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XXIV. Quand les deux langues classiques, déclarées si parfaites, disparaissent en faisant place aux langues nouvelles, le travail intellectuel correspondant à ce double fait, reste sans influence sur la pensée catholique; mais l'histoire externe de la Patrologie est modifiée.

50. Restant dans le même ordre d'idées, qui est celui du Dr Alzog, nous demanderons si l'orthodoxie est atteinte par cette situation en sens inverse de celle que nous venons d'exposer. Et nous répondrons non, assurément; car elle nous apparaît plus forte et mieux établie que jamais. Nous demanderons si la doctrine catholique a moins le droit de revendiquer la direction des esprits, si, en fait, elle exerce sur les idées intellectuelles de ce temps un ascendant moindre. Et nous répondrons non, assurément; car elle règne, elle domine, elle régit et gouverne le monde intellectuel, le monde moral, le monde social, et, pour tout exprimer en peu de mots, jamais elle ne s'est emparée plus complètement de l'àme humaine, de l'activité humaine.

51. Reprenant la distinction énoncée plus haut entre la Patrologie et la Patristique, nous dirons donc que la Patristique, c'est-à-dire la doctrine reste invariable, et s'accroît toutefois d'éléments nouveaux, de témoignages traditionnels s'ajoutant aux témoignages traditionnels anciens, tandis que la Patrologie, c'est-à-dire l'histoire extérieure, ou externe, des écrivains ecclésiastiques, manifeste ou revêt à cette date des caractères tout différents de ceux de la Patrologie antérieure. XXV.- Patrologie primitive, ancienne; et non primitive, nouvelle.

52. Ainsi, ce ne sera pas inutilement que nous aurons distingué entre la Patrologie et la Patristique. La Patrologie primitive finira, comme il a été dit, à S. Grégoire le Grand et à S. Jean Damascène. Elle sera continuée par la Patrologie ancienne (mais non primitive), qui s'arrête au point où le double collection Migne l'a conduite, c'est-à-dire jusqu'à Innocent III pour l'Occident. Et la Patrologie nouvelle, on le comprend, aura pour point de départ notre présente édition de Honorius III. XXVI. Activité intellectuelle du XIIe siècle. 53. Insisterons-nous sur cette activité des intelligences qui est contemporaine de la Patrologie

(1) Les Universités de Paris et de Bologne sont antérieures par la date. Celles dont la fondation appartient au treizième siècle sont: En Italie, Arezzo en 1202, Vicence 1204, Padoue 1222, Naples 1224, Verceil 1228, Plaisance 1243, Trévise 1260, Ferrare 1264, Pérouse

nouvelle au treizième siècle, comme cn a fait à l'égard de la Patrologie primitive, se produisant au milieu de la société romaine, formée des éléments grec et latin? Nous n'aurons à faire que des redites. Le sujet cst connu. Il nous paraît indispensable, toutefois, de ne pas omettre absolument ces redites.

A l'époque historique à laquelle nous sommes parvenus, la langue italienne commence à se fixer. Brunetto Latini, un des maîtres du Dante, a cependant écrit ou traduit dans notre idiome son Trésor, ou manuel d'études. Mais la Divine Comédie est l'un des plus anciens et des plus splendides monuments de la langue italienne, comme elle est la plus étonnante production de ce temps: une langue qui produit de telles œuvres ne peut manquer d'exercer une influence sur les esprits des contemporains vivant sur le même sol, et sur leurs écrits.

L'Espagne, de son côté, montre un goût fort vif pour les lettres, sous Alphonse le Sage, et l'invasion des Musulmans d'Afrique, des Mérinides, que combat principalement la Castille, n'empêche pas les chrétiens de rechercher et de commenter les travaux de l'Islamisme. Les monastères et les églises cathédrales ont leurs écoles dans les divers royaumes chrétiens. La France et l'Italie se glorifient de leurs universités: Paris, Angers, Toulouse, Montpellier attirent la foule des étudiants, aussi bien que Bologne (1). La langue française se révèle par la chronique de Villehardouin, les Grandes Chroniques de saint Denis, la vie de saint Louis par Joinville, car ce siècle est celui de notre saint Louis, qui en est l'une des gloires les plus pures et les moins contestées; par les romans, les fabliaux. Les rois, les princes, les seigneurs s'environnent de poètes et de lettrés. Florence atteste son génie artistique, et elle est fière de Cimabué. La France n'est pas moins enthousiaste de la Sainte Chapelle, joyau artistique incomparable. Les sciences, la médecine, la chirurgie, la chimie sont en progrès. On fait des découvertes dans les sciences, et cet âge est celui de Roger Bacon. La jurisprudence civile et la jurisprudence canonique jettent un éclat inouï. Enfin, et par dessus tout, la scolastique ne se borne pas expliquer le Livre des Sentences; mais elle produit des œuvres d'un incontestable mérite, dues à Albert le Grand, S. Bonaventure, S. Thomas d'Aquin, Duns Scott. C'est ainsi, c'est-à-dire par les œuvres des Thomas.

