MONOGRAPHIE ARCHÉO-HISTORIQUE

DE

L'ANCIENNE ABBAYE DE SAINT-PIERRE A LOBBES,

(654-1794).

V.

Biens et revenus de l'abbaye de Lobbes.

Au moyen âge, le nombre des religieux qui vivaient en communauté à Lobbes paraît avoir été assez considérable. Mais dans la suite des temps, il diminua sensiblement, de telle sorte qu'en 1717, cette pieuse congrégation ne comptait plus que 22 membres. En 1746, elle se composait de 38 individus parmi lesquels il s'en trouvait neuf attachés à des prieurés. A l'époque où l'abbaye fut détruite, c'est-à-dire au mois de mai 1794, ce chiffre n'avait guère varié, et l'on a conservé les noms de 33 religieux internes qui prirent la fuite devant l'attitude menaçante de l'armée française. L'un d'entre eux, Dom Norbert Vandois, mourut à Bruxelles, le 6 juillet suivant. Le 23 prairial an III de la république, 16 religieux se présentèrent à la municipalité de Lobbes pour prendre possession de leur abbaye, ainsi que des biens et des revenus qui y étaient attachés, en vertu de l'arrêté rendu par les représentants du peuple à Bruxelles,

1. MARTÈNE et DURAND. Voyage littéraire, etc., t. II, p. 210. 2. (SAUMERY.) Délices du païs de Liége, t. II, p. 364.

le 6 du même mois. C'étaient D. Pierre Matthieu, Joseph Lengrand, Nicolas Berti, Laurent Liénard, Eugène Delpierre, Théodulphe Leton, Ambroise Leclercq, Ildephonse Tetelain, Athanase Henrion, François Baufry, Vincent Daumerie, Benoît Dubiez, Grégoire Roulez, Hydulphe Everard, Abel Druard et Louis Mandron. Les autres membres de la communauté avaient franchi la frontière pour chercher un refuge en Allemagne : c'étaient D. Vulgise Vigneron, abbé, Maur Watteau, prieur, Paul Dawans, proviseur, André Degueldre, procureur, Augustin Dever, Lambert Bataille, Amand Moreau, Hubert Masure, Isidore Journel, Jean Minson, Dominique Berlemont, Célestin Boutée, Barthélémi Carmont, Adrien Haillez, Philippe Delbruyère et Placide Mailliard '.

Les dignités conventuelles étaient celles-ci. L'abbé dirigeait en général l'administration intérieure et extérieure du monastère. Au prieur, assisté ordinairement d'un sous-prieur, incombait l'obligation de convoquer les religieux à tous les exercices, de surveiller les cérémonies du culte, de suppléer l'abbé et de veiller également aux intérêts temporels de la communauté. La gestion des biens rentrait aussi dans les attributions du procureur. La charge de chantre consistait à conduire les chœurs des enfants de la prière. Le maître des novices formait ses disciples aux vertus et aux pratiques de la vie religieuse. Parmi les autres officiers monastiques, on distinguait encore le proviseur, le cellérier, le maître du vestiaire, le bibliothécaire ou archiviste, le garde ou intendant de l'église, l'aumônier, le maître d'hôtel, l'infirmier, etc.

Suivant les renseignements que nous avons recueillis, le monastère avait un personnel nombreux. On y comptait un

1. Archives ecclésiastiques au dépôt de l'État, à Mons. Abbaye de Lobbes,

n° 58.

médecin, un chirurgien, un domestique d'infirmerie et son aide, deux jardiniers, un brasseur, un boulanger et son aide, un boucher, un pêcheur, deux cuisiniers et leur aide, un meunier, un charpentier, un ardoisier et son aide, un menuisier, un charron et son aide, deux maréchaux, un barbier, un cocher, deux palefreniers, un sellier, trois portiers, etc.

La dotation de l'abbaye de Lobbes acquit une importance considérable, dès le premier siècle de son existence. La munificence des rois franks, les largesses des principaux seigneurs de la contrée, les offrandes des fidèles et la piété des moines fournirent à l'église de Saint-Pierre les ressources les plus indispensables pour subvenir aux dépenses du culte divin, et créèrent des revenus dont la communauté avait besoin pour pourvoir à sa subsistance et pour remplir sa mission civilisatrice.

