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tion de l'Etat que de le réduire à n'être que le protecteur armé du droit et le régulateur de la liberté : car c'est lui ôter tout mouvement et toute initiative. Mais j'accorde que ce n'est pas là toute la fonction de l'Etat, et qu'il peut être encore considéré comme le mandataire des intérêts particuliers: c'est à ce titre qu'il se charge des grands travaux publics, de l'éducation, des faveurs accordées aux arts et aux sciences, etc.; c'est à ce titre qu'il a été défini l'organe du progrès, et qu'il a si grandement servi la civilisation chez les Romains et en France. Mais d'abord ce nouveau point de vue n'est pas, comme le précédent, essentiel à l'idée de l'Etat car on voit des peuples où l'initiative des individus ou des corporations fait ce que nous sommes habitués à réclamer de l'action administrative. En second lieu, ce point de vue très-digne d'intérêt, et qui touche aux plus grandes questions, se rapporte plutôt à l'économie politique qu'à la morale: il sortait donc du sujet de cette introduction.

Tels sont les rapports de la politique et de la morale parmi les hommes tels qu'ils sont. Mais si, pour distraire et enchanter notre imagination, nous détournons nos regards de la société réelle pour les reporter, à la suite de Platon, sur une société parfaite et idéale, nous verrons la politique se confondre et en quelque sorte

s'évanouir dans la morale. Imaginez en effet une politique parfaite, un gouvernement parfait, des lois parfaites, vous supposez par là même les hommes parfaits. Mais alors la politique ne serait plus autre chose que le gouvernement libro de chaque homme par soi-même : en d'autres termes, elle cesserait d'être. Et cependant, c'est là sa fin et son idéal. L'objet du gouvernement est de préparer insensiblement les hommes à cet état parfait de société, où les lois deviendraient inutiles, et le gouvernement lui-même. Il y a une cité absolue, dont les cités humaines ne sont que des ombres, où tout homme est parfaitement libre, sans jamais suivre d'autre loi que celle de la raison; où tous les hommes sont égaux, c'est-à-dire ont la même perfection morale, la même raison, la même liberté; où tous les hommes sont vraiment frères, c'est-à-dire unis par des sentiments d'amitié sans mélange, vivant d'une vie commune, sans opposition d'intérêts, et même sans opposition de droits car le droit suppose une sorte de jalousie réciproque, impossible dans un système où une bienveillance sans bornes ne laisserait à aucun le loisir de penser à soi; voilà la république de Platon, la cité de Dieu de saint Augustin. Mais une telle cité est un rêve ici-bas: elle ne peut être qu'en dehors des conditions de la vie actuelle. La politique ne doit pas s'enivrer d'un tel idéal, autre

ment elle perdrait le sentiment des nécessités réelles. Mais elle ne doit point l'oublier, sous peine de marcher au hasard dans des contradictions sans fin. Le vrai politique est un philosophe comme le pensait Platon, mais un philosophe qui sait que le règne de la philosophie n'est pas de ce monde, et qu'il faut savoir traiter avec les hommes tels qu'ils sont, afin de les conduire peu à peu à ce qu'ils doivent être.

DE LA

PHILOSOPHIE MORALE

ET POLITIQUE.

LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

SOCRATE.

- Sa

Origines de la morale en Grèce. Les poëtes, les Sages, les philosophes, les Sophistes. Socrate. Caractère scientifique de sa morale. méthode. Ses théories. Théorie de la tempérance. Théorie de la justice. Ses idées sur la famille et sur le travail. Principes religieux de Socrate. Sa politique. Role politique de Socrate.

La philosophie morale et politique peut être considérée à bon droit comme une des inventions de la Grèce antique. Vous trouveriez encore en Orient des systèmes de morale, mais nulle part (la Chine exceptée) de véritables spéculations politiques. C'est d'ailleurs de l'antiquité grecque et romaine et non de l'antiquité orientale que nous tenons la plupart de nos idées. L'Orient ne s'est mêlé à la civilisation de l'Europe, au moins dans les temps historiques, que par l'intermédiaire du judaïsme et du christianisme. Mais le christianisme lui-même n'a fait que cultiver et féconder un sol préparé depuis longtemps par la philosophie des anciens. C'est donc à cette source qu'il nous faut retourner pour voir naître et s'annoncer les débats qui ont partagé

TOM. I.

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