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raisonnement, mais une décision; non une simple thèse, mais un fait. Conséquemment une morale religieuse, qui se résout en commandements formels, a nécessairement une force qu'aucune morale purement philosophique ne saurait avoir. La multitude est plus frappée de ce qu'on lui ordonne que de ce qu'on lui prouve. Les hommes, en général, ont besoin d'être fixés; il leur faut des maximes plutôt que des démonstrations.

La diversités des religions positives ne saurait être présentée comme un obstacle à ce que la vraie morale, à ce que la morale naturelle puisse jamais devenir universelle sur la terre. Si les diverses religions positives ne se ressemblent pas, si elles diffèrent dans leur culte extérieur et dans leurs dogmes, il est du moins certain que les principaux articles de la morale naturelle constituent le fond de toutes les religions positives. Par là, les maximes et les vertus les plus nécessaires à la conservation de l'ordre social, sont partout sous la sauvegarde des sentiments religieux et de la conscience. Elles acquièrent ainsi un caractère d'énergie, de fixité et de certitude, qu'elles ne pourraient tenir de la science des hommes.

Un des grands avantages des religions positives est encore de lier la morale à des rits, à des cérémonies, à des pratiques qui en deviennent l'appui. Car n'allons pas croire que l'on puisse conduire les hommes avec des abstractions ou des maximes froidement calculées. La morale n'est pas une science spéculative; elle ne consiste pas uniquement dans l'art de bien penser, mais dans celui de bien faire. Il est moins question de connaître que d'agir; or les bonnes actions ne peuvent être préparées et garanties que par les bonnes habitudes. C'est en pratiquant des choses qui mènent à la vertu ou qui du moins en rappellent l'idée, qu'on apprend à aimer et à pratiquer la vertu même.

Sans doute il n'est pas plus vrai de dire, dans l'ordre re

ligieux, que les rits et les cérémonies sont la vertu, qu'il ne le serait de dire, dans l'ordre civil, que les formes judiciaires sont la justice; mais comme dans l'ordre politique la justice ne peut être garantie que par des formes réglées qui préviennent l'arbitraire, dans l'ordre moral la vertu ne peut être assurée que par l'usage et la sainteté de certaines pratiques qui préviennent la négligence et l'oubli,

La vraie philosophie respecte les formes autant que l'orgueil les dédaigne. Il faut une discipline pour la conduite, comme il faut un ordre pour les idées. Nier l'utilité des rits et des pratiques religieuses en matière de morale, ce serait nier l'empire des notions sensibles sur des êtres qui ne sont pas de purs esprits, ce serait nier la force de l'habitude.

Il est une religion naturelle, dont les dogmes et les préceptes n'ont point échappé aux sages de l'antiquité, et à laquelle on peut s'élever par les seuls efforts d'une raison cultivée. Mais une religion purement intellectuelle ou abstraite pourrait-elle jamais devenir nationale ou populaire? Une religion sans culte public ne s'affaiblirait-elle pas bientôt? Ne ramenerait-elle pas infailliblement la multitude à l'idolâtrie? S'il faut juger du culte par la doctrine, ne faut-il pas conserver la doctrine par le culte? Une religion qui ne parlerait point aux yeux et à l'imagination pourrait-elle conserver l'empire des âmes? Si rien ne réunissait ceux qui professent la même croyance, n'y aurait-il pas, en peu d'années, autant de systèmes religieux qu'il y a d'individus? Les vérités utiles n'ont-elles pas besoin d'être consacrées par de salutaires institutions?

Les hommes, en s'éclairant, deviennent-ils des anges? peuvent-ils donc espérer qu'en communiquant leurs lumiè res, ils élèveront leurs semblables au rang sublime des pures intelligences?

Les savants et les philosophes de tous les siècles ont

constamment manifesté le désir louable de n'enseigner que ce qui est bon, que ce qui est raisonnable; mais se sont-ils accordés entre eux sur ce qu'ils réputaient raisonnable et bon? Règne-t-il une grande harmonie entre ceux qui ont discuté et qui discutent encore les dogmes de la religion naturelle? Chacun d'eux n'a-t-il pas son opinion particulière, et n'est-il pas réduit à son propre suffrage? Depuis les admirables offices du consul romain, a-t-on fait, par les seuls efforts de la science humaine, quelque découverte dans la morale? Depuis les dissertations de Platon, est-on agité par moins de doutes dans la métaphysique? S'il y a quelque chose de stable et de convenu sur l'existence et l'unité de Dieu, sur la nature et la destination de l'homme, n'est-ce pas au milieu de ceux qui professent un culte et qui sont unis entre eux par les liens d'une religion positive?

