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m'écrire, et qui présente en détail les abus graves dont les petites écoles sont comme le siége et le centre.

Votre Majesté y verra que ces écoles deviennent les canaux par où la corruption et le libertinage se répandent jusque dans les dernières classes de citoyens.

L'état d'instituteur dans une petite commune ne saurait par lui-même offrir des ressources séduisantes à la vertu et au talent. Cet état peut tout au plus assurer à ceux qui l'exercent les moyens de subsistance et un modique entretien. Qu'en arrive-t-il? Tout homme qui n'a ni fortune ni métier, et qui ne peut aspirer à rien dans la société, se présente dans une petite commune pour y être instituteur; des hommes grossiers et ignorants le reçoivent sans examen, et après avoir surpris la confiance, il met tous ses soins à en abuser. Ordinairement, le maître d'école devient le rival du curé et le conseil du maire; les petits partis naissent; l'opposition des intérêts en amène souvent une dans les principes et dans la doctrine; pour diminuer l'influence du curé, on cherche à diminuer celle de la religion, et bientôt les familles, sans rien gagner du côté de l'instruction, perdent tout du côté des mœurs.

Le Gouvernement peut et doit surveiller les grands établissements consacrés à l'instruction; mais il s'exposerait à des méprises journalières, s'il voulait présider au choix du moindre instituteur de village. D'autre part, il ne peut abandonner au hasard l'instruction des gens de la campagne, qu'il est si important de préserver de tout ce qui peut égarer l'imagination et corrompre le cœur. Il est donc nécessaire que les maîtres d'école soient examinés, et qu'ils ne soient point admis sans choix à exercer un état qui n'est point sans influence. Dans les lycées, dans les écoles secondaires, on a besoin de rencontrer dans les instituteurs la moralité, des connaissances plus ou moins étendues et des talents plus ou moins distingués. Mais les instituteurs des

petites communes n'étant destinés qu'à apprendre à lire et à écrire, à enseigner à leurs élèves les premières règles de l'arithmétique et quelques principes simples de morale, on doit moins chercher en eux les connaissances et les talents que la bonne conduite et les mœurs. C'est d'après ce point de vue que l'édit de 1695 avait confié le choix des maîtres d'école aux évêques, que le soin des mœurs intéresse particulièrement.

On ne peut se dissimuler qu'aujourd'hui les esprits se montrent toujours alarmés quand on parle de donner quelque nouvelle attribution aux ecclésiastiques; il est pourtant d'une très-saine philosophie de les rendre utiles dans les choses où ils peuvent l'être, et où on peut les faire intervenir sans danger. L'essentiel est que le peuple des campagnes ne soit point livré à de fausses doctrines, et qu'il ne soit point égaré par des hommes qui n'offriraient aucune garantie. En général, les laïques ne regardent pas de très-près à ce qui intéresse les mœurs, et presque toujours ils sont encore plus indifférents à ce qui tient aux opinions religieuses, dont l'influence sur la multitude est si nécessaire. Je crois donc que les petites écoles seront toujours dans le plus grand désordre tant que les évêques demeureront étrangers au choix des maîtres d'école. A la bonne heure, qu'on ne les rende pas arbitres uniques de ce choix, comme ils l'étaient autrefois; mais on pourrait peut-être tout concilier, en disant que les préfets ne pourraient autoriser aucun maître d'école qu'après l'avoir fait examiner par l'évêque diocésain, ou après avoir reçu de lui les renseignements convenables sur les mœurs et la doctrine du sujet.

Mon zèle, mon attachement sans bornes à l'auguste personne de Votre Majesté m'imposent le devoir de mettre sous ses yeux les plaintes qui m'ont été portées, et de soumettre à sa haute sagesse les observations que le bien du service m'a inspirées.

RAPPORT

A SA MAJESTÉ L'EMPEREUR

AU SUJET D'UNE CIRCULAIRE ÉCRITE EN EXÉCUTION DU DÉCRET DU 8 FRUCTIDOR AN XIII SUR LES ÉCOLES NORMALES'.

15 février 1806.

SIRE,

Votre Majesté, par son décret du 8 fructidor an XIII, a ordonné l'établissement à Mayence d'une école normale, destinée à former des élèves instituteurs pour les écoles primaires.