1276; en France, Toulouse 1228, Montpellier 1180-1289, Lyon, 1300; en Espagne et Portugal, Salamanque 1240, Lisbonne (Coïmbre) 1290. Les Universités anglaises d'Oxford et de Cambridge sont aussi antérieures au treizième siècle.

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54. Notre civilisation du dix-neuvième siècle est chrétienne, malgré ses écarts. Toute entière, elle relève de Jésus-Christ, même chez les hétérodoxes et chez les libres-penseurs, parce que le fond des idées dont toute intelligence se nourrit à l'âge actuel, dans le monde civilisé, n'a point d'autre origine ou d'autre base. Nous n'avons pas cessé d'être les peuples chrétiens, remplaçant les peuples païens de l'ancien monde dans les annales humaines et dans la réalité des faits. Mais notre civilisation ne relève pas, à l'heure présente, toute entière de l'Eglise, et c'est pour cela qu'elle n'a ni l'unité, ni l'abondance de vie du treizième siècle. Malgré les diversités nationales qui s'accusent de jour en jour davantage au treizième siècle, malgré ce particularisme, non pas seulement apparent, mais bien réel, l'unité de l'occident n'était pas entamée. Et l'occident conservait même encore l'espoir de ramener, comme en réalité, mais passagèrement, il ramenait à l'unité l'Orient rebelle et dévoyé par le schisme, depuis Photius.

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(1) Dans un ouvrage estimé, et devenu rare, Recherches sur la condition civile et politique des femmes depuis les Romains jusqu'à nos jours, M. Ed. Laboulaye apprécie ainsi qu'il suit l'influence exercée par l'Eglise, p. xv, et s. :

Ce que nous appelons les lois barbares ne sont que les coutumes amenées du fond de la Germanie par les conquérants, et répandues par eux dans les Gaules, dans l'Italie et dans l'Espagne. Les deux races et les deux législations en présence, il devait en résulter une fusion des coutumes des deux peuples, dans laquelle prédominerait l'élément romain ou germanique, suivant que les populations seraient plus ou moins composées de vainqueurs ou de vaincus. C'est ce qui arriva en effet, et la fusion fut d'autant plus prompte que les deux races trouvèrent un intermédiaire qui facilita le rapprochement, en donnant aux conquérants, aussi bien qu'aux vaincus, des principes et des croyances communes : cet intermédiaire, ce fut l'Eglise.

L'Eglise a joué le grand rôle dans les origines de cette civilisation romano-germanique, qui succéda à la civilisation romaine; elle fut le grand médiateur qui réunit sous un même nom, celui de chrétiens, tous ces peuples d'origines diverses, et sut ménager à la fois l'esprit des deux législations, en ôtant à la législation ce

PATROL. TOME I.

que poursuit incessamment l'établissement de la religion chrétienne à travers les siècles, son but immédiat est coordonné pour correspondre aux besoins des temps nouveaux dans lesquels elle prend naissance.

