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DÉLIBÉRATION DU CONSEIL D'ÉTAT

DU 30 AOUT 1806 (NON APPROUVÉE).

Comme il est venu à notre connaissance que quelques personnes sans principes et sans moeurs se sont permis de troubler des cérémonies religieuses, que chacun doit respecter, quelle que soit son opinion ou le culte qu'il professe, et qu'il importe de réprimer par une juste sévérité ceux que le défaut d'éducation porte à blesser la décence dans les cérémonies publiques ecclésiastiques, ou à scandaliser leurs concitoyens,

A quoi voulant pourvoir,

Sur le rapport de notre ministre des cultes, notre conseil d'état entendu,

Nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit:

ARTICLE PREMIER.

Toute personne qui entrera dans un édifice consacré à un culte quelconque, pendant le service divin, sera tenue de se conformer à ce que les pratiques et les rites de ce culte exigent de la part des assistants.

ARTICLE II.

Les autorités locales veilleront au maintien de l'ordre et de la décence durant les cérémonies religieuses extérieures et la marche des convois funèbres.

ARTICLE III.

Toute personne qui se permettrait de troubler une cérémonie religieuse quelconque, intérieure ou extérieure, ou une cérémonie funèbre, par provocation ou voie de fait, et qui ne se tiendrait pas découverte et debout au passage du

cortége, sera saisie par l'autorité civile ou militaire, et livrée aux tribunaux pour être punie, par voie de police municipale ou correctionnelle, des peines portées contre ceux qui troublent le libre exercice des cultes ou l'ordre public.

RAPPORT

A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR

AU SUJET DES CONFÉRENCES DE M. L'ABBÉ FRAYSSINOUS.

14 MAI 18071.

SIRE,

Votre Majesté, par la lettre dont elle m'a honoré, à la date du 4 mai, m'ordonne de lui faire connaître quel est l'abbé qui prêche à Saint-Sulpice, quel est son âge, quelles sont ses opinions, ses talents.

Je m'empresse de répondre aux questions de Votre Majesté.

L'abbé qui prêche à Saint-Sulpice s'appelle Frayssinous. Il est originaire du Rouergue; il appartient à une famille honorable, qui était réputée noble sous l'ancien régime. Il est âgé de quarante-cinq ans.

Il était professeur dans le séminaire de Paris depuis deux ans; il avait établi des conférences dans une petite chapelle, à côté de l'Église de Saint-Sulpice. Ces conférences étaient fréquentées par une jeunesse nombreuse.

Allant un jour, il y a plus d'un an, visiter le séminaire, je vis M. l'abbé Emerie, qui me présenta M. Frayssinous, et qui me parla de ses succès oratoires.

1 Inédit.

Je fus bien aise de savoir par moi-même ce que c'était que M. l'abbé Frayssinous, 'quel était le plan et l'esprit des conférences qu'il donnait, finalement de quel genre de personnes se composait l'auditoire auquel il parlait. Je fus un soir assister à ces conférences; je m'y rendis à pied et dans un costume qui ne pouvait être remarqué. Je fus très-content des principes et du ton de l'orateur; je le fus de la solidité des instructions, et de la décence qui régnait dans une assemblée toute composée de jeunes gens de toutes les conditions et de toutes les classes, dont la plupart étudiaient à l'école Polytechnique ou dans les écoles de droit et de médecine; plusieurs d'entre eux avaient du papier et un crayon pour noter ce qu'ils entendaient et proposer à l'orateur des objections, auxquelles celui-ci répondait à la conférence. D'après cela, je me convainquis que les conférences de M. l'abbé Frayssinous avaient pour objet de développer toutes les raisons qui peuvent accréditer la religion auprès des hommes instruits et éclairés et tous les rapports que les vérités religieuses peuvent avoir avec la prospérité des gouvernements, avec le bonheur de la société.