Le 29 frimaire an xiv, M. le préfet du Mont-Tonnerre a adressé à tous les maires du département une lettre circulaire relative à l'exécution de ce décret. Il est dit, entre autres choses, dans cette lettre, que les maires sont invités à examiner si l'on ne pourrait pas abolir les écoles paroissiales dans toutes les campagnes où il y a une école pour chaque culte, en réunissant le revenu des uns et des autres aux domaines des communes, qui seraient alors chargées du payement d'un seul instituteur primaire ou de plusieurs, s'il était nécessaire.

Cet objet excite des réclamations qu'il est de mon devoir de faire connaître à Votre Majesté.

Les pères de famille catholiques et protestants se voient menacés de perdre le fruit des fondations faites par leurs aïeux, pour l'instruction religieuse de la jeunesse. Leur crainte augmente, quand ils considèrent que, dans le plan d'instruction présenté par M. le préfet, on parle de la physique, de la chimie, de l'histoire naturelle, sans associer

1 Inédit.

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à l'étude de ces sciences l'enseignement de la morale et de la religion.

Les catholiques et les protestants sont dans une position inquiète et méfiante les uns envers les autres. Les protestants redoutent que leurs fondations ne soient envahies par des instituteurs catholiques; et les catholiques appréhendent, de leur côté, que leurs fonctions ne soient envahies par des instituteurs protestants. Ces derniers savent que le préfet est protestant; que, dans la plupart des communes, il a nommé ou fait nommer des maires protestants; ils prévoient, en conséquence, que des instituteurs protestants obtiendront auprès de lui toute préférence. Tout cela entretient une sorte d'agitation et d'inquiétude dans les esprits.

Dans les lycées établis par Votre Majesté, il y a des ecclésiastiques qui servent d'aumôniers, et qui sont chargés d'enseigner la religion aux enfants; la même ressource ne pourrait se rencontrer dans les écoles primaires, où il n'y aura presque jamais qu'un seul instituteur, qui sera souvent laïque, et qui, en fait d'enseignement religieux, ne pourra guère apprendre aux autres ce qu'il ne saura pas lui-même. D'ailleurs, cet instituteur n'est pas même chargé, d'après la lettre circulaire du préfet, d'enseigner les principes de la religion ni la règle des mœurs.

On conçoit que, dans les villes un peu considérables, les pères de famille qui sont dans l'aisance peuvent eux-mêmes devenir les instituteurs de leurs enfants pour tout ce qui concerne la religion et la morale; encore ne serait-il pas prudent de se reposer uniquement, sur les parents, d'un soin que trop de parents seraient disposés à négliger.

Mais dans les campagnes, si la morale et la religion ne sont point enseignées dans les écoles, elles ne le seront nulle part; les pères et les mères sont absorbés par des travaux journaliers, dont ils attendent leur subsistance de

tous les jours; ils n'ont aucun temps à donner à l'enseignement de leurs enfants. De plus, ils sont trop peu instruits pour pouvoir instruire. Dira-t-on que les ministres du culte suppléeront à tout? Mais à peine trouve-t-on un curé ou un succursaliste dans chaque paroisse. Ce curé ou ce succursaliste a peu de loisirs, parce qu'il est obligé de visiter les malades, de faire les prières accoutumées, et d'aller souvent, à de grandes distances, administrer les sacrements. Si personnellement il avait le loisir nécessaire pour l'enseignement de la jeunesse, il n'aurait pas le moyen d'employer utilement ce loisir, car la jeunesse, qui sera journellement occupée dans les écoles, ne se résignera pas à se rendre chez le curé après l'école finie. Elle voudra profiter des heures libres, ou pour son délassement, ou pour faire l'ouvrage qu'elle sera forcée de présenter le lendemain à l'instituteur. D'ailleurs un curé n'a aucun moyen de coaction; il peut inviter, mais il ne commande pas. Les jours de dimanche sont entièrement employés à l'instruction générale des fidèles, ou à célébrer les offices divins; et on ne trouvera jamais la jeunesse disposée à remplir, le dimanche, les devoirs de piété, si elle n'y a été préparée de longue main. Ce sont les bonnes habitudes qui font tout, et les bonnes habitudes ne peuvent se contracter que par une pratique constante ou par les impressions répétées que l'on reçoit.

Il serait donc à craindre que, dans le plan de M. le préfet, toute idée de morale et de religion ne finît par être effacée de la mémoire des hommes, dans les contrées où l'on ne s'occuperait plus à instruire les hommes de leurs premiers devoirs.

La religion et la morale ne peuvent être inculquées dans les esprits et dans les cœurs qu'autant qu'on en jette les premières semences dès la plus tendre enfance. A tout âge on peut être initié dans une science quelconque; l'intérêt

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