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le juge doit prendre en considération non pas seulement l'importance de la fonction, mais encore l'ancienneté des services rendus, et, si c'est le maître qui rompt l'engagement, les difficultés qu'aura l'employé pour se procurer un nouveau travail. La Cour de cassation elle-même a consacré ce principe général par un arrêt de février 1859, mais elle a cru devoir y faire exception lorsqu'il s'est agi des employés des Compagnies de chemins de fer en décidant (arrêt de 1872) que le louage de services sans détermination de durée peut toujours cesser par la libre volonté de l'une ou l'autre des parties contractantes.

Il n'appartient pas aux pouvoirs publics de critiquer cette doctrine de la Cour suprême, mais ils ont le droit et le devoir de modifier la loi quand elle a cessé d'être en rapport avec les principes qui doivent régir les sociétés modernes.

Il convient de remarquer que la stipulation insérée dans notre proposition de loi au profit des agents commissionnés des chemins de fer ne constitue pas une exception faite en leur faveur.

Il existe déjà pour une certaine catégorie de travailleurs un précédent que nous pouvons invoquer. Le Code de commerce consacre un titre tout entier au louage des matelots, et l'art. 270 du Code de commerce stipule notamment que << Tout matelot qui justifie qu'il est congédié sans cause valable a droit à une indemnité contre le capitaine », et pour qu'on ne puisse pas prétendre qu'il s'agit seulement. du congédiement en cours de route, le paragraphe 3 de ce même article dispose que l'indemnité sera du tiers des loyers si le renvoi a lieu avant le voyage commencé.

Les intérêts des employés de chemins de fer n'étant pas moins respectables que ceux des marins, il paraît tout à fait équitable d'accorder à ces deux classes d'hommes dévoués la même sollicitude et la même protection.

Une autre considération nous a amenés à vous proposer de régler par une loi la situation des agents commissionnés des compagnies de chemins de fer.

D'après l'une des clauses de la convention qui intervient entre les Compagnies et leurs agents, il doit être payé à ces derniers une pension de retraite à cinquante ans d'âge et après vingt-cinq ans de service. Dans la plupart des administrations de chemins de fer, les agents contribuent à

la formation de la caisse destinée à payer ces pensions par un prélèvement opéré d'office sur leur salaire. Il est aussi de règle à peu près générale que les agents perdent en quittant leur emploi, même quand ils sont révoqués sans motifs légitimes, tous les versements qu'ils ont effectués. N'y a-t-il pas là une raison décisive de faire attribuer à l'agent révoqué sans motifs légitimes, une indemnité qui tiendra compte du préjudice si grave qui lui est ainsi causé?

Il faut en outre tenir compte de ce fait économique, à savoir que les diverses institutions de prévoyance qui existent au sein d'une entreprise industrielle, ont pour conséquence de rendre les travailleurs, appelés à en bénéficier, moins exigeants pour le taux de la rémunération. S'il en est ainsi, n'est-il pas tout à fait conforme à l'équité de poser ce principe que les sacrifices pécuniaires, faits par les agents commissionnés, ne pourront être perdus que pour manquement grave au devoir professionnel? La réponse à cette question ne saurait être douteuse?

Telles sont les principales considérations qui nous ont inspirés dans la proposition de loi que nous avons l'honneur de vous soumettre.

Le paragraphe 1er de l'art. 1er de notre proposition de loi dispose que la convention, c'est-à-dire le contrat de louage d'ouvrage entre les Compagnies et leurs agents commissionnés, ne pourra être résiliée sans cause légitime, par la seule volonté de l'une des parties, que moyennant la réparation du préjudice causé à l'autre partie contractante.

C'est à la fois la reconnaissance du droit des agents et de celui des Compagnies et une application de ce principe consacré par l'art. 1142 du Code civil que tout engagement peut se résoudre par une indemnité.

L'économie de notre proposition de loi consiste donc esentiellement dans le droit réservé à chacune des parties contractantes de résilier le contrat à toute époque moyennant une indemnité représentant le préjudice causé à l'autre partie. La rupture de l'engagement, comme dans la proposition de loi présentée l'année dernière à la Chambre, n'est pas en elle-même une sorte de délit portant ouverture d'une indemnité, il faut comme condition indispensable la constatation et la démonstration du préjudice causé à la partie plaignante.

La situation juridique des deux parties se trouve ainsi établie sur le pied d'une parfaite égalité. Il y a lieu toutefois de reconnaître et de proclamer à l'avance que, dans la plupart des cas, il existera une notable différence dans l'importance du préjudice causé, selon qu'il s'agira de la Compagnie ou de l'agent. En effet, lorsqu'un employé de chemin de fer donne sa démission, le préjudice pour la Compagnie est le plus souvent nul ou insignifiant, un autre employé se trouvant toujours prêt à prendre la place devenue vacante. La Compagnie trouvera presque toujours un avantage par la substitution à l'agent démissionnaire, d'un agent d'un rang inférieur dont la rétribution sera moindre que celle accordée au prédécesseur.