56. Au treizième siècle, l'idée chrétienne a remplacé depuis longtemps l'idée païenne. Mais le christianisme primitif n'avait pas pour mission de détruire la société ancienne; il ne l'a pas détruite; il l'a subie, même violente et persécutrice, ne l'attaquant pas, ou ne lui refusant pas l'obéissance au temps des persécutions les plus terribles. Il a été témoin, non l'artisan de sa chute, dont il a adouci l'amertume en consolant les angoisses qu'amène inévitablement pour les âmes l'écroulement d'un monde. Il lui a survécu. Soit en conséquence du simple fait de la survivance, soit en vertu de son principe, il était tenu d'organiser, de guider, de diriger la société au milieu de laquelle il vivait. Il ne pouvait se désintéresser. C'est pourquoi, la Patrologie nouvelle comprend une partie juridique si importante. Saint Thomas d'Aquin, le grand théologien, le grand philosophe, n'est pas seulement philosophe et théologien ; il est encore juriste. Il suffit de citer en preuve les titres suivants de la Prima Secundæ : « xc, de legibus; xCI, de legum diversitate; xc, de effectibus legis; XCIII, de lege æterna; XCIV, de lege naturali; xcv, de lege humana secundum se; XCVI, de potestate legis humanæ; XCVII, de lege humana quantum að mutationem; › et dans la Secunda Secundæ : « LXVIII, de his quæ pertinent ad justam accusationem; LXIX, de peccatis quæ sunt contra justitiam; LXX, de justitia pertinente ad personam testis; LXXI, de justitia quæ fit in judicio ex parte advocatorum. Il n'est plus permis d'être théologien sans être jurisconsulte (1). On écrivait des Apologé

qu'elle avait de formaliste et d'égoïste, à la législation germanique ce qu'elle avait de dur et de sauvage, et en introduisant comme règles de la vie commune, comme préceptes de la vie sociale, les grands principes de morale que le Christ avait proclamés. L'Evangile fut la grande loi commune, l'idéal législatif, admis par tous les peuples romano-germaniques; à cette loi supérieure. on essaya de plier les coutumes germaniques aussi bien que les coutumes romaines, et cela dès les premiers jours de la conquête, comme le prouvent les lois barbares qui, dans leur rédaction, portent la trace visible de la main du clergé. Cette main paraît encore plus puissante dans la rédaction des Capitulaires et dans l'action des Conciles... On voit l'Eglise toute puissante, seule dépositaire du peu de lumières échappées à la barbarie, menant à l'unité tout le troupeau qu'elle a pris sous sa garde, sans blesser l'une des deux races, sans donner aux institutions des vaincus une prépondérance qui eût pu blesser les vainqueurs. Le rôle qu'a joué l'Eglise, le respect qu'elle a eu pour les idées germaniques, sont d'autant plus remarquables que, par ses usages propres, le clergé tenait à la seule loi romaine.

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Au commencement du XIIe siècle, Irnerius. un professeur de Bologne, remet en honneur les Pandectes, et une nouvelle phase commence pour la jurisprudence eu

B*.

tiques au temps de Tertullien. Au siècle de saint Thomas, qui est celui de Honorius III, chacun apporte son concours, non à l'apologie, mais à la construction de l'édifice social chrétien. Le principal effort des Protestants sera plus tard la réaction précisément contre ce travail du treizième siècle; ils prétendront que la puissance de l'Eglise est toute entière in docendo et monendo, non in imperio; ils refuseront à l'Eglise l'imperium, pour en faire l'apanage exclusif de l'autorité temporelle, attendu que l'Eglise n'est point un Etat; ils exagèreront la notion de l'Etat, et leur doctrine aura son retentissement dans le Syllabus de Pie IX, qui la condamne une fois de plus, et que, certainement, Honorius III aurait signé. Le dix-neuvième siècle, pourrait-on dire, donne la réplique au treizième, parlant l'un et l'autre par la voix des Pontifes, voix écoutée et toute-puissante d'une part, couverte de l'autre par le bruit de tant et de si merveilleuses machines, qui ne se taisent ni jour ni nuit, ou, ce qui est moins digne de louange, par les mille voix différentes qui s'appellent de tous les points de l'horizon, sans que personne veuille entendre un autre que lui-même. Le droit canon avait édifié sur des bases moins contestées.

57. Nous rappellerons quelques principes exposés par les canonistes récents, et particulièrement par Zallinger, dans son excellent ouvrage : Institutiones juris naturalis et ecclesiastici publici. Ils disent que les lois et la religion n'ont pas une Source première différente, Lex et religio ab eodem fonte dimanant; qu'en parlant du droit, on peut distinguer la loi, materia ex qua jus integratur, le sujet de la loi, qui est l'homme, materia in qua, el les volontés ou même les nations humaines dirigées par la loi, materia circa quam,(V. Huguenin, Expositio methodica juris canon.); que toutefois l'homme ne pouvant être abstrait ou distrait de son Créateur et de sa fin dernière, le but final de l'homme indiqué par la religion, et non par aucune législation contingente venant d'un pouvoir humain, ne peut et ne doit jamais être

ropéenne. A la législation coutumière, qui se développait sous la vigilance de l'Eglise, vient se joindre un elément nouveau, le droit romain, ou pour mieux dire la science. C'était dans la jurisprudence le même mouvement que dans les autres branches des connaissances humaines, une renaissance, un réveil de l'intelligence; Justinien fut l'Aristote des jurisconsultes. L'empereur fut pour eux ce que le PHILOSOPHE était pour les théologiens et pour les médecins; tout plia devant cette autorité.