Le roi Dagobert figure à la tête des bienfaiteurs qui aidèrent le fondateur de Lobbes dans sa noble entreprise. Il lui abandonna les domaines de Baives et de Wallers, situés dans la Fagne, avec les eaux, les cours d'eau, les bois, les dîmes, etc., qui en dépendaient. Cette donation fut approuvée par Aubert, évêque de Cambrai '. Vers l'an 680, sainte Renelde, fille du comte Witger et de sainte Amalberge, légua à l'église de Saint-Pierre tous ses biens comprenant la terre de Saintes en Brabant avec cinq ville et leurs dépendances. Saint Hydulphe, duc de Lobbes, la gratifia à son tour d'environ cent ville avec les droits et les privilèges qui y étaient attachés 3. Pepin de Herstal et saint Dodo lui firent également les dons

3

1. Pièces justificatives, nos I et II.

2. GHESQUIÈRE. Acta SS. Belgii selecta, t. IV, p. 650.

3. Th. Lejeune. Monographies historiques et archéologiques, t. II, p. 155.

les plus généreux'. Les richesses du monastère s'accrurent encore par le zèle apostolique de saint Ursmer, qui obtint pour son église les domaines de Segelsem, d'Oudenbourg et d'Arseele; il y ajouta son patrimoine de Fontenelle. Saint Ermin fit aussi hommage au monastère de Lobbes de tous ses biens patrimoniaux, savoir: Herly, Dodeleuroux, Oulbres et Ramicourt. Carloman lui concéda sa villa de Fontaine(Valmont) et Lothaire II, celle de Hon-lez-Bavai, qui servit à l'entretien du luminaire de l'église abbatiale 3.

Sous le règne de Lothaire II, roi de Lotharingie, l'abbaye de Lobbes qui avait été quelque temps la proie d'hommes avides et qui avait vu une grande partie de ses richesses se dissiper entre leurs mains, refleurit par la sollicitude de ce prince, ému de pitié à la vue des maux dont l'avait accablée l'abbé Hubert. Après avoir relevé la maison de ses ruines, il remit les moines en possession des biens dont on put espérer le recouvrement. A la suite de cette opération difficile, il pria Jean, évêque de Cambrai, de dresser le polyptique ou l'état général de toutes les propriétés territoriales, des métairies et des rentes du monastère. Alors, le chef diocésain menaça d'excommunication tous ceux qui s'empareraient des biens de l'église de Saint-Pierre de Lobbes. Cette sentence qui obtint la confirmation tant du saint-siège que des évêques de la province de Reims, jeta la terreur parmi les envahisseurs et les empêcha de poursuivre leurs empiètements 3. On évalue

1. Fundatio monasterii Lobbiensis, auctore HUGONE priore, fol. 14. Ms. de l'abbaye de Lobbes.

2. Compendium historiæ monasterii Lobbiensis, fol. 42. Ms. de l'abbaye de Lobbes. Gilles Waulde. La vie du bienheureux sainct Ermin, p. 154. 3. FULCUIN. Gesta abbatum Lobiensium, cap. 13.

4. D'ACHERY. Spicilegium, t. III, p. 734.

5. BALDERIC. Chronicon Cameracense et Atrebatense, lib. I, cap. 53.

à 174 le nombre des localités où l'abbaye de Lobbes possédait des biens à cette époque. En voici la liste qui fut formée la quatorzième année du règne de Lothaire II, correspondant à l'année 868-869.

POLYPTIQUE

ou état des biens de l'abbaye de Lobbes, sous le roi Lothaire. Lobbes (Laubacus cum appenditiis ejus); Thuin (Tudinio castello); Grignart (Groigniaco); Bienne-lez-Happart (Bevena); Hodoumont, à Lobbes (Hidulfi-Monte); Samsonis Petra (?) ancien lieu-dit à Lobbes; Roux (Ruez cella); Antoing (cella in Antonio cum appenditiis ejus); abbaye d'Alne (cella in Alna cum appenditiis ejus).

IN PAGO LOMMACENSI SEU SAMBRIENSI (Sambre).

Ragnies (Radionacis cum appenditiis ejus); Biesmes-sousThuin (Bevena); Biercée (Berceis); Leers (Liercis); Rainwez (?), à Strée (Rauceis); Fontaine-Valmont (Fontanis); Sattalar, à Fontaine-Valmont (Slaris); Hantes (Hantas); Erpion (Herpion); Barbençon (Barbenzon); Castillon (Castillion); Mertenne (Mertines); Clermont (Clarus-Mons); Buverniat (Bovernias); Thaignies (Tingies); Offregnies sous Clermont (Offrigies); Strée (Strata); Viscourt, à Clermont (Viscurz); Popignies (Popignies); Sorezin (?); Ossogne (Alsonia); Donstiennes (Alesta, Donum Stephani); Battiniacus (?); Thuillies (Tuwlleis); Louzet ou Houzée (Houzeis); Gozée (Gozeis); Marbais-la-Tour (Marbais); Ham-surHeure (Ham super Hur); Rognée (Rohignies); Jamioulx (Jambimiel); Mont-sur-Marchiennes ou Mont-Saint-Martin, à Montignies-le-Tilleul (Monz); Montignies-Saint-Christophe (Montiniacus); Marchienne-au-Pont (Marcianis); Marcinelle ou Marchienne (item Marcianis).

GILLES WAULDE. Chronique de Lobbes, p. 349. DELEWARDE. Histoire générale du Hainau, t. II, p. 95.