L'intérêt des gouvernements humains est donc de protéger les institutions religieuses, puisque c'est par elles que la conscience intervient dans toutes les affaires de la vie, puisque c'est par elles que la morale et les grandes vérités qui lui servent de sanction et d'appui sont arrachées à l'esprit de système, pour devenir l'objet de la croyance publique; puisque c'est par elles, enfin, que la société entière se trouve placée sous la puissante garantie de l'auteur même de la nature.

Les États doivent maudire la superstition et le fanatisme. Mais sait-on bien ce que serait un peuple de sceptiques et d'athées?

Le fanatisme de Muncer, chef des anabaptistes, a été certainement plus funeste aux hommes que l'athéisme de Spinosa. Il est encore vrai que des nations agitées par le fanatisme, se sont livrées, par intervalles, à des excès et à des horreurs qui font frémir.

Mais la question de préférence entre la religion et

l'athéisme ne consiste pas à savoir si, dans une hypothèse donnée, il n'est pas plus dangereux qu'un tel homme soit fanatique qu'athée, ou si, dans certaines circonstances, il ne vaudrait pas mieux qu'un peuple fût athée que fanatique; mais si, dans la durée des temps, et pour les hommes en général, il ne vaut pas mieux que les peuples abusent quelquefois de la religion, que de n'en point avoir.

L'effet inévitable de l'athéisme, dit un grand homme, est de nous conduire à l'idée de notre indépendance, et conséquem ment de notre révolte. Quel écueil pour toutes les vertus les plus nécessaires au maintien de l'ordre social!

Le scepticisme de l'athée isole les hommes autant que la religion les unit; il ne les rend pas tolérants, mais frondeurs; il dénoue tous les fils qui nous attachent les uns aux autres; il se sépare de tout ce qui le gêne, et il méprise tout ce que les autres croient; il dessèche la sensibilité; il étouffe tous les mouvements spontanés de la nature; il fortifie l'amour-propre, et le fait dégénérer en un sombre égoïsme; il substitue des doutes à des vérités; il arme les passions, et il est impuissant contre les erreurs; il n'établit aucun système, il laisse à chacun le droit d'en faire; il inspire des prétentions sans donner des lumières; il mène, par la licence des opinions, à celle des vices; il flétrit le cœur; il brise tous les liens; il dissout la société.

L'athéisme aurait-il du moins l'effet d'éteindre toute superstition, tout fanatisme? Il est impossible de le penser. La superstition et le fanatisme ont leur principe dans les imperfections de la nature humaine.

La superstition est une suite de l'ignorance et des préjugés. Ce qui la caractérise est de se trouver unie à quelqu'un de ces mouvements secrets et confus de l'âme, qui sont ordinairement produits par trop de timidité ou par trop de confiance, et qui intéressent plus ou moins vivement la conscience en faveur des écarts de l'imagination ou

des préjugés de l'esprit. On peut définir la superstition une croyance aveugle, erronée ou excessive, qui tient presque uniquement à la manière dont nous sommes affectés, et que nous réduisons, par un sentiment quelconque de respect ou de crainte, en règle de conduite ou en principe de

mœurs.

Avec une imagination vive, avec une âme faible, ou avec un esprit peu éclairé, on peut être superstitieux dans les choses naturelles comme dans les choses religieuses. Il n'est pas contradictoire d'être à la fois impie et superstitieux; nous en prenons à témoin les incrédules du moyen âge et quelques athées de nos jours.

D'autre part, toute opinion quelconque, religieuse, politique, philosophique, peut faire des enthousiastes et des fanatiques. De simples questions de grammaire nous ont fait courir le risque d'une guerre civile. On s'est quelquefois battu pour le choix d'un histrion.

D'après le mot d'un célèbre ministre, la dernière guerre, dans laquelle la France a si glorieusement soutenu le poids de l'univers, a-t-elle été autre chose que la guerre des opinions armées, et y a-t-il eu une guerre religieuse qui ait fait répandre plus de sang?

On ne saurait donc imputer exclusivement à la religion des maux qui ont existé et qui existeraient sans elle.

Loin que la superstition soit née de l'établissement des religions positives, on peut affirmer que, sans le frein des doctrines ou des institutions religieuses, il n'y aurait plus de terme à la crédulité, à la superstition, à l'imposture. Les hommes, en général, ont besoin d'être croyants, pour n'être pas crédules; ils ont besoin d'un culte, pour n'être pas superstitieux.

En effet, comme il faut un code de lois pour régler les intérêts, il faut un dépôt de doctrines pour fixer les opi

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