Cet élément nouveau 'affaiblit point les autres, et la science se porta bien vite de la législation Justinienne aux autres branches de la jurisprudence. Ainsi, le droit canonique s'affermit, il devint plus savant, plus profond; Rome fut le point central d'où sortirent, pour toute l'Europe, des lois, des décrets, comme autrefois sortaient de la Rome païenne ces rescrits qui gouvernaient le

oublié. Suivons ce raisonnement de Zallinger: Actiones hominum, per se et naturam, respiciunt et attingunt quamdam perfectionem Dei; qui non hominem regere potest, nisi convenienter suis perfectionibus, p. 14. Ni Deus præciperet quæ sunt consentanea suis perfectionibus se ipsum negaret, p. 17. Sic detectus fons communis obligationum. (Ib.). Le raisonnement est court et la déduction aussi claire que rapide.

58. Le treizième siècle n'a pas d'autre pensée. Les nations ont été gagnées à Dieu et à son Christ pendant la longue période des douze siècles antérieurs. Il ne reste, pour harmoniser toutes choses dans la société chrétienne, qu'à donner à l'Eglise la place qui lui appartient, pour que tout homme tende vers Dieu, soit conduit à Dieu, s'incline devant Dieu, soit régénéré par Dieu, non pas seulement dans le for intime de la conscience, au point de vue de la justification du péché, mais dans tout son être, dans ses affections, ses pensées, ses sentiments, ses actions, ses rapports sociaux. Tout ce qui, jadis, avait été réputé un obstacle venant du dehors, doit être changé en un moyen d'affermir le règne du Christ. Puissance du glaive, autorité des souverains, législation civile se faisant l'auxiliaire de la législation de l'Eglise, tout doit être combiné en vue du résultat. Non est potestas nisi a Deo, dit l'Apôtre, Rom. XIII, 1. Dieu n'est pas seulement auteur des lois, dit Huguenin, par la loi éternelle d'où dérivent les lois d'ici-bas, mais par le Christ, qu'il a établi législateur en l'Eglise Auctor legum Deus non solum eo quod lex æterna sit origo juris, sed præsertim quia Christus Ecclesiæ jura condidit primordialia et societatem ecclesiasticam constituit. Et Zallinger: Finis ultimus conditoris est propria gloria, et hominis beatitas, qua quivis potiri queat, quæ completa sit, et miserias removeat, quæ duratura. Hæc non adest in terra degentibus. Unde vita est tantum via. Nous n'affirmons pas que le treizième siècle ait atteint son idéal. Toutefois, c'est un idéal dont on ne peut nier la grandeur.

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monde; et le génie des Papes ne le céda en rien, il faut le reconnaitre, au génie des jurisconsultes impériaux. Les principes les plus généreux du droit criminel et du droit des gens, une partie de notre droit civil, et la procédure toute entière, nous viennent de ce droit canonique qni joua un si grand rôle dans l'histoire de la civilisation moderne, et qui ne mérite certainement pas le dédain et l'oubli dans lequel nous le laissons.

Tandis que le droit canonique prenait une forme savante, les coutumes se fixèrent aussi par écrit. Dans toute l'Europe, le même mouvement se fit du milieu à la fin du XIe siècle... Il y eut donc trois éléments de législation, et il se forma un mélange singulier de ces trois éléments, dans lequel le beau côté fut pour le Digeste et les Décrétales.

Nous ne courons pas grand risque si nous parlons avec quelque enthousiasme de la législation canonique, l'une des gloires les plus incontestables du treizième siècle. Cet enthousiasme sera peu contagieux. Le droit canon a été inconnu en France depuis la Révolution. Avant la Révolution, il a été souvent faussé. Et si la liturgie a rencontré un Dom Guéranger, le droit canon a été moins favorisé jusqu'à présent. Il attend encore un sage initiateur.