La chapelle où les conférences avaient lieu était un local trop réduit pour l'auditoire; je crus d'ailleurs que tôt ou tard la malveillance ne manquerait pas de dire qu'un prètre tenait des conférences secrètes pour fanatiser la jeunesse. J'avertis du danger M. l'abbé Frayssinous, et je lui témoignai que désormais ses conférences devaient être données dans la grande église de Saint-Sulpice, où tout le monde pourrait juger et entendre. Il s'arrangea avec le curé de cette église, et depuis, l'abbé Frayssinous donne son cours d'instruction à Saint-Sulpice les jours de dimanche, à une heure après midi.

Pendant l'absence de Votre Majesté, j'ai assisté deux ou trois fois aux conférences dont il s'agit. Le nombre des au

diteurs est prodigieux : il y a à chaque conférence plus de quatre mille jeunes gens de diverses écoles. On y voit, à côté de cette jeunesse, des savants, des hommes de lettres, des fonctionnaires publics, les évêques qui se trouvent à Paris, des professeurs et des hommes de toutes les classes un peu distinguées par leur éducation et par leurs lumières; c'est vraiment un auditoire choisi.

Des ennemis obscurs de tout bien, qui étaient fâchés des succès de l'orateur chrétien, cherchèrent à donner des inquiétudes à M. le préfet de police, qui, sans m'en prévenir, manda imprudemment M. l'abbé Frayssinous à la police. J'en écrivis fortement à M. le ministre de la police générale, qui reconnut l'incongruité du mandé-venir à la police, qui reçut, de son côté, les meilleurs renseignements sur M. l'abbé Frayssinous, et qui m'assura qu'à l'avenir on ne ferait rien, en pareille occurrence, sans me consulter.

Le 17 mars dernier, j'eus l'honneur de rendre compte Votre Majesté de cette petite affaire, et de la manière heureuse dont elle avait été terminée. J'eus même l'honneur de lui adresser une copie de la lettre que j'avais écrite, dans cette occasion, à M. le ministre de la police générale.

Les conférences ont continué et continuent encore avec le même succès.

M. l'abbé Frayssinous est un homme sage et mûr; il est fort dévoué à Votre Majesté; il ne manque jamais une occasion, dans ses discours, de faire sentir ce que les Français vous doivent, Sire, d'admiration, de reconnaissance et d'amour. Il a des principes très-monarchiques, et il sait leur associer les idées libérales que ses principes comportent.

Il n'est point déclamateur; il a le style d'une conversation noble et élevée; son objet est de faire aimer et respecter la religion, en établissant qu'elle est amie de l'ordre social, et qu'elle se concilie avec les plus grandes lumières.

Le genre de M. l'abbé Frayssinous ne ressemble à aucun de ceux de nos prédicateurs ordinaires; ses discours ne sont pas des sermons; il présente des développements oratoires qui tiennent le milieu entre une discussion qui ne serait que philosophique et une simple prédication.

On peut être plus orateur que M. l'abbé Frayssinous, mais on ne peut avoir plus que lui l'art, jusqu'ici inconnu, de commander le silence et l'attention dans une assemblée nombreuse, et composée de jeunes gens ou de personnes qui dédaigneraient ailleurs, et sous une autre forme, toute espèce d'instruction religieuse.

Ce qui est certain, c'est que M. l'abbé Frayssinous fait un grand bien; il n'offense jamais personne dans ses discours; il est tolérant sans indifférence; il jette des semences d'ordre et de moralité dans de jeunes têtes auxquelles une éducation révolutionnaire avait rendu ces idées étrangères; il réussit à parler de religion, et à en parler sans ennui, à des hommes qui ne paraissaient pas même dans nos églises et qui dédaigneraient un sermon.

Nous aurions besoin de quelques discoureurs de œ genre, et il faut espérer qu'il s'en formera.

Voilà, Sire, les renseignements que je devais à Votre Majesté sur M. l'abbé Frayssinous. Il me sera toujours dour d'avoir à lui faire connaître les sujets fidèles et les ecclésiastiques estimables.

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