La situation est tout autre quand l'agent 'est révoqué. Nous l'avons expliqué plus haut en rappelant l'impossibilité pour un agent révoqué de trouver un emploi dans une autre Compagnie et tout au moins la difficulté de parcourir une nouvelle carrière. Le juge saura donc bien apprécier la situation si profondément dissemblable des deux parties et il accordera dans chaque cas, selon le vœu du législateur, des indemnités proportionnelles au préjudice. causé.

L'art. 1er prévoit aussi, pour faciliter la tâche du juge, un règlement d'administration publique rendu après avis des hommes compétents. Ce règlement d'administration publique viendra faciliter au juge l'appréciation des différends qui lui seront soumis.

Le dernier paragraphe de l'art. 1er a pour but d'empêcher les Compagnies d'imposer à leurs agents comme condition d'admission des conventions annulant les dispositions de la présente loi. Nul ne saurait renoncer à la protection que la loi lui assure.

L'art. 2 porte que les Compagnies soumettront les statuts et règlements des caisses de retraite à l'homologation du ministre des travaux publics.

En droit, cette obligation est justifiée par assimilation à l'art. 66 de la loi du 24 juin 1867 soumettant les Sociétés d'assurances à l'autorisation du Gouvernement. De plus, la participation des Compagnies aux caisses de retraites engage les intérêts financiers de l'État dont l'intervention et le contrôle deviennent à ce titre absolument légitimes.

L'art. 3 autorisant les employés à créer et à administrer des caisses de secours a pour objet de procurer aux employés commissionnés, en dehors de la caisse de retraite, les avantages de la mutualité de prévoyance, il leur fournit l'occasion de faire l'expérience d'institutions établies volontairement et administrées librement. Les employés non commissionnés dont la situation est si digne d'intérêt participeront aux bénéfices de ces caisses.

L'art. 4 s'écarte absolument de la proposition de loi présentée l'an dernier par la Commission en ce qui concerne la juridiction appelée à connaître des litiges auxquels donnera lieu la rupture de l'engagement souscrit.

Le Gouvernement, qui avait adopté le principe de la loi, s'était nettement prononcé contre la juridiction arbitrale. Nous pensons comme lui que la juridiction du juge de paix, dont tout le monde veut étendre la compétence, s'impose. Nous avons admis l'intervention du juge de paix du canton où réside l'agent, afin que la procédure fût rapide et peu coûteuse.

L'art. 5, qui étend la compétence du juge de paix jusqu'à 1.500 francs en dernier ressort, et à charge d'appel à quelque somme que la demande puisse s'élever, est l'application des principes qui ont présidé à la rédaction de l'art. 5 de la loi du 25 mai 1838 et la conséquence de la loi de la réorganisation de la magistrature présentée dernièrement à la Chambre par l'un des signataires de notre proposition de loi.

En résumé, notre proposition de loi a pour but d'accorder aux agents le bénéfice du droit commun que les tribunaux et Cours d'appel leur ont maintes fois reconnu. Il est done impossible de méconnaitre (combien nos revendications sont modestes et combien est grande l'autorité de ceux dont nous invoquons le témoignage.

En votant notre proposition de loi, vous accomplirez, Messieurs, un acte de justice envers une intéressante catégorie de travailleurs qui, à toute époque et notamment en 1870, ont donné des preuves éclatantes d'énergie, de courage et de dévouement.

Le moment est certainement venu de resserrer les liens qui unissent les Compagnies à leurs agents, d'assurer le respect des contrats et des situations acquises, de prévenir

les abus d'autorité et de faire naître la concorde là où ont régné jusqu'à présent la défiance et l'inquiétude.

Ce sont là assurément des mesures de bonne politique, qui seront fécondes en heureux résultats pour l'avenir, puisqu'elles doivent contribuer au maintien de la paix sociale.

PROPOSITION DE LOI

ARTICLE PREMIER. En dehors des cas prévus par un règlement d'administration publique rendu dans les trois mois de la promulgation de la présente loi, la convention par laquelle les Compagnies de chemins de fer louent pour une durée non déterminée les services de leurs agents commissionnés, ne peut être révoquée sans motif légitime par la volonté de l'une des parties contractantes que moyennant la réparation du préjudice causé.

Toute stipulation contraire à la précédente disposition est nulle de plein droit.

ART. 2. Dans le délai de trois mois de la promulgation de la présente loi, les règlements et statuts des caisses de retraite devront être soumis à l'homologation du ministre des travaux publics.

ART. 3. Les employés d'une même compagnie auront le droit, en soumettant leurs statuts à l'approbation du ministre des travaux publics, de former entre eux des caisses de secours pour eux et leurs familles et de se réserver l'administration exclusive de ces caisses.

ART. 4. Les contestations auxquelles pourra donner lieu l'application de l'article premier seront portées devant le juge de paix du canton dans lequel est domicilié l'agent.

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ART. 5. Le juge de paix statuera en dernier ressort jusqu'à 1,500 francs, et à charge d'appel à quelque somme que la demande puisse s'élever. Il pourra ordonner l'exécu tion provisoire nonobstant appel et sans caution.

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