Ce n'est pas que l'on ne parle volontiers de droit canon, en certaines occurrences. Quelques-uns, par exemple, eussent été bien aises d'en faire une entrave pour les évêques, ce qui est puéril. Tel n'a été le but du droit canon à aucune époque. D'autres se croient juristes et canonistes, parce qu'ils ont lu ou feuilleté quelques livres. Ceux-là ne consentent à voir dans le droit canon qu'un ensemble de décisions; ils n'en font pas une science.

Avec la connaissance des décisions, on aurait des praticiens, sans doute. Mais la science exige des études plus larges, le sens juridique, l'aptitude à établir une théorie du droit. Nul ne sera canoniste, c'est-à-dire ne possédera une véritable connaissance scientifique du droit ecclésiastique, s'il n'a étudié le droit romain. Il nous paraitra même indispensable d'avoir suivi, jusqu'à certain degré, dans ses développements le droit des nations modernes. Quelques travaux estimables publiés chez nous dans ces dernières années, ne constituent pas une grande école de la science canonique. Nous pourrions insister davantage. Notre infériorité concernant cette partie des sciences ecclésiastiques n'est que trop évidente. Nous voudrions espérer, nous espérons que le treizième siècle mieux connu rendra à l'Eglise de France, en particulier, la grande inspiration juridique du passé.

devra en faire l'étude. C'est un point sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

XXX.-L'histoire n'a pas encore assigné à
Honorius III sa véritable place.

60. Par tout ce qui précède, nous croyons avoir accompli le devoir d'éditeur, plutôt que nous n'avons assumé le rôle de panégyriste. Honorius fut certainement un grand et remarquable Pontife, trop peu connu jusqu'à l'heure présente. Mais nous n'avions pas à le louer. Notre mission consistait à donner le sens de son œuvre, ou de ses œuvres, à introduire notre lecteur dans ce livre nouveau pour lui, que nous lui offrons. C'est une introduction, c'est une Préface que nous avons écrite. Le jugement du public éclairé, et non le nôtre, assignera ensuite au successeur d'Innocent III sa véritable place dans les Annales générales de l'humanité, et dans l'histoire particulière de l'Eglise. Nous pouvons affirmer, toutefois, que cette place sera une place distinguée, et bien voisine de celle d'Innocent III lui-même, depuis longtemps en possession de la renommée.

Quand notre édition d'Honorius III aura pris place dans les bibliothèques, lorsque le Pontife, mieux connu, aura été apprécié et jugé, d'après les mérites divers de ses œuvres, on pourra s'étonner des six siècles et demi d'oubli, non absolu toutefois, mais trop réel cependant, qui ont pesé sur sa mémoire, en dérobant à la postérité une si grande part de la gloire de son Pontificat. Mais ceux qui ont étudié l'histoire de l'Église, et principalement la Patrologie, qui en forme l'un des chapitres, n'ignorent pas que Dieu se sert de l'homme et n'a pas besoin de l'homme; qu'il récompensera l'usage de la liberté humaine employée à la défense de son Église, et que l'œu vre même, de l'homme dont il aura daigné rémunérer l'effort, peut soit tomber dans l'oubli, soit de Honorius III font partie de la science périr, sans danger pour l'Église sur laquelle Dieu juridique du XIIIe siècle.

XXIX.-B on nombre de Lettres et Bulles

59. Faisant l'application de ces remarques à la Quinta, puis aux Lettres et Bulles, nous signalerons dans la Quinta les décisions: Novæ causarum emergentium quæstiones novis exigunt decisionibus terminari, dit Honorius, col. 113, infr., tandis que les Lettres et Bulles, les Epistolæ, seront l'œuvre non-seulement du Pontife, mais du juriste consommé, poursuivant une incessante interprétation du droit qui régit la société chrétienne. Honorius III n'aura pas moins bien mérité de la science canonique par les Epistolæ que par la Quinta, et c'est en tenant compte de cette observation qu'on

veille.

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On ne connait ses Recognitiones que par une traduction latine. On dispute sur l'authenticité de sa Seconde épître aux Corinthiens. Ses Epistolæ II decretales sont considérées comme interpolées. On lui a attribué, et maintenant on lui refuse les Canones Apostolorum et Constitutiones. Et, cependant, les écrits de ce Père étaient en telle vénération qu'au dire d'Eusèbe et de S. Jérôme, sa première Epître aux Corinthiens était lue dans les Églises chrétiennes dès la plus haute antiquité. Tel est le sort des écrits du premier et du plus ancien des Pères.

