l'on ne peut trop admirer. Au reste, je ne veux pas dire qu'il y ait une relation constante entre la vertu et la liberté : car il entre trop d'éléments divers dans les choses politiques pour établir une pareille loi; mais ce que l'on peut affirmer, d'après l'autorité de tous les publicistes, et d'après l'expérience de l'histoire, c'est que la corruption entraîne tôt ou tard la servitude, et que la servitude entraîne à son tour la corruption.

On dira peut-être que nous retombons dans la chimère platonique, et que la conséquence de ces principes, c'est que l'Etat doit établir et faire régner la vertu. Mais je n'admets pas cette conséquence la vertu est l'œuvre libre de la volonté des citoyens; elle a son siége dans leur cœur; c'est elle qui fait l'Etat, ce n'est pas

l'Etat qui la crée. Sans doute l'Etat peut agir sur la moralité des citoyens; en établissant l'ordre, l'union et la paix, il rend les hommes plus aptes à accomplir leurs devoirs s'il est bien constitué, les facultés morales trouvent plus aisément à se développer sous son ombre : enfin, il peut même intervenir plus directement encore par l'éducation. Mais il n'impose pas la vertu par la loi il ne force pas les citoyens à être généreux, bons, libéraux, tempérants. Il protége le droit de chacun ; mais il ne peut aller plus loin sans despotisme. C'est aux citoyens eux-mêmes que revient l'obligation de se rendre dignes d'être citoyens, et d'assurer par les mœurs l'empire des lois. C'est ainsi que la politique suppose la morale sans se confondre avec elle.

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II. Je dis en outre, que la politique suppose la morale théoriquement. Essayez, en effet, sans aucun principe emprunté à la morale, sans aucune notion du juste ou de l'injuste, d'asseoir une théorie politique. Vous voilà, sans critérium, entre mille systèmes opposés. Les uns vous proposent le droit divin, les autres le droit paternel; ceux-ci le droit le plus fort, ceux-là le contrat primitif, etc. Les uns sont pour la monarchie absolue, les autres pour l'aristocratie, d'autres pour la démocratie pure, d'autres encore pour les gouvernements mélangés. Pour ceux-ci, la fin de l'Etat, c'est la grandeur du

prince, pour d'autres le bonheur des sujets; pour les uns la paix, pour les autres la liberté; pour les uns l'indépendance, pour les autres la domination. Comment choisir entre ces principes, ces formes et ces fins diverses? Cherchez-vous historiquement par où l'Etat a commencé? Mais une telle recherche est impossible; partout vous trouvez l'Etat tout formé, sans assister à sa formation. D'ailleurs, cette origine historique, la connussiez-vous, ne vous apprendrait rien. Car de ce que l'Etat a commencé d'une certaine façon, il ne s'ensuit pas que ce soit là son principe légitime. Supposez que l'Etat soit né de la force, s'ensuit-il que la force est le principe du droit civil et politique ? S'il a commencé par la famille (ce qui est vraisemblable), assurera-t-on, comme le chevalier Filmer, que le pouvoir politique a son principe dans le pouvoir paternel, et que les princes d'aujourd'hui sont les héritiers légitimes d'Adam et de Noé? Ainsi, nulle lumière sur l'origine historique de l'Etat, et, connût-on cette origine, sur le vrai principe de l'ordre politique. Vous voilà réduit à affirmer en fait que tel Etat a eu pour origine la violence, tel autre le contrat libre des citoyens, ici la conquête, là un achat, tantôt l'élection, tantôt le sacre religieux, la donation, l'usurpation, etc.; que certains peuples sont nés pour la guerre, d'autres pour la culture, ceux-ci pour conquérir,

ceux-là pour être conquis, les uns pour le commerce, les autres pour les arts, les uns pour la vertu, les autres pour le plaisir; de tous ces faits vous conclurez qu'en raison de telle origine, ou de telle aptitude particulière, tel peuple doit être gouverné d'une certaine façon, tel autre, d'une autre; et que les formes de gouvernement ne sont que des moyennes variables et relatives entre une origine et une fin également relatives: en un mot, vous ne vous élèverez pas au-dessus d'une politique entièrement empirique.

Mais, dira-t-on, la politique peut-elle être autre chose qu'une science empirique, qui observant les faits, c'està-dire le caractère des peuples, leurs mœurs, leur origine, leur climat, montre les variations que les formes politiques doivent subir en raison de ces données diverses? La tentative de découvrir un principe absolu, dans ces matières, n'est-elle pas une chimère? La diversité et la vanité des systèmes que cette folle idée a suscités, en est une preuve éclatante. Nul peuple ne ressemble à un autre peuple, nulle époque à une autre époque : tout doit donc être variable et relatif dans les institutions et dans les lois. Voyez quels maux a produits cette chimère d'une vérité absolue en politique. Les peuples ont oublié leurs traditions, ils se sont mis à la poursuite d'une société parfaite; ils ont voulu refaire à priori leurs ins

titutions sur ce modèle imaginaire; et, comme les choses ne se plient pas à tous les caprices de l'imagination des hommes, irrités de cette résistance inattendue, ils se sont emportés à toutes les violences, et depuis ce temps la société flotte au hasard, sans trouver à jeter l'ancre sur aucun rivage. Enfin considérez la science elle-même. Quels sont les plus grands publicistes du monde? Sont-ce les théoriciens, les rêveurs, les logiciens? Est-ce Platon, est-ce Rousseau? Non, ce sont les observateurs et les empiriques, c'est Aristote dans l'antiquité, et Montesquieu chez les modernes. Or, l'un et l'autre n'ont fait qu'étudier et généraliser les faits. Ils ont procédé en politique, comme en histoire naturelle, par l'observation, l'analyse et l'induction. Aussi leurs livres sont-ils les seuls instructifs : les autres fatiguent et troublent l'esprit sans l'éclairer.

Je réponds, que l'expérience est sans doute une des conditions indispensables de la science politique, qu'une politique à priori est insuffisante et incomplète, que sût-on sans crainte de se tromper, quel est le mieux et qu'elle est le vrai en politique, il y aurait encore à consulter les aptitudes des peuples, leurs mœurs et les moyens dont on peut disposer pour faire le bien. J'accorde que ce qui paraît juste en soi, peut être injuste dans un cas donné, et dans des cir

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