62. Dom Ceillier, s'appuyant sur S. Jean Chrysostome, va plus loin. Il explique que le plan divin dans le gouvernement des élus ne comporte l'existence des Saintes Écritures que secondairement, et accessoirement à l'usage que l'homme a fait de sa liberté. Voici comment il s'exprime au Liv. I de son Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques:

Les hommes auraient dû, suivant la pensée de Saint Chrysostome, mener une vie si pure et si innocente, qu'ils n'eussent aucun besoin de livres et que, la grâce leur tenant lieu elle-même de livres, l'esprit de Dieu gravât lui seul dans leur cœur les vérités que ses ministres nous ont laissées par écrit. C'est ainsi, ajoute ce saint docteur, que Dieu en usait à l'égard de Noé, d'Abraham et de ses enfants; à l'égard de Moïse et de Job, à qui il parlait immédiatement par lui-même, à cause de l'innocence et de la pureté de leur cœur. Dans le Nouveau Testament, il en a usé de même à l'égard de ses disciples, puisque, sans leur rien laisser par écrit, il s'est contenté de leur envoyer son Saint-Esprit pour leur enseigner toutes choses.

Cette voie était sans doute plus excellente que l'autre. Aussi, le Seigneur, en parlant de la nouvelle alliance qu'il avait dessein de faire avec les hommes, ne s'engage pas à leur donner les lois par écrit. Il déclare qu'il veut les instruire luimême, et graver les lois dans le fond de leur cœur Je ferai, dit-il, un testament nouveau; j'écrirai mes lois dans leurs âmes; je les graverai dans leurs cœurs, et je les instruirai tous moimême, Jérém. xxxi, 33.

Mais, parce que dans la suite des temps les hommes ont corrompu leurs voies et qu'ils se sont rendus indignes que Dieu leur parlât par luimême, comme auparavant, il leur a tracé, dans des caractères sensibles, ses lois et ses volontés,

(4) Martinet, le P. Perrone, le P. Deschamps, et autres, recommandent la démonstration de l'Église par le fait vivant et sensible de son existence, et non par une accu

se servant à cet effet du ministère des hommes choisis de sa main et remplis de son esprit.

• Nous avons encore aujourd'hui leurs écrits, et nous en tirons cet avantage que non-seulement nous y voyons les règles divines que nous devons suivre pour remplir les devoirs de notre condition, mais encore une preuve évidente de la vérité de notre religion, qui est son antiquité; car les livres forment une chaine perpétuelle et non interrompue de témoignages qui attestent que notre religion est la même que celle des anciens patriarches, qui ont été les premiers dépositaires du vrai culte.

« On ne peut donc faire trop de cas de ces divins écrits, ni trop en prendre la défense, et en faire connaître les auteurs. Nous essayerons de faire l'un et l'autre... Ainsi parle Dom Ceillier.

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63. L'Église est un grand fait qui s'impose. L'histoire de la préparation évangélique est un fait. Toute l'humanité est saisie par le grand fait de l'Église préparée et de l'Église subsistante à travers les siècles jusqu'à nos jours. Plusieurs théologiens contemporains (1) ont insisté sur le besoin actuel de la démonstration qui s'appuie sur le fait, de la polémique qui argumente en prenant le fait pour base. Nous disons: le fait, et non l'écrit ou le livre. Mais, comme l'a dit Ceillier, nous n'en devons pas moins recueillir les écrits, car ce qui est écrit forme la chaîne non interrompue des témoignages.

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64. Outre cette commune destinée des œuvres de l'homme, qui vont si vite et si facilement à l'oubli, alors même que l'homme accomplit les desseins de Dieu et semblerait venir en aide à sa Providence dans le gouvernement de ce monde, des difficultés intrinsèques nombreuses se présentaient pour recueillir les matériaux épars d'une édition de Honorius III.

Nous eussions désiré offrir au public une vie de Honorius III, et nous ne connaissions que des notices fort incomplètes. Le premier volume commence par ces notices, suivies d'une notice bibliographique, et d'une note qui rapproche et compare Innocent III et Honorius III. Ce sont là nos Prolegomena generalia. En cours de publication, un Eminentissime cardinal a daigné nous apprendre l'existence d'une Vie proprement dite, écrite par Simon Majolus, et préparée pour l'impression par

mulation de textes. C'est la voie rapide et sûre, disentils, pour couper court à toutes les arguties, à tous les sophismes.

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